Episodes Saison Game of Thrones Saison 8 Episode 5 : un barbecue de cloches

Simon Riaux | 13 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
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L'avant-dernier épisode de Game of Thrones est là, et nous offre une bataille aussi attendue que redoutée. La série phare de HBO fait face aux promesses émises dès sa première saison, et nous plonge dans une apocalypse totalement sidérante.

ATTENTION SPOILERS !

 

PhotoBretagne is coming

 

PRETS POUR LA BAGARRE

En annonçant que les épisodes 3, 4, et 5 pouvaient être appréhendés comme un unique mouvement au sein de la série, Miguel Sapochnik s’était montré très clair. L’affrontement au cœur de Port-Real se devait de répondre à la Bataille de Winterfell, les flammes d’éclairer les ténèbres, la mort d’emporter les innombrables épargnés par l’assaut du Roi de la Nuit. Pensé comme le retournement esthétique, thématique et philosophique de l’homérique affrontement de Winterfell, cet épisode 5 devait s’imposer comme le point culminant de Game of Thrones. Et de bien des manières, il y est parvenu.

La série phénomène de HBO est parvenue bien des fois au fil des années à décrocher la mâchoire de ses spectateurs, et le 3e chapitre de cette ultime saison constitua un accomplissement plastique extrêmement impressionnant. S’il appartiendra à chacun d’éprouver quel morceau de bravoure emporte le plus son adhésion, de par ses choix esthétiques, sa dramaturgie et son atmosphère, jamais la série n’avait atteint un tel niveau d’exigence technique, de souffle épique et d’ambition spectaculaire.

Les effets spéciaux ne sont quasiment jamais pris en défaut, et surtout, ils s'efforcent de mêler les techniques avec une intelligence et une précision redoutables. Fonds verts, imagerie numérique, maquettes, cascades, pyrotechnie, se voient alliés lors de plans à s'arracher les yeux de bonheur, avec un sens de la narration et de la composition consommés.

 

photoOn sait où est passé le budget VFX

 

Daenerys (Emilia Clarke) a donc décidé d’attaquer sans plus attendre la capitale des 7 Royaumes. Sa stratégie est extrêmement simple sur le papier : une attaque éclair à dos de dragon pour abattre la flotte de Fer, puis pulvériser les défenses aériennes de la cité dans la foulée, avant d’ouvrir une brèche déterminante dans les remparts de Port-Real, pour que ses hommes prennent la ville. Son plan se déroule sans accro, tant et si bien que retentissent rapidement les cloches de la ville (qui donnent son titre à cet épisode : The Bells), synonyme de reddition.

Mais Daenerys, en dépit de ses principes, malgré ses engagements répétés auprès de ses conseillers et notamment de Tyrion (Peter Dinklage), ne parvient pas à se raisonner et préfère entamer un massacre enflammé, répandant la mort depuis le ciel dans la moindre ruelle de Port-Real. Au sol, pour la plupart de ses soldats, exténués, assoiffés de vengeance ou tout simplement hystérisés par une victoire spectaculaire, le signal est clair : c’est une véritable boucherie qui commence, sous les yeux de Jon Snow, incapable de réfréner ses troupes, qui commencent à éviscérer tout ce qui bouge.

 

photoQuelque chose qui cloche

 

BARBECUE IS COMING

Ce mouvement narratif a un effet des plus dévastateurs. La bataille démarre comme un bonheur de divertissement de fantasy pyrotechnique, où nous voyons enfin Daenerys triompher d’une reine haïe, dont les actions égoïstes et amorales ont amené Westeros au bord de la destruction. Après les revers essuyés dans l’épisode précédent, assister à son triomphe flamboyant à l’occasion d’une série de saynètes aussi spectaculaires qu’esthétiquement impeccables est absolument euphorisant.

