Patrick Melrose : que vaut ce portrait de toxicomane névrosé porté par un incroyable Benedict Cumberbatch ?

Alexandre Janowiak | 22 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Alexandre Janowiak | 22 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

En attendant de savoir si une saison 5 de Sherlock verra le jour, Benedict Cumberbatch était à l'affiche d'une nouvelle mini-série il y a quelques semaines : Patrick Melrose. On fait le bilan sans spoilers.

 

 

ÇA PARLE DE QUOI ?

En 1982, Patrick Melrose apprend le décès de son père et se rend à New-York pour récupérer ses cendres. Dépressif, alcoolique, héroïnomane, cocaïnomane, schizophrène... l'aristocrate narcissique mène une vie de désoeuvrement. Cet événement familial va le replonger dans les souvenirs de son enfance douloureuse aux côtés de son père violent et de sa mère alcoolique : les déclencheurs initiaux de son profond déséquilibre mental et de ses tendances suicidaires.

Cette mini-série créée par David Nicholls et réalisée par Edward Berger est une adaptation des cinq nouvelles semi-autobiographiques d'Edward St Aubyn. Chacun des cinq épisodes qui composent la série reprend ainsi une des cinq nouvelles de l'écrivain.

 

Photo Benedict CumberbatchBenedict Cumberbatch

 

PATRICK NEVROSE

Si l'ensemble des épisodes de Patrick Melrose sont reliés par l'histoire de leur personnage principal, chacun d'entre eux s'attarde sur une étape différente de la vie de l'aristocrate. Ainsi, les épisodes développent plus ou moins bien un thème ou un ressenti particulier, de l'enfance au deuil, de l'addiction à l'infidélité...

En cela, le premier épisode de la série de David Nicholls est une petite merveille sur la drogue et ses effets notamment grâce au travail de mise en scène effectué par Edward Berger. Ce réalisateur peu connu (qui a planché sur The Terror) joue merveilleusement des cadres, des objectifs, des flous ou des mouvements de sa caméra pour nous offrir une vision profondément réaliste et une expérience immersive de l'addiction de son personnage. Une sensation accentuée par sa gestuelle déroutante, les voix intérieures qui le hantent quotidiennement et des dialogues superbement écrits.

 

Photo Benedict CumberbatchDes lunettes salvatrices pour cacher des nuits de débauche

 

Malheureusement, après cet épisode d'ouverture esthétiquement splendide, puissant thématiquement et superbement orchestré, la mini-série ne retrouvera jamais une telle vigueur et une telle force. Au fil des quatre épisodes suivants, elle conserve sans nul doute sa photographie reluisante signée James Friend, l'élégante réalisation d'Edward Berger en plus d'une bande-originale mortelle : Daydream de Gunter Kalllman Choir, Feeling Good de Nina Simone ou encore Wild World de Cat Stevens.

Finalement, ce sont les propos et leur développement qui pèchent dans Patrick Melrose. Si la description de l'addiction est prenante, les questions posées sur le deuil, le stress post-traumatique, le désir ou l'infidélité manquent cruellement de panache et de nouveautés. La plupart d'entre elles ont déjà été analysées plus en profondeur par d'autres séries ou films et Patrick Melrose n'arrive jamais à les renouveler.

 

Photo Benedict CumberbatchPas facile d'être un aristocrate

 

BENEDICT DES DIEUX

Si le show n'a rien d'exceptionnel narrativement ou thématiquement parlant, il peut heureusement compter sur son comédien principal pour captiver le spectateur. Nommé aux Oscars pour Imitation Game en 2015, star du show Sherlock et interprète de Doctor StrangeBenedict Cumberbatch est la plus grande valeur ajoutée de la série. L'acteur britannique réussit une performance hallucinante dans la peau de ce personnage nerveux, misogyne, détraqué...

Les réactions engendrées par ses consommations de stupéfiants ou son caractère volcanique nous embarquent alors alternativement du rire (une séquence au restaurant hilarante) à l'angoisse (les scènes de bad trip), de la gêne (ses méconduites envers les femmes) à l'admiration (un charisme certain). Une palette d'émotions avec laquelle le Britannique jongle admirablement pour étaler tout son talent.

