Gotham : pourquoi la série sur l'univers de Batman est bien un beau ratage

La Rédaction | 25 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 25 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Entre ignominie, anachronismes, personnages sans caractère et rendu fade : Gotham n'est pas une franche réussite.

Attention, Jean-Pierre Coffe a pris le contrôle de cet article et s’est écrié à la fin de la lecture : "Mais c’est de la merde". Plus sérieusement, on vous explique en détails les raisons qui font que Gotham ne casse pas trois pattes à un canard, selon nous. Plutôt très populaire, la série créée par Bruno Heller, plus inspirée qu'adaptée de l'univers de Batman, est ainsi loin d'être une réussite à la hauteur du monde de l'homme chauve-souris. 

Alors au cas où vous n'auriez pas encore vu la saison 4, ou la série tout court, prenez garde et fuyez pauvres fous, car ce dossier est rempli de spoilers. Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas.

 

 

LE MÉCHANT JOKER

Survendu. Ultra-surcoté. Surfait. Depuis son apparition dans l’épisode pilote, le Joker pose un anachronisme autant pour les spectateurs que pour les showrunners de la série. Et pour preuve, Bruno Heller, le créateur de Gotham, avait répondu : « On est face à un petit hic que les fans de la mythologie DC ont déjà bien dû comprendre : le Joker. Le méchant total tel qu’on le connaît, n’apparaît pas avant que Batman ne fasse son apparition dans la ville. Donc cette saga Joker est à la fois une merveilleuse opportunité et un problème narratif à résoudre pour nous. »

Le « problème narratif » n’aura pas été si compliqué que ça à gérer. Oscillant entre une interprétation comique de Cameron Monaghan (à la limite de la lourdeur), s’inspirant des meilleurs arcs des comics dans l’espoir de faire naître un intérêt ou de l’entrain pour le personnage, la série vogue totalement sur le charisme de l’antagoniste et sur sa popularité dantesque. Pour le plus grand bonheur de la "fan-base".

Alors forcément, quand le premier jet, qui ne marchait pas, commençait à devenir un réel souci pour le show, quoi de mieux que le tuer... et le faire revenir à la vie ? Encore une fois, en s’inspirant des meilleurs arcs du personnage. Du coup, après la figure tronçonnée par les mains du taxidermiste, nous avons droit à un Joker plus lisse, plus mature, arborant un regard dédaigneux et manipulateur. Mais sans le côté humoristique du personnage. Ha, la perdition du show approche, vivement la dernière saison, pour constater à quel point ils l’auront anéanti.

 

photo, Cameron MonaghanLa grosse blague

 

LES VILAINS PAS BEAUX

Peu importe finalement que tous les grands antagonistes amenés à croiser un jour le Chevalier Noir jouent comme des pieds, dans des costumes cousus par des aveugles, en récitant mal un texte rédigé un lendemain de gueule de bois des enfers. Chacun accueillera dans sa propre subjectivité ce Gotham pensé pour les enfants daltoniens en phase terminale d’une quelconque pathologie dégénérative de la rétine.

Ce qui empêche les méchants de fonctionner, c’est tout simplement leur (non)écriture et leur incohérence globale. Le personnage central de toutes les aventures de Batman a toujours été Gotham. Les criminels tarés qui y évoluent n’en sont que les fruits, voire la sève, et fonctionnent essentiellement comme incarnation d’un lieu maudit et fascinant. Parce que Gotham n’a pas de vision de son décor principal, de sa logique et de sa philosophie, la série ne traite jamais correctement ceux qui la peuplent.

 

photoJ'ai un masque en lambeaux avec des agrafes, super effrayant

 

LE PAS ENCORE COMMISSAIRE GORDON

Ben McKenzie symbolise presque à lui seul les problèmes qui minent Gotham, à savoir la tentative désespérée de rendre une mythologie dure issue du film noir compatible avec les exigences d’une chaîne désireuse de fournir un divertissement inoffensif à son public adolescent.

