The Haunting of Hill House : Netflix vous donne rendez-vous avec la peur

Simon Riaux | 12 octobre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 12 octobre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après plusieurs séries B transcendant leur matériau d'origine et une adaptation intelligente de Jessie de Stephen King, Mike Flanagan adaptera prochainement pour le grand écran Doctor Sleep, la suite de Shining. Mais nous le retrouvons d'abord sous la bannière Netflix, à la faveur d'un projet encore bien plus ambitieux et casse gueule, intitulé The Haunting of Hill House.

 

 

CADAVRE EXQUIS

Il y a plusieurs décennies, les Crain sont entrés dans la culture populaire américaine à l’issue d’une nuit mouvementée. Les survivants de la famille se sont échappés de Hill House, gigantesque bâtisse que les parents retapaient pour réaliser une plus-value immobilière à la revente. L’endroit, devenue maison hantée la plus populaire des Etats-Unis, n’est plus habité depuis. Mais alors que les cinq enfants de la famille vivent désormais en ordre dispersé, tentant tant bien que mal d’oublier cette nuit traumatique, la maison va les rappeler à eux.

Voilà pour le point de départ de cette fresque complexe, qui s’étale simultanément sur plusieurs trames temporelles et multiplie les énigmes quant au sens de ce qui se déroule sous les yeux du spectateur, rapidement paralysé par le spectacle déployé.

 

photo Mère schizophrène, ou première victime d'une maison affamée ?

 

The Haunting of Hill House a beau se présenter comme une nouvelle adaptation du chef d’oeuvre de Shirley Jackson, The Haunting, ce pedigree est trompeur. Dans les faits, il n’y a quasiment plus aucun rapport entre le texte originel et la série produite par Netflix. Mike Flanagan en a évacué le récit, modifié le décor et démultiplié les personnages. En revanche, on retrouve nettement les grandes lignes symboliques et psychologiques des travaux de la romancière, ainsi que plusieurs hommages appuyés à la précédente adaptation de Robert Wise.

Paradoxalement, c’est peut-être plus avec un autre roman de Jackson, Nous Avons Toujours Vécu au Château, que le show entretient un rapport intime, tant il en retrouve le goût du mystère familial, et l’art de l’étude des traumas ou pathologies héritées. Voilà autant d’origines riches et complexes, qui permettent à Flanagan de nous offrir un terrain de jeu aussi effrayant qu’intelligent.

 

photo Une famille que rien n'épargnera...

 

VOIX SANS ISSUE

Netflix n’a pas menti, et c’est bien un récit centré sur les émotions fortes, voire la terreur, qui nous attend devant son show. Et si nous reviendrons sur la gestion du fantastique et l’impeccable politique du frisson établie par The Haunting of Hill House, la série de 10 épisodes est avant tout une chronique familiale d’une puissance extraordinaire.

Comment les névroses infusent-elles au cours des générations pour mieux exploser ? Comment porter sur ses épaules les fautes de ses parents, et dès lors comment les identifier ? Tous les personnages du show sont autant d’éclats d’un miroir brisé, fragilisés par les intempéries de la vie, tordus par la malchance, puis fracturés un soir d’abomination.

 

Photo Bienvenue à Hill House !

 

Tout l’enjeu de la narration sera alors d’identifier simultanément les origines du mal et de sonder le cœur de ses victimes. Existe-t-il une issue, ou faudra-t-il se contenter d’assumer la malédiction qui coule dans les veines de chacun ? C’est toute la problématique d’un show qui embrasse le sujet de la dépression et de la mélancolie avec une sensibilité et une honnêteté rarissime. A ce titre, ceux qui ont eu à affronter ces questions, où à en cotoyer les victimes, apprécieront la précision et la tendresse avec laquelle cette épopée miséricordieuse traite de sujets éminemment douloureux.

Loin d’être un spectacle malaisant ou désespéré, The Haunting of Hill House donne à voir une batterie de héros tous attachants et différents, lutter contre une des souffrances les plus communes du XXIe siècle, et dont l’humanité nous assaille constamment. Cette réussite est grandement à mettre au crédit des comédiens.

 

Photo, Timothy HuttonUn geste protecteur bien tardif et insuffisant...

 

Si l’œuvre ne propose pas de tête d’affiche à proprement parler (à la relative exception de Carla Gugino), elle permet ainsi à plusieurs artistes de s’exprimer pleinement et de donner totalement corps à des personnalités auxquelles il est bien difficile de ne pas s’attacher. On pense notamment au casting féminin, un des plus beaux et mieux assemblé vu de longue date. Mike Flanagan y retrouve Elizabeth Reaser (Ouija 2 : Les Origines) et Kate Siegel (Hush et Jessie), qui proposent deux prestations complémentaires et émotionnellement ravageuses.

