Star Trek Discovery : une première saison moyenne, entre magie et paresse

Geoffrey Crété | 14 novembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 14 novembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Bilan de la première partie de la saison 1 de Star Trek : Discovery.

Après la série originaleLa Nouvelle GénérationDeep Space Nine, Voyager et Enterprise, voici donc venu le temps de Discovery. La galaxie de Gene Roddenberry ouverte en 1966 est une nouvelle fois de retour à la télévision dans une série créée par Bryan Fuller (parti depuis s'occuper pleinement d'American Gods) et Alex Kurtzman (producteur et scénariste des deux films Star Trek de J.J. Abrams), portée par Sonequa Martin-Green.

Après neuf épisodes et une pause dans la diffusion, qui reprendra le 7 janvier aux Etats-Unis et sur Netflix, bilan de cette première partie de saison, qui souffle le chaud et le froid.

 

ATTENTION SPOILERS

 

Photo Sonequa Martin-Green, Star Trek : DiscoverySonequa Martin-Green est l'héroïne de Discovery

 

DÉMARRAGE CANON

Au premier abord, Star Trek : Discovery ne pouvait que décevoir, énerver, frustrer, exaspérer ou laisser sur le carreau une partie du public, entre ceux qui aiment l'univers de Gene Roddenberry depuis quelques décennies, et ceux qui n'y voient qu'une niche de fans de science-fiction désuète. L'enthousiasme pour la marque est fragile au cinéma (Star Trek Sans limites a moins bien marché que les deux précédents films), et le budget est incomparable entre les blockbusters relancés par J.J. Abrams et la série diffusée sur CBS - même si un épisode de Discovery coûterait entre 8 et 8,5 millions selon Variety, ce qui en fait une superproduction, proche des 10 millions de Westworld sur HBO.

Le pari est donc de taille pour la chaîne, qui a ravivé la franchise 12 ans après l'annulation de Star Trek : Enterprise, l'une des plus courtes séries avec l'originale. Le pilote en deux parties de Discovery devait donc frapper fort et vite, pour embarquer du monde et vendre du rêve, avec un numéro d'équilibriste incontournable afin de caresser le fan sans pour autant repousser le néophyte.

 

trailerSonequa Martin-Green entourée de Doug Jones et Michelle Yeoh dans le pilote spectaculaire

 

En ça, Discovery a commencé sur les chapeaux de roues. D'un côté, le lien avec la mythologie est bien présent : l'héroïne est la demi-sœur humaine de Spock, est premier officier sur un vaisseau de la Federation, et affronte les célèbres Klingons, ennemis emblématiques de Star Trek. Mais le pilote redynamise la formule avec une énergie et une radicalité rafraîchissante. 

Plus qu'un pilote classique, c'est un téléfilm à part entière qui ouvre les portes d'une nouvelle série et pose les bases d'un univers plus sombre, plus torturé, et donc plus en phase avec son époque. Fière et déterminée, la tête brûlée Michael Burnham s'engage ainsi dans une mission dangereuse qui s'achève par la mort de sa capitaine (Michelle Yeoh) et le démarrage définitif d'une guerre contre les Klingons. Les paroles de paix fanfaronnées par la Federation deviennent un affront aux yeux de l'Étranger, qui refuse de se plier à une culture dont l'expansion est perçue comme une menace.

 

Photo Star Trek : DiscoveryLe Klingon version Discovery

 

MICHAEL BURNÉE

Le vrai premier épisode de Star Trek : Discovery sera donc le troisième. Condamnée à un emprisonnement à vie pour mutinerie, considérée comme responsable d'une catastrophe aux conséquences dramatiques, l'héroïne est embarquée malgré elle à bord du Discovery six mois après son procès. Rongée par la culpabilité, son enthousiasme éteint et son amour propre annihilé, elle est invitée par le capitaine Lorca (Jason Isaacs) à bord de son vaisseau : parce que la guerre contre les Klingons a pris des proportions tragiques, il est prêt à tout pour trouver une porte vers la victoire - quitte à engager une paria haïe et crainte par tous.