C’est ainsi que l’officier âpre, solitaire et traumatisé par une carrière à lutter stérilement contre un crime organisé endémique, se mue dans Gotham en flic idéaliste au charisme de fer à lisser, toujours en retard de trois trains sur l’intrigue, et dont la carrière ressemble plus à une descente de mauvais LSD qu’à une évolution de fonctionnaire municipal.

Démissionnaire, viré, réintégré, promu… Les allers-retours de ce policier infoutu de réaliser qu’un de ses proches se transforme progressivement en psychopathe (coucou Nygma !) n’a pas encore été enlevé par des extra-terrestres, mais cela ne saurait tarder.

Il faut dire que le pauvre Ben McKenzie ne peut pas faire grand-chose pour remettre la série dans le droit chemin, puisqu’il est écartelé entre la direction « policière » qu’impose son personnage et l’orientation scénaristique, qui favorise le développement de grands complots de bad guys totalement pétés. Gotham oblige par conséquent son personnage principal à se tordre pour correspondre aux canons feuilletonnant d’un récit où il détonne toujours.

Enfin, notre malheureux héros souffre d’un syndrome problématique : comme souvent dans les origin stories, il faut combler le vide d’un récit dont les meilleurs éléments et traumas sont encore à venir. Et à nouveau, tout coince quand il faut inventer une vie trépidante à un flic dont les aventures ne commenceront réellement… qu’une dizaine d’années plus tard. Au milieu de cet océan de contradictions, l’incapacité flagrante de McKenzie à jouer autre chose que la lobotomie pariétale n’est finalement qu’un minuscule détail.

 

photo, Ben McKenzieMais... J'ai un regard de beau gosse non ?

 

LE PSEUDO BRUCE WAYNE

On dit souvent qu’un bon film nécessite un bon méchant. Mais un bon méchant, pour exister, nécessite un bon gentil. Bien avant que Batman ne naîsse des cendres de Gotham et ne devienne un justicer, un symbole, Bruce Wayne n'était qu'un jeune adolescent apeuré et terrifié. Même les plus grands ne naissent pas aussi promptement. N'en déplaise au Chevalier Noir, qui n'a jamais eu de réelle histoire sur sa jeunesse. A fortiori, l'idée de faire évoluer Bruce Wayne n'était pas si mauvaise. Encore fallait-il une bonne écriture du principal intéréssé couplé à un bon jeu d'acteur.

Et à ce jeu là, David Mazouz, alias Bruce Wayne, ne dégage qu'un sentiment d'irritation et de frustration. Il incarne un jeune crétin esseulé qui tente d’apprendre la vie, mignon dans la première saison mais particulièrement exaspérant dans les dernières. L'orphelin milliardaire est mono-expressif et unidimensionnel, ne constituant jamais une alternative valable à ses adversaires, et ne permettant pas de mettre en place l’équation fascinante de Batman, à savoir sa tendance à créer indirectement ses pires ennemis.

On sent bien que Bruce Wayne est un peu balloté de tous les côtés. Sans réel but, ni réelle définition de son caractère, le jeune apprenti Chevalier Noir ne sait pas quoi faire pour occuper ses journées. Un jour, nous le retrouvons en fils à papa, fumant, buvant et baisant à s’en faire exploser le foie, puis un autre, épris d’une soudaine envie de justice et d'imposer son courroux. Quand celui-ci n’enfile pas un costume râté, c’est bien les échecs d’intrigues modelées autour de son personnage qu’il collectionne comme des perles. En même temps, comment créer un personnage aussi emblématique que Batman, alors qu’il vient à peine de perdre ses dents de laits, et que ses véritables épreuves et traumas n’arrivent que dans une dizaine d’années ?

 

photo, David MazouzTu crois que je ferai un bon justicier à la dernière saison ?

 

LE MAJORDOME (TROP) BADASS

Alfred Pennyworth fait son apparition, en tout bien tout en honneur, en avril 1943 dans la série de comics. Fraîchement débarqué d’Angleterre, le bonhomme tombe sans le vouloir sur Batman et Robin et les aide à casser du cul de méchants. C’est surtout lors de la création de la série animée de 1992, par Paul Dini et Bruce Timm, que le majordome de l’extrême connaîtra sa meilleure version. Celle reprise par Michael Caine dans la trilogie de Christopher Nolan : The Dark Knight.