 

LA CATHÉDRALE DU DIABLE

On savait Mike Flanagan capable du meilleur, comme en témoigne une carrière au cours de laquelle il a déjà prouvé que son talent d’artisan rigoureux lui permettait de sauver des projets voués sur le papier à l’enfer du genre. Il faut d’ailleurs toute sa justesse, associée à un travail de construction d’un rare méthodisme, pour faire du format de la série un atout plutôt qu’un handicap.

En effet, narrer, sur 10 épisodes dépassant parfois largement les 50 minutes chacun, un conte gothique d’une noirceur insondable présentait un double risque. D’une part, le syndrome American Horror Story, consistant à jeter dans un shaker douze milliards d’idées plus ou moins consistantes, leur vomir des paillettes dessus et bien remuer en espérant en sortir quelque chose de viable ou alors ne rien résoudre à la Lost, les disparus et prier pour que le spectateur ne se lasse pas en cours de déroute.

 

Photo, Henry Thomas Papa va avoir du pain sur la planche...

 

Mike Flanagan, fort de son odyssée familiale écrite au cordeau, choisit une voie médiane et peut dès lors se payer deux luxes impossibles sur grand écran. Premièrement bâtir certains effets horrifiques tout le long des 11 heures que dure la série, afin d’aboutir à certains effets de terreur paroxystiques parfois insoutenables et deuxièmement, varier à l’extrême les formes de l’angoisse.

Réparti sur plusieurs époques et découpé non pas chronologiquement, mais selon une montée en puissance émotionnelle ébouriffante,The Haunting of Hill House a tout appris du légendaire Ça de Stephen King, dont il reprend le découpage temporel et le goût pour un mal polymorphe, qui attire à lui ses victimes, au gré d’un rythme quasi-rituel, étiré sur des décennies.

 

ÇA VOUS POUSSE DESSUS

Et en matière de frousse, The Haunting of Hill House est d’une puissance qui coupe régulièrement le souffle. Et c’est justement grâce à la grande humanité de son écriture. En témoigne l’ouverture de la série, où, suite aux pleurs de la plus jeune d’entre eux, toute une fratrie se réveille et va la consoler, bientôt suivie par le patriarche.

 

photoUne séquence particulièrement éprouvante

 

En quelques minutes, Flanagan installe ses personnages, leur hiérarchie familiale, les lignes de fracture prêtes à vaciller, et démontre sa capacité à ressusciter (et moderniser) les stéréotypes gothiques, alors que se dévoile au clair de lune un visage grêlé par des décennies de hantise.

Cet équilibre délicat entre sensibilité et pur effroi sera maintenu jusqu’aux ultimes secondes de la série. Cette dernière contient d’ailleurs une quantité de trouvailles, nourrie d’un bestiaire remarquable. Du bonhomme à la canne en passant par la femme à la nuque tordue (et sans oublier un paquet d’autres sources d’angoisse), chaque épisode recèle quantité de moments aussi sophistiqués que marquants en matière de peur.

Il faut dire que Flanagan, disposant manifestement d’une grande liberté technique et économique, s’en est donné à cœur joie. Au gré d’un épisode composé exclusivement de plans-séquences opératiques, d’un autre en forme de tragédie existentielle dont l’issue pourrait rappeler un Interstellar monstrueux, ou quand il répète inlassablement le même songe de thanatopraxie délirante, le réalisateur peut pousser quantité de concepts passionnants dans leurs derniers retranchements.

 

photoUne porte au centre de bien terribles mystères...

 

C’est bien simple, avec son infinie tristesse, sa capacité à faire monter le cauchemar en puissance des heures durant, son immense intelligence et ses comédiens habités, The Haunting of Hill House s’impose instantanément comme une éclatante réussite dans le domaine des récits fantastiques, que sa forme et son ambition inscrivent dans l’histoire du médium.

The Haunting of Hill House sera disponible sur Netflix en intégralité le 12 octobre 2018.

 

Affiche

Tout savoir sur The Haunting of Hill House

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commentaires
Frais-Derrick
27/10/2018 à 13:51

On notera la présence de Russ Tamblin... Si on se rappelle du Dr Jakobi de Twin Peaks, il était au casting du The Haunting original de Wise ;)

Sand
23/10/2018 à 00:39

Série incroyable que j ai avalé en un week-end,les personnages, les décors, l histoire , tout est parfait !!