La trajectoire de Michael Burnham sera donc aussi claire que classique : le Discovery sera pour elle une seconde chance, afin de rattraper ses erreurs, panser ses plaies, et devenir meilleure. Brillante, opiniâtre, pleine de ressources, elle est également socialement inadaptée, et coupée de ses émotions selon l'enseignement Vulcain. Grâce à quelques ficelles (Tilly dans le rôle de l'amie décalée et légère, Tyler en prétendant amoureux, Saru en frère contrarié, Lorca en figure paternelle dure mais protectrice), la série dessine donc le portrait de cette héroïne féroce. 

 

Photo Sonequa Martin-Green, Star Trek : Discovery

 

Rien de bien excitant de ce côté : malgré le charisme de Sonequa Martin-Green, découverte dans The Walking Dead, le personnage reste bien trop stéréotypé et manque des nuances qui en auraient fait un ancrage puissant et solide. La mécanique autour d'elle est répétitive, Michael ayant vite raison et les autres ayant souvent tort tandis que l'héroïne reproduit quelques erreurs de manière très artificielle (désobéir à sa hiérarchie, prendre des risques absurdes).

La dynamique globale de certains épisodes reste très paresseuse, offrant parfois une ligne bien trop claire d'évolution où le personnage apprend une leçon importante après une épreuve. Soit le b.a.-ba de l'écriture télévisuelle, qui a pris un sérieux coup de vieux vu la concurrence. Même le générique, malgré un bon thème musical, manque cruellement de magie. Et à l'image de ces défauts, Star Trek : Discovery manque de finesse, et avance avec de très gros sabots.

 

Photo Star Trek : Discovery, Sonequa Martin-Green, Jason IsaacsJason Isaacs et Sonequa Martin-Green

 

LE SALUT PAR SARU

Après neuf épisodes, Star Trek : Discovery laisse une étrange impression. Il y a des choses bien, voire très bien, mais surtout la sensation que la série ne s'est pas encore trouvée. Entre des épisodes quasi indépendants comme celui en hommage à Alien et l'intrigue plus étalée des Klingons, entre les parties sur l'équipage humain et celles sous-titrées sur leurs ennemis, entre des ambitions de spectacle et une fondation plus poétique : la série cherche encore un équilibre. Que le septième épisode, qui utilise l'éternelle ficelle de la boucle temporelle (un classique de la science-fiction, exploité par le passé dans Star Trek), ait été salué par la critique, témoigne d'un certain manque d'inspiration autour de cette sixième série, qui aura offert peu de matière en neuf épisodes.

Même constat du côté des personnages. Il manque beaucoup de choses pour que Lorca, Tilly, Stamets, Culber ou encore Tyler deviennent des personnages plus profonds et engageants, qui dépassent les stéréotypes classiques du genre. La relation entre Burnham et son capitaine, le spectre de Philippa Georgiou, l'histoire d'amour entre Stamets et Culber : les relations restent trop vagues, carrées et sous-exploitées pour donner de la chair à cet équipage.

 

Photo Star Trek : Discovery saison 1, Star Trek : Discovery, Sonequa Martin-GreenSaru vs Burnham : une relation quasi fraternelle compliquée

 

Seul Saru occupe une place plus intéressanteDoug Jones, acteur fétiche de Guillermo Del Toro vu dans Hellboy et très attendu dans La Forme de l'eau en février, incarne à la perfection ce Kelpien fascinant et central puisqu'il est le seul personnage important à servir de pont entre le pilote et la suite, aux côtés de l'héroïne. Silhouette longiligne, maquillage excellent : Saru s'impose d'emblée par son allure saisissante, et sa position très tranchée sur les événements.

C'est aussi parce qu'il est issu d'une espèce extra-terrestre faible, considérée comme des proies faciles, qu'il a une personnalité particulièrement marquante. Le premier officier du Discovery est un alien qui vit dans la peur constante de la mort inscrite dans son ADN, ce qui lui donne un rôle à part au milieu des héros téméraires et quasi suicidaires. L'épisode centré sur lui, sur la planète Pahvo, explore cette facette très belle de la galaxie Star Trek avec une certaine justesse. C'est aussi sa relation quasi fraternelle avec Burnham, avec sa part de jalousie et compétition, qui apporte le plus d'humanité à la série.