Puis la chanson de gestes prend un tour funeste, alors que la Mère des Dragons se fait Mad Queen et jubile d’assassiner ses futurs sujets, tout en abattant le Donjon Rouge, symbole de l’opulence passée de sa lignée. Et le grand triomphe attendu de Dany se fait film d’horreur interminable. Il y a là un retournement, quand bien même fut-il attendu, extrêmement fort. Depuis presque une décennie, des millions de spectateurs attendent l’avènement du personnage, son arrivée victorieuse et sa réussite. En découvrir la mécanique et les conséquences s’avère terrible, tant le déluge de violence qui l’accompagne rompt avec toute notion de satisfaction, ou de spectacle au sens traditionnel du terme.

Et Miguel Sapochnik sait qui convoquer pour transformer le carnage en magnifique moment de télévision, comme en témoigne le duel entre les frangins Clegane. Véritable fantasme incarné à la perfection à l'écran, jonglant entre Le Retour du Jedi, la peinture romantique et des décennies d'Heroic Fantasy, la scène se veut un pur cadeau offert aux fans. Ces derniers se voient gratifiés d'une série d'images inoubliables, s'achevant sur un festival enflammé de symboles parfaitement cohérents avec l'ADN des deux personnages s'affrontant.

 

photoUn des plus beaux plans de toute la série

 

Miguel Sapochnik n'en reste pas là et cite l’imagerie de Pompéi, mélange compositions issus du néo-classicisme pictural, fait du pied aux grandes compositions de David. Mêlées aux flammes de la Dark Fantasy, ces influences font des merveilles, mais elles ne sont pas les seules présentes dans cet impressionnant épisode. À force de visages mutilés, de peaux striées de larmes et de sang, c’est le souvenir de Requiem pour un massacre qui s’élève des décombres et charrie avec lui les réminiscences de la barbarie nazie et des représentations de l’holocauste. Ainsi, quand Arya (Maisie Williams) titube en direction d’un cheval souillé de terre et de sang, on pense évidemment aux séquences sylvestres mises en scène par Elem Klimov.

Cette puissance cinématographique explose totalement lorsque le récit se focalise sur Arya, son retour au sein de l'humanité alors qu'elle renonce à exercer sa vengance, mais principalement alors qu'elle fuit dans les rues de Port-Real, et tente d'échapper à l'horreur qui ensanglante le moindre recoin de la cité. Après avoir si longtemps confiné les populations au hors-champ, si rarement questionné les conséquences des actions de ses personnages nobles, capables de lever des armées en un clin d'oeil, la série offre ici une plongée cauchemardesque dans la brutalité aveugle d'un conflit qui fait soudain des civils ses munitions.

 

photoUne grosse envie de brûler

 

LA VENGEANCE EST UN PLAT QUI SE MANGE TRÈS TRÈS CUIT

Parallèlement, ceux que la timidité dramaturgique de la Bataille de Winterfell avait agacés pourraient bien trouver ici leur bonheur, plusieurs personnages étant enfin confrontés aux conséquences de leurs actes, à la portée de leur destinée et l’achèvement de leurs arcs scénaristiques. Ainsi, Varys (Conleth Hill) finit en côtelettes, Jaime et Cersei réunis se font écraser par quelques tonnes de pierre, tandis que le Cleganebowl s’achève sur un barbecue en forme de match nul. De son côté, Euron (Pilou Asbæk) se fait crever le bide comme un vilain sac à vin.

Le tout alors que Tyrion, Arya, Jon et Dany prennent chacun des décisions qui devraient structurer les conflits du chapitre final. Devant cet étalage d’actions décisives, d’issues tragiques et de promesses palpitantes, pourquoi ce chapitre demeure-t-il par endroits frustrants ? Pourquoi laisse-t-il au-delà du malaise provoqué par les décisions de la Mère des Dragons, un goût de cendres persistant ?

 

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photoGame of Thrones/Requiem pour un Massacre

 

Tout simplement, parce que malgré son impeccable réussite, en dépit d’une enfilade de scènes visuellement grandioses, d’une ambition épique tout simplement inédite hors grand écran, cet excellent chapitre doit lutter avec des années d’écriture inconstante, changeante, voire schizophrène, et en souligne parfois malgré lui les ratages passés.