Barbadoom
16/10/2018 à 19:58

Re :
SPOILER on va voir si on prépare sur du mélo ou si on tente un final hardcore et malheureux pour la saison 2 SPOILER.

Mention spéciale quand même aux acteurs très bon, et à la sublime Carla Gugino dont le temps semble glisser sur sa beauté.

Barbadoom
16/10/2018 à 19:51

Tout est dit! Très bon article qui résume bien cet ascenseur émotionnel qu'a été The Haunting of Hill House pour moi. On sent que Mike Flanagan avait les coudés franches pour faire ce qu'il voulait pour NetFlix. Moi aussi l'épisode 6 en Plan séquence m'a aussi marqué et pas que, il y en a eu pleins d'autres qui étaient bien foutu niveau réal' : le climax final de l'épisode 5 terrible! C'est une saison qui se suffit à elle-même SPOILER on va voir si on repare sur du mélo ou si on tente un final hardcore et malheureux SPOILER

Simon Riaux
15/10/2018 à 12:08

@Pierre

Pour ma part, j'ai le sentiment qu'il tire plutôt ces motifs de King, tant il parsème son oeuvre d'hommages à l'auteur, voire ici la pluie de pierres, qui provient de Carrie si ma mémoire est bonne.

Pierre
15/10/2018 à 11:57

Excellente critique, j'ai également énormément apprécié cette série que j'ai trouvé visuellement somptueuse, interprétée avec brio, scénarisée avec intelligence et tenue d'une main de maître par Flanagan.

Après avoir lu plusieurs revues, je m'étonne de voir qu'aucune d'entre elles n'établisse un parallèle entre la série et Oculus du même réalisateur alors que les deux oeuvres sont intimement liées. L'éclatement de la cellule familiale qui aboutie à la mort de la mère devenue folle car une entité (maison ou miroir) puise l'énergie de ses proies (en mêlant imaginaire et réel) jusqu'à leur prendre la vie est la base des deux oeuvres. Tout comme cette volonté d'alterner le passé au présent par des jeux de montage ou de lumière saisissant.

Pour moi, Flanagan a mis dans cette adaptation très libre toutes les obsessions qui ponctuaient sa carrière. L'éclatement de la cellule familiale donc (Oculus, Ouija 2) et le deuil impossible à surmonter (Oculus, Before I Wake) en premier lieu.

maxou
15/10/2018 à 10:47

Je vient de se faire la serie dans son integraité ce week end, et bien c'est excellent, enorme, puissant, flippant (vraiment flippant le bonhomme à la canne et la femme au cou tordu), plein d'invetivité et surtout,les acteurs sont juste parfait... la semaine dernier j'ai vu la NOne qui non content d'être une merde abyssale est l'extreme contraire de cette serie fabuleuse.... en l'état, c'est l'une des meilleurs serie que j'ai vu sur Netflix depuis fort longtemps. Le scenario est à hauteur d'homme, chaque personnage à le droit a son épisode, et le tout participe à une intrigue bien tendu qu'on ne commence qu'a comprendre qu'a la toute fin. Le fait de tenir en haleine ses spéctateur le temps de 10 episodes sans que cela ne soit lassant est du pur genie !
Et surtout, il n'y a pas de jumpscare facile et prévisible. Juste de la terreur et de la tension de dingue !
Bref, si comme moi, vous vous emmerdez avec les recents films d'epouvante qui n'en sont plus, cette serie va vous redonner un bon coups de flippe.
Et surtout, je le repette, quel jeux d'acteur!!!

Un gros coups de coeur !

Guenon
14/10/2018 à 13:23

Euh Lost na rien avoir avec ce genre de series pourquoi encore la comparer ét la critiquer ? Lost sera toujours culte malgres ses personnages parfois un peu caricaturales elle est cultes et elle le restera àlors faudrait arreter de la critiquer merci

Guenon
13/10/2018 à 22:04

Ça me rappel un peu la serie the Leftovers avec les traumatismes , le deuil et l acceptation mais en mixant l horreur , le drame psychologique et famillial mais en tout les cas grosse claque de bout en bout merci pour votre critique

StarLord
13/10/2018 à 13:13

Whaou quelle série!!! J’ai pris une sacré claque je dois dire!
L’histoire est passionnante. Les personnages sont incroyablement attachants. Les moments de terreurs sont parfaitement réussis (pas de jumpscares à la James Wan hein, des vrais moments de terreurs bien flippants!!)
J’en suis à l’episode 6 et p**** que c’est bon!

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