 

Photo Star Trek : Discovery, Sonequa Martin-Green, Doug Jones, Shazad Latif

 

LA TÊTE DANS LES ÉTOILES

Reste que Discovery présente quelques belles choses qui pourraient illustrer des ambitions plus nobles. Rien que ce champignon cosmique, qui s'étale de manière invisible à travers l'espace pour créer une carte secrète, est une fabuleuse idée. La planète Pahvo, avec ses plantes et formes de vie bleues, réinscrit la série dans la mythologie Star Trek avec une efficacité certaine, replaçant alors le discours éternel sur la paix au cœur de l'histoire.

Central dans le pilote, ce questionnement sur la nécessité supposée de la guerre est relativement bien traité et décliné au fil des épisodes. Les Tardigrades notamment illustrent une certaine intelligence de ce côté, le caractère monstrueux de ces créatures étant finalement une projection quasi automatique des humains sur l'inconnu. La guerre qui ronge l'esprit des puissants transforme ces formes de vie paisibles, témoins silencieux du chaos de l'univers, en potentielle armes. Là, lorsque cette bestiole révèle sa nature réelle, que cette arme devient un outil de navigation halluciné, ou lorsque l'héroïne décide de libérer la bête, Discovery prend une direction plus pure et lumineuse.

Ceux qui craignaient de voir Star Trek devenir une série guerrière bête et méchante y trouveront ainsi de vraies interrogations, ou du moins la conscience de l'ampleur des enjeux. L'heure est venue de questionner la Federation et ses méthodes, comme l'indique la première scène de la série, ou encore le personnage de Rainn Wilson : à force d'aller toujours plus loin et "boldly beyond", il y a le risque de tomber sur quelqu'un qui ne veut pas d'eux et leur vision du monde.

 

Photo Star Trek : Discovery, Sonequa Martin-Green, Shazad Latif

 

La série brille aussi par sa direction artistique, qui assume l'aspect de pure science-fiction éclatante sans avoir peur. Ici, il y a quantité de maquillages soignés filmés sous toutes les coutures, d'inombrables dialogues aliens sous-titrés, des pistolets lasers, des vues lumineuses de l'espace, des décors farfelus et un vocabulaire de trekkie.

Le plastique et le carton, indissociables de l'âme Star Trek, sont parfaitement intégrés et aimés par la mise en scène. Le risque était de rechigner à embrasser cet aspect de la saga, pour correspondre à l'époque. Mais Discovery s'en contrefiche. L'utilisation parfois maladroite des effets spéciaux (bien souvent parce que la mise en scène ne prend pas la peine de masquer leurs limites) reste finalement mineure tant un soin est apporté à l'ambiance, et notamment à la photo qui offre de très belles images bleues ou rouges.

 

Photo Star Trek : Discovery

 

Le cliffhanger de mi-saison alterne entre le très moyen (le "dernier saut" de Stamets, tellement mis en avant qu'il ne pouvait être que dramatique) et l'efficace, le Discovery étant catapulté dans l'inconnu pour que le public se reconnecte le 7 janvier prochain. 

Comment les héros vont-ils affronter les multiples menaces à bord, du scientifique mal en point à une Klingon aux desseins bien tordus, et liés à Tyler ? Pourquoi ces débris Klingons ? Le Discovery aurait-il voyagé dans le temps, comme évoqué par l'un des moments de décrochage de Stamets ? La série va t-elle réellement aller "boldly beyond" dans la deuxième partie de sa première saison ?

« Nous devons gagner cette guerre... mais après, le voyage continue », clame Lorca en évoquant les possibilités infinies de l'univers - et donc, de la série. Le combat est encore loin d'être gagné, mais Star Trek : Discovery a donné quelques coups forts et précis qui laissent rêver d'une destination à la hauteur des moyens.

 

Star Trek : Discovery, disponible sur Netflix.
 
