Castle Rock : notre bilan de la série événement de J.J. Abrams et Stephen King

Christophe Foltzer | 17 septembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 17 septembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Annoncée comme la série événement de l'été, Castle Rock avait tout du pétard mouillé. Maintenant que sa première saison est terminée, il est temps d'en dresser un bilan. A supposer que l'on ait quelque chose à en dire. Attention, SPOILERS !

 

 

LE MASQUE ET LA PLUME

Pourtant, à l'origine, Castle Rock a tout pour nous plaire : une série plongeant dans l'oeuvre de Stephen King pour y faire coexister ses différents aspects. Une série produite par J.J. Abrams, ce qui n'est pas automatiquement un gage de qualité mais davantage d'efficacité. La diffusion sur la plateforme Hulu, ce qui induit une certaine liberté de ton et de traitement dans l'horreur. Bref, on voyait mal comment la série pouvait se planter.

Et puis, nous avons chroniqué les 5 premiers épisodes (le cinquième ici) et ceux d'entre vous qui les ont lu ont pu constater à quel point notre enthousiasme s'étiolait d'épisode en épisode. Au point que nous avons finalement décidé de ne plus traiter la série en direct mais d'opter pour un bilan de fin de saison. Tout simplement parce que Castle Rock nous posait un énorme problème et que l'on attendait de connaitre la fin de l'histoire pour déterminer s'il s'agissait d'un choix conscient de l'équipe derrière la série, d'une maladresse passagère ou bel et bien d'un gros échec.

 

Photo Castle RockHenry Deaver ne comprend pas ce qui se passe et nous non plus

 

Maintenant que nous avons terminé la saison, on peut le dire sans se tromper : Castle Rock est une énorme déception. Un ratage, pas forcément intégral cependant, qui mérite que l'on s'y attarde pour essayer de comprendre comment cela a pu se produire. Si Stephen King a de nouveau le vent en poupe à Hollywood grâce à l'impressionnant succès de Ça, la série tombait au bon moment pour nous offrir un digest de son univers et emmener ce dernier beaucoup plus loin, dans une dimension méta supposément passionnante. La série est en effet un carrefour de l'oeuvre du Maître, un point de rencontre entre ses différentes créations qui coexisteraient dans une même ville pour raconter une histoire inédite.

Dans les faits, les renvois aux romans ne sont qu'un clin d'oeil, un jeu de piste tellement inconséquent qu'il en vient même à parasiter le propos. Alors oui, tel personnage est nommé ainsi en référence à Shining, telle enseigne rappelle Dolores Claiborne, un chien nous renvoit à Cujo et le choix de certains comédiens est une référence directe à Ça pour teaser le spectateur. Sauf qu'en l'état, ce petit stratagème n'a aucune raison d'être à l'intérieur du récit. Il ne s'agit que de fioritures pour attirer le chaland. Nous ne sommes pas loin d'une malhonnêteté intellectuelle clairement assumée.

 

photo, Bill SkarsgårdLe mystérieux Kid aurait pu être passionnant. Dommage

 

COLLINES SILENCIEUSES

Pourtant, dans les grandes lignes, le scénario respecte les archétypes de l'oeuvre de Stephen King : ville du Maine repliée sur elle-même, population bigarrée et gavée de secrets, menace indéfinie qui plane sur l'ensemble et se nourrit des aspérités de chacun, prédominance de la religion... Oui, nous sommes en terrain connu. Le seul souci c'est que la série ne semble jamais se décider sur l'histoire qu'elle souhaite nous raconter.

Alors bien sûr, cette construction éclatée et illogique trouve écho dans la thématique de son histoire, mais dans les faits, c'est très maladroit et inégal. Ce qui aurait clairement fonctionné à l'écrit ne passe pas du tout en série. Cette manie qu'a Castle Rock de passer du coq à l'âne est épuisante et énervante. Impossible de s'attacher aux personnages présentés comme principaux, impossible de s'investir émotionnellement dans ce que l'on nous raconte, tout simplement parce que la série nous le refuse.