 

CHAUD-RUNNERS

Ainsi, on comprend mal pourquoi Daenerys (Emilia Clarke) qui a vécu des épreuves et des revers autrement plus rudes que la mort d’un dragon, ou le meurtre d’une conseillère, a pu se transformer en deux coups de cuillère à pot en psychopathe hagarde, la mine ahurie, à peine plus soignée qu’une indépendantiste Bretonne tout juste réchappée d’une soirée un peu velue des bas-fonds Berlinois.

 

photoUne certaine idée de la gueule de bois

 

Bien sûr, le personnage a toujours agi comme une irresponsable irascible, assoiffée de sang et de meurtre, mais la mise en scène de la série n’a jamais pris en charge la teneur abominable de ses actions, cruelle de ses décisions, et irrévocable de son projet. Par conséquent, et en dépit de tout le brio de la mise en scène de Sapochnik, un épisode semble bien trop court pour donner tout à fait corps à une Mad Queen digne de ce nom.

De même, les showrunners David Benioff et D.B. Weiss n’ont plus aucun scrupule à rendre leurs personnages stupides pour faire avancer rapidement le scénario. C’est pour cela que de maître absolu du complot, de stratège accompli, Varys s’est transformé en gros demeuré aux airs de bébé constipé, qui se précipite vers le type le plus intègre de l’univers, Jon Snow (Kit Harington), pour lui proposer, devant témoins et en plein jour, de zigouiller sa Reine et ex-maîtresse. On ne s’étonnera donc pas que ses tentatives d’empoisonner Dany à coup d’écuelles tièdes fassent un flop, et que cette dernière finisse par le faire griller.

 

photo"Hey copain, j'ai une super idée là."

 

Il sera tout aussi difficile, malgré la surpuissance visuelle et thématique des séquences où elle apparaît, de s'inquiéter pour Arya. Game of Thrones a établi il y a quinze jours à peine que notre héroïne était capable de s'infiltrer au milieu de milliers de zombies, filouter des Marcheurs Blancs, bondir dans l'espace intergalactique comme un Ninja et exécuter la plus grande menace de tous les temps avec un beurrier en verredragon. Alors, bon, on voit mal comment elle pourrait redouter trois briques qui se cassent la figure et les flammèches d'un gros reptile volant.

Enfin, le charisme démentiel d’Euron (Pilou Asbæk) n’aura finalement rien pu contre une écriture invraisemblablement flemmarde, qui l’aura jusque dans ses ultimes secondes réduit à une dimension de Gremlin poilu. Une paresse d’autant plus regrettable que sa confrontation avec Jaime s’avère aussi palpitante qu’une nuit d’amour après une bonne Fête de la Bière, aussi platement écrit que tristement découpé, à l’issue invraisemblablement stérile et déceptive.

The Bells demeurera certainement comme un des chapitres les plus éprouvants, impressionnants, radicaux, et déchirants de Game of Thrones. Paradoxalement, il devrait aussi rester comme l’aveu de l’incapacité de ses showrunners à maintenir le niveau d’exigence narrative établi par George R.R. Martin il y a bien des années.

 

 

photo"Maintenant on va pouvoir faire la fête !"

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commentaires lecteurs votre commentaire !
Chris
15/07/2019 à 07:02

Je trouve qu'il faut être bien aveugle pour ne pas avoir vu venir la folie de Daenerys et la juger "sortie de nulle part". Il y a eu des tonnes de signes avant coureurs. Déjà, si Tyrion ne l'avait pas constamment bridée, elle aurait massacré Port-Réal depuis bien longtemps. Il y a aussi eu la crémation des Tarly, par exemple. De façon générale elle s'est toujours montrée prétentieuse et totalement égocentrique, mais elle sauvait les apparences en se drapant dans sa légitimité de Targaryen et dans sa bonne conscience morale de "briseuse de chaînes". Sa légitimité ayant disparu avec Jon, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'elle perde pied, on sait très bien depuis longtemps que ce qu'elle veut c'est le pouvoir et rien d'autre, donc fatalement elle fera tout pour le conquérir, quitte à compromettre sa dignité de façade.

