Luther saison 5 : le retour du super policier Idris Elba est-il réussi ?

Camille Vignes | 15 janvier 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Camille Vignes | 15 janvier 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

On ne l’attendait plus, tant on croyait que son projet allait rester au stade d’embryon prenant la poussière, la saison 5 de Luther a été entièrement diffusée sur la BBC entre le 1er et 4 janvier et arrive prochainement sur Canal+. Créée par Neil Cross, les quatre premières saisons sont disponibles sur Netflix depuis fin 2018.

On était un peu passé à côté de Luther mais son retour à l’air de ravir les fans et du coup c'est le moment d’en parler.

ATTENTION SPOILERS !

 

Photo Idris Elba

 

ON EN ÉTAIT OÙ ?

Londres, sa brigade criminelle, un inspecteur bourru de travail et anticonformiste… Sur le papier, Luther n’a rien de bien original ou attrayant. Mais c’était sans compter la fine écriture de départ du personnage de John Luther, un flic borderline et intuitif, sorte de génie hypersensible, mal dans sa peau et surtout capable du meilleur comme du pire pour arriver à ses fins et de la relation improbable qu'il entretient avec une jeune psychopathe.

Le pilote de la série plante merveilleusement bien la psyché tortueuse de Luther. S'ouvrant sur une course poursuite, entre le policier et un pédophile, les premières minutes sont décisives pour le reste de la série puisqu'au terme de cette chasse, il laisse sciemment le criminel tomber dans le vide. On comprend ensuite que la série plante réellement son action six mois plus tard, lors de la reprise de fonctions d’un Luther quitté par sa femme et plus tourmenté que jamais par ses blessures.

La série n’est plus alors qu’une lente agonie pour le policier bataillant avec un destin qui ne cesse de s’attaquer à lui et qui lui ôte progressivement ses proches, ses convictions, bref, toutes ses raisons de vivre.

 

L'image, entre camaïeu de gris et cravate rouge

 

Luther est très bien structurée et brutale mais pourtant elle n’arrive jamais à s’extraire du carquois rigide des codes d’une série policière. C’est d'ailleurs un de nos regrets.

À partir de la troisème saison, les enquêtes policières prennent complètement le pas sur les intrigues autour de Luther, terreau de la réussite de la série. Chaque épisode ou presque (les enquêtes s'étalent parfois sur deux épisodes) voit le policier et ses collègues poursuivrent un criminel toujours plus délirant. Les serials killers tombent comme des mouches, les difficultés semblent s'enjamber avec de plus en plus de facilité, et les intrigues ont de plus en plus de mal à se renouveler.

Autant vous dire qu'on a attendu la saison 5 de Luther au tournant...

  

Photo Ruth WilsonLa géniale Ruth Wilson dans le rôle d'Alice

 

LE MAL EN SOIT

Maintenant qu’on vous a planté le personnage et le concept, on peut rentrer dans le vif du sujet : Alice Morgan. Car si une chose a été aussi jouissive que décevante au fil des quatre premières saisons de Luther, c’est bien ce personnage.

Remarquablement bien interprètée par Ruth Wilson, Alice apparait dès le premier épisode de la série sous les traits d’une étudiante surdouée qui vient de perdre ses parents dans un double homicide abominable. Impuissant, Luther n’a pas assez de preuves pour arrêter la jeune femme qu'il sait coupable. Commence alors une histoire platonique et intense entre Luther et Alice, un jeu du chat et de la souris entre deux intelligences supérieures, un jeu malsain et sadique qui envoie Luther jouer avec les méandres de son humanité.

Luther n’a aucun doute sur sa nature de psychopathe et jamais Alice ne cherche à s'en cacher car elle préfère pousser Luther dans ses retranchements. Si leur tempérament les oppose, il a le sang chaud alors qu’elle est terriblement calculatrice, ils ont tous les deux une notion du bien et du mal très personnelle et réussissent à s’accorder dans de rares moments de complicités exutoires.

 

Photo Ruth WilsonFruit défendu

 

... ET TOUT EST DÉPEUPLÉ

Le scénario a tenté d'approfondir leur relation dans les deux premières saisons (comparable parfois à celle de Clarice Starling et Hannibal Lecter dans Le Silence des Agneaux). Alice prend de plus en plus de place dans la vie de Luther qui, seul, n'a plus qu'elle sur qui s'appuyer.

Mais faute de temps, car embarquée dans la série The AffairRuth Wilson est demeurée très en retrait de la troisième saison, pour finalement être complètement rayée du casting dans la quatrième. Le problème c'est que le show a très mal encaissé son départ et souffre cruellement de l’absence d’Alice.