 

photo, Melanie LynskeyMelanie Lynskey posay

 

En effet, s'il se passe des choses terribles assez rapidement, si la série commence en installant plusieurs mystères, elle ne semble jamais exploiter correctement ces éléments pour nous les rendre intéressants voire importants. Nous sommes clairement en présence du syndrome Lost, les disparus où les énigmes s'enchainent pour complexifier artificiellement une histoire au final assez simple.

Le moyen de tenir en haleine son spectateur sans vraiment savoir comment on va raccrocher les différents wagons et en comptant sur la diffusion hebdomadaire pour que le spectateur oublie ce qui s'est passé précédemment. Le fait qu'il y ait un petit résumé en début d'épisode nous recadrant sur les informations capitales et nécessaires à ce qui va suivre, n'est pas loin de nous faire penser à une petite entreprise de manipulation.

 

photo episode 5Jackie Torrance, un personnage qui ne sert strictement à rien

 

Cette inconstance dramaturgique est couplée à un vrai problème de forme : la série est très ennuyante à suivre. Pas lente, ennuyante, tant les enjeux ne passionnent guère et cet univers trahit son artificialité à tous les instants. Et c'est fort dommage parce qu'elle contient des personnages passionnants comme celui de Ruth Deaver (Sissy Spacek) à qui est consacré ce qui reste probablement l'épisode le plus réussi de la saison et ouvre les portes d'un multivers très excitant. Mais comme on passe à autre chose juste après, tout cela nous semble plus qu'anodin.

Les deux derniers épisodes remontent clairement la barre en dévoilant la véritable nature du mystérieux Kid. Et s'il est trop tard pour que l'on saute totalement dans ce qui nous est proposé, cela fait néanmoins du bien parce qu'enfin tout cela fait un peu sens. En même temps que cela nous prouve à quel point tout ce qui a précédé était totalement inutile. Et ça nous montre au passage que les scénaristes ne se sont jamais décidés sur l'histoire qu'ils voulaient nous raconter.

 

photo, Andre Holland, Sissy SpacekRuth Deaver, le meilleur personnage et la seule raison de regarder la série

 

La ville de Castle Rock est donc un ersatz de Silent Hill, une cité vivante en forme de purgatoire. Intéressant. La série est une allégorie de la maladie d'Alzheimer. Très intéressant. L'histoire nous présente un effet miroir entre deux mondes directement inspiré de Stranger Things et qui ne peuvent coexister dans le même espace.

Déjà vu mais passionnant. Il y a aussi tout un discours important sur la peine de mort, le traitement des prisonniers aux Etats-Unis et la privatisation de l'institution pénitentiaire. Pris séparément, tous ces éléments constitueraient d'excellentes storylines dont chacune pourrait remplir une saison entière à elle-seule. Mais les voici toutes mélangées maladroitement à doses inégales. Ce qui fait qu'au final, elles s'annulent entre elles.

 

Vous l'aurez compris, parler de Castle Rock n'est pas chose aisée tant la série se prend les pieds dans le tapis et a du mal à composer avec tous ses masques. Gavée de bonnes intentions, handicapée par un trop-plein et une maladresse évidente dans la gestion de son postulat, Castle Rock ne convainc pas au final et restera comme l'un des grands rendez-vous manqués de l'année 2018. Et c'est fort dommage.

Castle Rock est disponible sur Hulu aux Etats-Unis. La série débarquera en France courant octobre sur Canal +.

 

Affiche

Tout savoir sur Castle Rock

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Ann
06/02/2019 à 14:53

Merci Melquiadés!

Marly Martens
21/01/2019 à 17:52

La série n'est pas ennuyeuse pour un sou. Et j'ai pour ma part très bien compris l'intrigue, et quelle histoire ils cherchaient à raconter : vous appelez passer du coq à l'âne, je l'ai trouvé agréable, ça évitait la linéarité du récit. Récit très bien ancré dans l'univers Stephen King. Enfin, je vous trouve un peu gonflés - et très millenials ! - d'attribuer un genre de paternité à Stranger Things en matière d'univers parallèles qui créent des problèmes s'ils se retrouvent en contact. Effectivement, le thème n'est pas nouveau, mais tellement plus ancien que la série que vous citez en référence. On l'a déjà vu ou lu, évidemment. Entre autres chez un certain... Stephen King.