Enfin bref, tout ça pour dire que l’Alfred de Gotham, joué par Sean Pertwee, souffre dramatiquement d’un manque d’équilibre et de finesse. Beaucoup trop familier, beaucoup trop surjoué, beaucoup trop casseurs de têtes. Alfred envoie des patates de l'espace en une fraction de seconde, pour ensuite se retrouver en majordome guindé. Le pauvre Sean Pertwee est tout aussi perdu que le jeune maître qu’il doit servir. Souffrant d'une ligne directionnelle pas claire qui lui impose d'être à la fois majordome, figure paternelle, tuteur, coach de vie et entraîneur de lutte. Dur de porter tous ces masques à la fois quand on ne sait jouer que l'indifférence et la nonchalance.

Notre malheureux majordome, qui usuellement manie aussi efficacement l'humour noir et l'ironie, n'arrive ici qu'à se faire insulter et rabaisser par un petit maître dédaigneux plein aux as. Il aura néanmoins l'honneur d'avoir droit à son propre spin-off.

 

Gotham épisode 15 (1)La belle époque où je n'avais pas grand chose à faire

 

LES INTRIGUES

Qu’ils évoquent le parcours individuel des super méchants ou de vastes complots visant à asservir Gotham, les arcs narratifs de la série provoquent régulièrement la consternation. Difficile de comprendre pourquoi la série a tant de mal à se séparer de ses personnages les plus unilatéralement nuls (Jada Pinkett Smith semble en vouloir durablement au spectateur) ou totalement dispensables (les innombrables porte-flingues increvables que se trimballe chaque bad guy).

Pour qu’un acteur aussi nerveusement éreintant et doté d’un développement de personnage aussi poussif que Robin Lord Taylor (le futur Pingouin) apparaisse comme un des atouts majeurs de Gotham, c’est bien que l’ensemble ne tient jamais debout. Enfin, difficile de se passionner pour des intrigues telles que celles de la Cour des Hiboux, l’avènement d’Azrael (sorte de mauvais cosplayeur convaincu d’être un chevalier trop balèze, exécuté lors d’un gag indigne de Bip Bip et le Coyote) ou encore les délires de sous-Frankenstein mitonnés par le Dr. Strange.

Manquent toujours l’ambition opératique, la folie et les ténèbres propres à l’œuvre de Bob Kane.

 

photo, Erin RichardsJe sais très bien gérer mon personnage, arrêtez de me juger

 

BONUS : UNE AMBIANCE PAS TROP MOCHE

On va quand même essayer de sauver les meubles en disant que oui, tout n'est pas à jeter dans Gotham. L'un de ses gros points forts est son ambiance, lugubre, sombre et malsaine. 

Gotham City est un personnage à part entière. La ville transpire, suinte la puantueur et la saleté qui découlent de ses habitants les plus tordus. Elle en devient purulente et toxique. Un mal profond la ronge depuis ses entrailes, et se ressent au travers de tous les épisodes. Du moins, pour les meilleurs d'entre eux. Car si la série est bien à l'image des montagnes russes des parcs d'attraction, elle offre autant de bonnes séquences que de mauvaises.

Et à ce jeu là, la saison 4 réussit plutôt bien ce pari via l'un de ses psycopathes communément appelé The Pig. Les épisodes sont sombres, inquiétants, nous plongent continuellement dans une ambiance mortuaire où l'ombre de la faucheuse ne rôde jamais très loin. Car après tout, le soleil ne se lève jamais du côté de Gotham.

 

 

Vous l'aurez compris : pour Ecran Large, Gotham est moins un prequel amusant et divertissant qui rouvre les entrailles de Gotham City pour le plus grand plaisir des lecteurs et fans, qu'une série mal fichue, incapable de mobiliser la mythologie de Batman de manière efficace et noble.

Alors que la saison 4 s'est achevée et que la cinquième, attendue pour 2019, est la dernière, une seule idée en tête : bon débarras.