 

Photo Rose LeslieElle est rousse mais ce n'est pas Ruth, problème

 

Supposée morte (mais on ne sait pas trop parce que quand même, si elle pouvait revenir...), son fantôme ne cesse de planer au-dessus du scénario de la quatrième saison. Et c'est regrettable car les deux épisodes qui la composent ne laissent aucune possibilité aux nouveaux personnages de s’épanouir. L’intrigue s’évapore complètement à cause de l’absence d’Alice. Luther sombre de plus en plus dans la dépression qui le caractérise, son nouveau bras droit, planté par Rose Leslie, est en retrait, sans parler de la nouvelle psychopathe féminine, fadasse comparé à Alice, qu'est Megan Cantor (Laura Haddock).

Les troisième et quatrième saisons perdent ainsi une partie de l'essence de Luther. Exit l'intrigue qui prend plus de place que les enquêtes de terrain, exit les tortures psychologiques que Alice inflige à Luther... La seule chose que garde la série est sa facilité à tuer un des personnages secondaires au moment où on commence à s'attacher à lui.

 

Photo Laura HaddockN'est pas Alice qui veut, et sûrement pas Laura Haddock

 

LUTHER CONTRE SES BAS INSTINCTS

Si Luther ne se démarque pas du paysage des séries policières, c'est à cause de son irrégularité. Et c'est dommage parce que les deux premières saisons étaient vraiment originales, ça, on ne le dira jamais assez ! Bref, vous aurez compris qu'on attendait la saison 5 avec autant de crainte que d'envie.

Alors premier bon point : elle signe le retour d’une enquête qui tient vraiment la distance et d’un psychopathe qui se dévoile petit à petit. Nouveauté, la saison propose d’entrer dans l’esprit retord du tueur par le biais d’une psychologue. Luther réutilise (en quelques sortes) le concept en vogue d’un dialogue entre un homme de l’ordre et un « pro » de la psyché d’un tueur, chose qui bizarrement n'avait pas été tellement exploité avec le personnage d'Alice. Si dans leur entreprise de compréhension, les agents Holden Ford et Wendy Carr de Mindhunter poussent le policier à s’entretenir directement avec des serial killers, la démarche de Luther est tout autre.

En effet, c’est la psychologue Vivien Lake (Hermione Norris) qui se présente au commissariat pour énoncer les soupçons qu'elle nourrit à propos d'un de ses patients. Mais c’est une histoire de manipulation très bien articulée qui se cache derrière la prétendue collaboration de la psy car grâce à sa « bonne foi », la police se lance dans la mauvaise direction, une traque qui ralentit l’enquête.

 

photo, Wunmi Mosaku, Idris ElbaVous allez beaucoup le voir ce froncement de sourcils

 

Ce qui nous amène au deuxième bon point : la saison 5 déploie son enquête durant les quatre épisodes. Puisqu’il s’agit certainement d’un des psychopathes le plus retors de la série (qui ne manquera pas de rappeler le sadisme des jumeaux de la saison 3), Luther ne pouvait boucler l’enquête en 1 ou 2 épisodes. L'affaire offre un lot de rebondissements parfois simplistes mais dans l'ensemble plutôt bien écrits.

D’autre part, étirer l’action, loin de ralentir le récit, permet de donner de l'importance aux personnages secondaires. Catherine Halliday (Wunmi Mosaku), la coéquipière de Luther, prend de plus en plus de place au sein de l’enquête et finit par être l'actrice majeure de son avancée. Martin Schenk (Dermot Crowley), un personnage qu’on sait suspicieux et pragmatique, dévoile également une part d’ombre qu’on ne lui connaissait pas.

Il semblerait que cette saison veuille rattraper les erreurs de la précédente en cochant habilement les cases que la quatrième avait loupées.

 

photo, Idris Elba, Ruth WilsonSorte de Scherlock et Irène Adler

 

MAIS LE PHÉNIX RENAÎT DE SES CENDRES ?

On s’imagine bien que si erreur à rattraper il y a, l’intrigue doit – et va – retrouver l'amour qu'elle avait pour le personnage d’Alice Morgan. Troisième bon point donc, la série reprend un peu de substance. Elle ne s’égare plus dans l’épanchement sentimental de la saison 4. Le retour officiel d'Alice Morgan à la vie (dévoilé dans la bande-annonce) fait avancer Luther vers le destin macabre qui le torture depuis le pilote.