Melquiadès
30/10/2018 à 00:10

Je ne suis pas serievore, à vrai dire j'en regarde très peu. Attirée par celle-ci vu que j'ai lu beaucoup de King, je la trouve génialissime. Alors ok, les "puristes" à la noix, pseudo connaisseurs et autres maîtres en analyse doivent certainement s'y connaître mieux que moi. Pas de storylines under-the-gun ni d'arcs-meta-narratifs, encore moins de razor-jump-scares et autres macGuffin, pas de cliffhanger hypothético-physico-déductifs, non. Rien de tout ça. Rien de ce qui fait que 90% des séries sont identiques. (J'ai plein d'autre mots longs ou en anglais pour faire du genre je suis un technicien si vous voulez mais j'arrêterai l'ironie ici.)
J'ai adoré les décors, l'ambiance glaçante, le rapport entre les personnages, le jeu des acteurs, qui parfois avec pas ou peu de paroles font passer énormément de choses en un sourire ou un froncement de sourcils. J'ai adoré ces liens ténus qui les relient tous, qui prennent corps au fur et à mesure des épisodes, l’énigme qui se fait de plus en plus prenante. Pour ça il aurait fallu la regarder entièrement et ne pas jeter l'éponge au milieu en se disant que ça ne ressemble en rien à du netflix et qu'on n'y retrouve en rien les mécanismes archi-usés des séries aussi banales que classiques. Et vous osez dire que les ficelles sont élimées ??? ahahahah elles sont juste des ficelles inédites, car inspirées de ce qui fait de King un maître.

J'ai adoré parce que c'est fidèle aux ambiances que King dépeint. Il ne faut pas s'attendre à une serie "qui fout les boules", c'est bel et bien quand on réfléchit à tout cela que c'est effrayant, psychologiquement, et c'est ce que je suis venu chercher, j'ai été (bien plus que) servi.

Pourquoi regardez-vous les séries en vous attendant à du déjà fait ? Pourquoi devraient-elles rentrer dans un canevas qui vous convient parce que rassurant vu que ça ressemble au reste ? Pourquoi faudrait-il dès le pilote connaître les perso comme vos amis de longue date, dès le second voir quelle fin se profile et deviner cette fin dès le troisième ? Pour vous conforter dans votre impression de vous y connaître, vous rassurer dans vôtre rôle ? Pourquoi vous faut-il des réponses à tout, tout le temps ? C'est en cela que la magie opère, frotte ton crâne et fais-en sortir tes réponses, pas les mêmes que les autres ou de la personne qui a regardé avec toi ! Les tiennes ! Celles qui te frapperont au vécu, au mental, selon ta construction, tes représentations, ton cadre référentiel. On touche les tréfonds des êtres. Elle est là la profondeur de cette oeuvre.
Cela dit je comprends, il est toujours intriguant de décrypter un objet qu'on a du mal à circonscrire.

L'oeuvre entière de King consiste à donner une situation de départ, une fin, avec entre deux tout un tas de choses surnaturelles qui survient et repart, sans qu'il n'y ait besoin de comprendre et d'expliquer. C'est CA (sans vilain jeu de mot) qui en fait quelque chose de terrifique. Nous laisser réfléchir, sans comprendre, à ce qu'il s'est passé ! Laissant libre court à notre subjectivité d'interprétation et c'est ce qui pour moi est fidèle aux livres et qui n'était pas gagné d'avance : laisser en suspend. Génialissime !!! (oui oui je le redis). C'est de cette réflexion que naît l'horreur, pas dans les images (quoi que là elles sont aussi effrayantes par moments). Se dire que ces choses ne peuvent pas arriver mais pourtant elles existent bel et bien. Et puis n'est-ce pas là l'essence du surnaturel ? Doit-il s'expliquer ? La réponse est non, sinon ça n'en est plus !