 

Affiche

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commentaires
Aniki
30/06/2021 à 19:06

D'accord avec l'auteur de l'article.
Une série de merde surjouée, caricaturale et sans queue ni tête.

Jean jean
24/06/2021 à 07:18

Un peu exagéré la critique quand même. La série est sympa.
Concernant le Joker, Jerome n’est pas le Joker , c’est dit depuis le début de la série…

Kadima
20/01/2021 à 22:49

La série Gotham est juste magique, a l'opposé total de cet article.
J'ai kiffé du premier épisode jusqu'au dernier, on est pris dans l'histoire, on s'inquiète on stresse, on découvre... J'avais l'impression de revenir dans mon enfance devant la série animé Batman, sauf que dans cette série, on entre dans le monde des adultes. Y a rien eu de mieux depuis "the dark knight ".Certain personnages n'ont jamais eu de background aussi intéressant ( comme Alfred où l'homme mystère, même le pingouin est trop classe sans parler de cat). Alors oui, on peut dire qu'il y a des anachronismes ( genre Bane) mais utiliser cet argument pour descendre la série, c'est juste prouver qu'on ne connait pas le monde de Batman. Putain Batman a été inventé en 1942 alors heureusement qu'il y a du changement!
Alors petit conseil à toi, auteur de cet article, écris des choses sur ce que tu comprends car visiblement, t'as rien pigé a la série.

Hilarant
06/10/2020 à 00:14

Merci aux nanas @Karibee et @Ooba qui ont attribué l'univers Batman à Marvel.
J'ai rarement autant ri.

Totalement d’accord
08/06/2020 à 15:17

Excellente critique , je suis tout à fait d’accord je me permet d’ajouter quelques defaults.
Barbara est un mauvais personnage , ils ont fait n’importe quoi passant d’une femme au foyer à une folle lesbienne et à Barbara Al Ghul .
Jim Gordon est un personnage très très nul qui est juste un flic droit.

lucius
13/05/2020 à 15:33

"J'adore Batman, étant fan de Marvel..."
Arrêtez tout mdr

Mex
04/01/2020 à 10:20

pour moi Gotham fait parti des meilleurs serie avec "Les Sopranos" "OZ" "Breaking Bad" "sur ecoute" "Gomorah" et walking dead et game of trone(a leur debut)

Reykjavik
02/11/2019 à 22:22

Alors là...
Je suis en désaccord total avec la personne qui a écrit cette critique et même si on peut comprendre que ce n'est pas son métier, il est difficile d'imaginer que quelqu'un puisse prendre autant de temps pour casser une série sur des arguments si faibles. Les arguments utilisés sont étonnants (surtout à mon point de vue la critique sur les jeux d'acteurs qui est très malvenue). Bien que le personnage de Jerome Valeska peut être critiqué à juste titre pour son manque d'authenticité et de finesse (il est vrai que ce genre de personnage est extrêmement complexe à interpréter).Mais cette série mérite d'être vue et apprécié par chacuns rien que par la multitude d'acteurs talentueux qui a Gotam un aspect intriguant et fascinant à la fois. La dimension complexe que les acteurs ont réussis à donner à leurs personnages donne à cette série une intrigue et une représentation originale de l'univers de Gotam. Finalement, on ne peut pas critiquer Gotam en s'appuyant sur d'autres versions de Batman car Gotam est... Gotam. Heureusement d'ailleurs que ce n'est pas une reinterpration de Batman car c'est ce que les réalisateurs ont apportés à la série qui la rend si fascinante.

Karibee
22/09/2019 à 01:31

Je ne suis pas non plus d’accord avec cette critique, étant une fan Marvel et particulièrement de Batman j’ai adoré cette série certes différentes mais on voit Gotham d’un point de vue différent en votant grandir et évoluer Batman et tous les autres personnages, je conseille à 100%

PetitAigrisQueTuEs
06/04/2019 à 06:09

"pensé pour les enfants daltoniens en phase terminale d’une quelconque pathologie dégénérative de la rétine.").
Mais vu par des Jean rsa aigris qui regrettent les plans tetons de Batman et Robin sûrement . Sacré "journalisme".

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