CHFAB
18/05/2019 à 21:44

peut être que si on nous avait montré Daenerys en train de rêver, la nuit avant l'affrontement de Kings Landing (Port Réal), rêve devenant peu à peu cauchemar, tout le monde se retournant contre elle, Jon en premier, en train de l'assassiner, ainsi qu'au moins un ou deux plans sur elle, écumant de rage et de peur pendant l'incendie de terreur, alors aurions-nous mieux accepté et compris son basculement définitif vers la folie... Ici, tous les moments cruciaux de basculement de chaque personnage ont été expédiés à la truelle (comme dans un Star Wars en fait!); jaimie, Varys, Cersei, Arya... Et tout finit par ressembler à un mauvais blockbuster comme il en pleut tant et tant depuis une quinzaine d'années... Une fois de plus, l'argent massacre le génie artistique (confère Matrix, dont l'épisode 3 renie lui-même son premier film, par exemple), et j'ai bien peur que c'est ce goût méchamment amer qui demeurera une fois cette dernière saison achevée... Et pour les acteurs, il va falloir surmonter cet après Game Of Thrones, qui s'avèrera, je le crains, bien douloureux...

Nesse
15/05/2019 à 05:34

OK visuellement c est beau, tres beau, pour la psychologie des personnages une catastrophe on est loin de la perfection des 6 premières saison.

JohnBarry
14/05/2019 à 13:52

@ Gnagna

Moi aussi je m'attendais à une autre fin pour Cersai, mais au final, je pense que le but de l'épisode était de redonner une part d'humanité à Cersei (notamment via ses retrouvailles avec Jaimie) et de montrer que maintenant le vrai monstre est Daenerys.

Ce qui évidemment n'excuse en rien le comportement de Cersei lors des saisons précédentes^^

Louig
14/05/2019 à 13:12

Mais il détruit le mur en se posant dessus non ? (cette saison est en train de me tuer, je ne me souviens plus de rien ^^)

@laredac

c'est ce que j'ai pensé au début, mais en relisant le message concerné je n'ai pas vu le rapport !

Simon Riaux
14/05/2019 à 13:09

@Nico

Le Roi de la Nuit a surtout abattu le mur d'enceinte de Winterfell hein.

@Louig
C'était une formulation ironique.

Louig
14/05/2019 à 12:57

@Nico

C'est un mur de glace (on peut débattre de la nature de la flamme, mais ça me semble quand même plus logique ^^)

@laredac

Ça fait réfléchir ?

Simon Riaux
14/05/2019 à 12:08

@Voir n'est pas comprendre

Sa fait réfléchire.

gnagna
14/05/2019 à 12:00

gros bémol pour moi, la mort des Lannisters. Que Cersei et Jaime meurent ensemble c'est normal, mais il aurait fallu un geste positif de ce dernier (il la tue puis se suicide, ayant fini par réaliser sa démence) qui mette en relief son évolution durant la série. L'éboulement qui les prend tous les deux c'est un peu la solution de facilité...

Voir n'est pas comprendre
14/05/2019 à 11:55

Elle ne devient pas la Mad Queen pour les raisons ridicules avancées dans votre critiques mais pour une raison bien simple elle se rend compte que malgré tout ses efforts personne ne l'aime et que même, ils se permettent de la trahir, Jon avec,
Aria redevient la gamine qu'elle est à 2 moments, quand elle chute lors de la bataille de Winterfell et quand Sandor (c'est important, elle le remercie comme ça pour la 1ère fois) lui dit de ne pas finir comme lui. Vous oubliez d'ailleur de parler du cheval blanc à la fin de l'épisod et de la symbolique mais vu votre niveau général, c'est pas étonnant.
Enfin le dragon s'enfui dans le 4 car elle est choquée après la perte du dragon et de sa flotte, là il vient tout péter avec le soleil dans le dos.
Pour ce qui est de Martin l'écrivain le plus lent de la terre, déjà dans les livres il y a des incohérences et des histoires qui ne servent à rien donc venir chier sur l'écriture d'épisodes tv alors que les livres de bases sont déjà pas terrible au niveau de tout, c'est le comble.
Plus personne ne sait regarder les choses pour ce qu'elles sont, des divertissements, pas plus pas moins.

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