CASTLE ROCK brise tous les codes et c'est ce qui la rend d'ores et déjà mythique. Celui qui s'ennuie devant ça peut éventuellement regarder Boule et Bille en dessin animé. Il aura une chance de comprendre, peut-être, ce qui se passe.

Mélanie
20/09/2018 à 09:08

Alors je suis désolée je vais être méchante mais j'ai envie de dire à un moment faut arrêter d'exagérer...
J'en ai marre que toutes les séries bien soient defoncées à cause d'à priori parce que ça correspond pas aux livres ou autre..
Moi j'ai adoré cette série c'est pas ma number one mais elle se tient très bien.
Certes au départ on sait pas trop où ça va aller mais soyons honnête si on a toutes les réponses d'un coup à quoi ça sert?
Ensuite le suspense est la malgré ce que vous en dites moi ça m'a bien tenu en haleine d'une semaine sur l'autre et pourtant je suis très difficile niveau séries il m'en faut beaucoup pour que j'accroche.
Justement je trouve que c'était bien trouvé, tiré par les cheveux mais bien ficelé.
Perso j'avais hâte de voir le suivant.
Les rappels des passages importants de début d'épisodes ?? C'est bien ça un previously comme dans n'importe quelle série non???
Ensuite Ruth le meilleur perso de la série ???
Son épisode le plus utile de la saison ? Sérieux ???
Je vois pas vraiment en quoi...
Aucune utilité à l'histoire à part peut être de dire qu'elle est connectée aux différents mondes ...
Ensuite le jeu de personnage est super bien et c'est suffisamment bien tourné pour qu'on croit le kid et que finalement à la fin on se dise qu'il est peut être diabolique en fin de compte..
Bref si on pouvait avoir un peu plus de séries comme ça au lieu des trucs réchauffés habituels ça serait top donc pour moi ça me va.
Y'a une saison 2 et c'est très bien comme ça...
On nous a déjà enlevé pas mal de série bien, Forever, Timeless, outsiders, the crossing, the mist, et j'en passe, faute d'audience parce que c'était trop hors des clous et que ça rentrait pas dans les clichés, alors heureusement qu'il en reste quelques unes.
Mais si ça vous va pas continuez à regarder la 200ème saison de greys anatomie ou NCIS ça fait de l'audience et ça fait vivre le business c'est sur, maintenant niveau suspense on y reviendra.

ebenezer scrooge
18/09/2018 à 20:38

j'ai appris quelque chose aujourd'hui grâce à vous, merci...

Tea Time Geek
18/09/2018 à 17:42

Bah, j'ai aimé, tant l'ambiance, que le visuel que la trame, surpris par moment, perdu régulièrement. J'ai accroché à partir de l'épisode 3. J'ai aimé me faire balader

Geoffrey Crété - Rédaction
18/09/2018 à 16:15

@ebenezer scrooge

Mais le mot ennuyant existe, et a été choisi par le rédacteur pour traduire sa pensée ;)

ebenezer scrooge
18/09/2018 à 16:11

Pour une fois un commentaire intelligent sur internet (à part le "ennuyante")... très décevante cette série : les ficelles habituelles de king, mais là elles sont ou trop grosses ou élimées... On retrouve l'univers de SK mais ça sent un peu le réchauffé et l'accumulation de trucs... la foi n'y est plus... pépère est vieux et il vit sur ses acquis... l'imagination s'est barrée...

666
18/09/2018 à 09:14

et pour-temps bande de rageux une saisons 2 a été commander

LilyMonroe
18/09/2018 à 05:17

J ai vraiment apprécié cette série car je suis habituée à l écriture de king et j aime me torturer l esprit avec des intrigues qui ont l apparence complexes mais simples au finale. C est ce qui fait le charme d’la série le non sens pour enfin contraire le sens de tout ça. Sans parler de Bill qui est encore une fois un excellent acteur qui me fou les chocottes. Je veux connaître la fin de la série personnellement car j suis cinavaincu que l on va être surpris ...

Plus