 

Affiche, Star Trek : Discovery saison 1

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commentaires
Rey
18/01/2018 à 11:16

Et bien, vu les derniers épisodes , après la reprise, et avec un peu de réflexion et de recul, tant sur cette série que sur l'univers Star Trek, j'émet un gros doute qaund à l'avenir de la série Discovery.
Selon moi, elle ne peut pas durer plus de 2 saisions, en l'état actuel, sans subir une grosse transformation : Changement complet des fils rouges que sont la guerre klingonne et le moteur sporique.
Dans le premier cas, on sait que le conflit va aboutir à une guerre froide (puisque c'est le contexte de la série classique, qui se passe 10 ans après) Et, dans le second cas, on sait pertinemment bien que ce moteur finira par disparaitre car, JAMAIS, on en a entendu parler dans aucune série Star Tre. Et à aucun moment de la série, sauf un seul épisode de Next Generation et un seul de Voyager, un vaisseau de la Fédération n'a eu de telle capacité de déplacement par lui-même. Et quand c'est arrivé, c'était soit temporaire, soit lors d'une expérience non maitrisée et non reproductible. Les autres fois, il s'est agit d'interventions tierses, comme l'utilisation du réseau Borg de transdistortion (dans Voyager).

odo
29/11/2017 à 12:19

A vomir pour les homofil

Guigui le gentil
16/11/2017 à 16:34

Une vraie déception. Cet article l'explique très bien. Micheal est toujours énervante mais c'est la faute des scénaristes. Ils la mettent toujours dans une situation où elle est obligé d'entrer en conflit avec son interlocuteur. Saru est trèèèès intéressant mais clairement mal écris et exploité. Sinon, pour ceux qui ont 28 minutes à perdre, j'explique, dans une vidéo, pourquoi la série ne respecte que très peu "l'esprit STAR TREK" : https://youtu.be/wBenM85Q0Cg

yellow submarine
15/11/2017 à 17:26

très bonne série pour le moment.
Faut dire on a droit à un excellemment casting. Gros plaisir aussi de retrouver doug jones sous un masque comme à son habitude

LaTeub
15/11/2017 à 15:41

Série sympathique que je regarde avec une pointe d'ennui poli. La suite devrait être plus prenante, enfin j'espère...

batblues
15/11/2017 à 10:32

Saru n'est pas le seul personnage qui fait le pond entre le pilote et la série, niveau de l'équipage on a fille avec la greffe, mais pour l'instant peu exploité. et des Klingons, d'ailleurs mais qu'es ce qui c'est passé ?? quel décalage énorme avec les versions précédentes, perso ça me gène un peu même si je trouve le maquillage réussis.
Mais j'arrive à me faire violence.

mmarvibear
14/11/2017 à 20:39

La première partie de Discovery est d'ors et déjà une réussite selon moi. Malgré l'aspect ultra-moderne et léché des décors quand dans la série classique les mêmes rochers en plastique servaient d'un épisode à un autre, on y trouve l'ambiance des séries précédentes. Un peu plus d'action certes mais aussi de la reflexion et des interrogations.

Il faudra plus d temps je pense pour s'habituer aux personnages. Après tout les autres séries ont eu souvent 7 saisons pour installer leur mythologie.

Par contre, non, je ne trouve pas que les personnages à la truelle déparent dans le tableau. C'était déjà le cas pour la série classique que j'ai revue ces dernières semaines. Spock toujours obsédé par le fait de ne pas montrer ses émotions, un McCoy toujours méprisant envers le Vulcain et sa culture, Scotty qui possède deux actions : réparer l' Enterprise en urgence ou picoler. Sans parler de Kirk qui drague TOUTES les filles qu'il rencontre sur sa route ( à mon avis David Marcus est pas le seul enfant qu'il ait fait, doit y'en avoir partout dans la galaxie...).

Seul bémol, le nom de Saru. A chaque fois j'entends "Sulu" et je cherche Georges Takei à l'écran...

Alien
14/11/2017 à 14:14

Bon potentiel, peut mieux faire. Boucle temporel et l'hommage à Alien sont mes favoris. Le capitaine est pour moi un personnage à mille feuille. C'est lui que je préfère en tout cas dans la série.

Jojo
14/11/2017 à 13:21

Globalement c'est une bonne série de SF, j'ai plutôt apprécié sachant que je connais pas trop l'univers Star Trek, vivement la suite !