A ses côtés, l'ensemble du casting n'est d'ailleurs pas en reste. En tête de gondole, Jennifer Jason Leigh est particulièrement touchante dans la peau de cette mère dépassée et alcoolique quand Hugo Weaving (Matrix) effraie en père dévastateur. On retrouve également Allison Williams (GirlsGet Out), Anna Madeley (The Crown), Indira Varma (Game of Thrones), Blythe Danner ou encore Jessica Raine (Call the midwife) dans des rôles plus ou moins secondaires.

 

Photo Jennifer Jason LeighJennifer Jason Leigh

 

Patrick Melrose est une mini-série pleine de charme et aux idées de mise en scène percutantes mais ne révolutionne en aucun cas le monde des séries. Son manque de profondeur et d'originalité thématique l'empêche clairement de se distinguer du tout venant. Heureusement, elle permet à Benedict Cumberbatch de déployer un éventail de jeu ahurissant.

Diffusé sur Showtime, Patrick Melrose est toujours inédit en France.

 

Photo

Tout savoir sur Patrick Melrose

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commentaires
anngab
26/07/2018 à 01:00

Effectivement, le permier épisode est plus "spectaculaire", et en cela très réussi, mais les autres épisodes ne sont, quoique dans un genre très différent, pas en reste.
C'est d'ailleurs dans la différence entre chaque épisode que réside toute l'originalité de la série : chacun est comme un mini-film usant de procédés très différents et lesquels le fond, l'histoire, le personnage relient pour former un tout totalement cohérent. ALors certes, ça peut paraître lent, mais justement cela reflète bien la réalité : se remettre, même partiellement, d'événements tels, ça prend temps fou et la série le fait bien ressentir. De plus, chaque épisode évoque des thématiques très intéressantes. J'ai donc particulièrement aimé le deuxième qui, outre son importance narrative prépondérante au développement du personnage, met en scène ce moment de choix, cet instant où chaque adulte décide plus ou moins sciemment de laisser cet enfant se faire violer par son père (par exemple, le regard du parrain, le refus d'écouter les indices de la mère, ou le fait qu'Anne n'ait pas insisté, ce qui d'ailleurs était très délicat). D'ailleurs j'aimerais ajouter que Sebastian Maltz est excellent et très touchant dans le rôle du jeune Patrick ! L'épisode 3 mêle sociologie et psychologie dans une satire amusante et intéressante de l'aristocratie anglaise. Le quatrième, assez rageant, s'intéresse à la rechute et enfin le dernier à la guérison de PatricK. Ce qui me semble d'ailleurs terrible et réaliste, c'est qu'il faille à Patrick que tous les gens mêlés à cette histoire aient à mourir pour qu"il se remette.
Donc non, ce n'est pas spectaculaire. Mais pourquoi est-ce qu'un sujet aussi dur et incompatible avec les bons sentiments devraient l'être ? Et non, ce n'est pas "révolutionnaire" si vous voulez, mais ça sent le réel. L'auteur a vécu ce dont il parle, devrait-il mentir sur sa perception des choses dans l'unique but de, justement, être unique ?

Tom
28/06/2018 à 12:35

Les gens aujourd’hui ne veulent plus que du spectaculaire. Dès que c'est un peu lent et que ça demande plus d'attention et de réflexion, ils n'aiment pas et s'ennuient. Le première épisode est effectivement excellent, mais très dans le show. Les autres épisodes sont certes moins extravagants mais tout aussi bons et intéressants, que ce soit par les sujets abordés même parfois brièvement (critique de la haute société, éducation, euthanasie...) que par la réalisation. Il n'y a pas tant de séries que ça qui savent aussi bien mettre en avant le rapport entre maltraitances, traumatismes de l’enfance et addictions tout du long. Pour ma part, je trouve l'épisode trois brillant, tout aussi bon que le premier mais dans un genre totalement différent, voire opposé. On y voit même un très joli plan séquence et globalement, c'est un épisode avec relativement peu de coupure. C'est l'une des choses que j'ai beaucoup appréciées dans cette série : chaque épisode à son identité et son ambiance. La musique est géniale aussi. Et pour finir, Benedict Cumberbatch est pour moi beaucoup plus bluffant ici que dans Sherlock.

merlin
22/06/2018 à 19:50

C'est souvent comme ça avec les séries, ça tape fort au 1er épisode puis ça ronronne par la suite.