La saison d'ouverture permettait de planter le personnage de Luther, de son ex-femme, d’Alice et des autres membres de la brigade. Les épisodes offraient une montée en puissance de la violence avec laquelle se débattait un Luther impuissant. On assistait consécutivement au meurtre abrupt de Zoe Luther (Indira Varma) et à celui, libérateur, de Ian Reed (Steven Mackintosh).

 

photoRare moment de sérénité pour Luther

 

Dans sa construction, la cinquième saison reprend les codes "tensiogènes" de la première. Un premier épisode qui permet de planter le tueur, un second où tout part à vau-l’eau, une descente aux enfers dans le troisième, et un quatrième cathartique. Elle replante donc Luther, Alice, deux personnages changés par leurs aventures, et les replace par rapport aux autres protagonistes.

Alice était pour le policier une sorte de personnification de son funeste destin. Attiré par elle comme par son irrépressible besoin de violence, Luther s'était laissé glisser progressivement dans les bras de la psychopathe. Après avoir appris dans la saison 4 que leur relation n'était plus platonique, cette saison 5 rappelle quelques éléments de leur séparation. Mais les tête-à-tête du début, tout en suggestion, comme une danse sensuelle et malsaine entre deux antagonistes, ont laissé place à des dialogues qui manquent d'un ingrédient, ce petit "on-ne-sait-quoi" qui rendait leur relation intéressante.

 

photoEnième rencontre sur un pont

 

Maintenant qu’elle est établie, émane d’eux une sorte de dépendance sentimentale pas toujours crédible et qui remplaçant la dépendance toxique des débuts. Même si Alice ne cache jamais son attirance pour Luther, le ton mièvre de certains dialogues ne fonctionnent pas. Notamment le discours sur le mensonge que la psychopathe tient à Luther qui ressemble un peu trop à une mauvaise dispute de comédie romantique.

Mais voir Luther se débattre avec Alice, George Cornélius (parrain d'une sorte de mafia londonienne) et la mort, en parallèle de son enquête, reste aussi jubilatoire que douloureux. Le retour de cet être qu'il chérie autant qu'il déteste accapare toute son attention. Luther perd un temps précieux à cause de ça, non seulement dans son enquête, mais aussi dans la résolution de ses problèmes avec George Cornélius. Alors à nouveau la série entremêle deux intrigues. L’enquête policière qui s’amorce dans le premier épisode devient vite une trame de fond, un métronome oppressant qui bat la mesure d’un suspense de plus en plus prenant.

 

 

Cette saison reprend les codes qui avaient façonné les premiers épisodes et les actions s’enchaînent avec assez de tension pour être percutants mais malheureusement elle ne se renouvelle que très peu. Du coup, on ne peut s’empêcher de se dire que Luther tombe dans le travers de bien des séries, avec une impression de caricature qui en émane de plus en plus. Luther et Alice sèment la mort sur leur passage et deviennent des oiseaux de mauvais augure. Heureusement que le rythme, très bien maîtrisé, et l'ingéniosité d'écriture de Neil Cross se font sentir.

Et pour les fans les plus fervents, le final entre Alice et Luther, inévitable, n’a pas rongé jusqu’à l’os les possibilités de leur relation. Assez pour le film ?

Les saisons 1 à 4 de Luther sont disponibles sur Netflix. La saison 5 sera bientôt diffusée sur Canal + en France.

 

affiche

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commentaires
Mira240
14/05/2021 à 17:54

Le top des top les 2 premières saisons avec la complicité d'Alice et Lupter. Les 2 personnages ont quelque chose de craquant, d'électric, on s'accroche à eux tout en redemandant. On reconnait que l'absence d'Alice dans certaines saisons laisse un vide et affadie les épisodes. Ces 2 là sont faits pour tourner ensemble, duo sublime. Par contre reproche au personnage Luther qui ne percute pas assez quand il reçoit des coups, dommage.

Han Foiré
11/02/2019 à 10:39

Han Hulé est dur... mais juste
Dommage !

Han Hulé
15/01/2019 à 14:05

pas d'accord ! Une saison écrite avec des moufles, pleine de raccourcis, d'incohérences, de facilités (Cornélius qui poursuit Luther pendant 3 épisodes et qui, finalement, se lie avec lui pour buter le tueur qu'il a engagé pour le buter, et ce sans la moindre raison ! Les morts totalement inutiles et gratuites de certains seconds rôles, le final dans l'entrepôt...). C'est la fête du slip totale et Cross ne sait clairement plus quoi faire de Luther. Poubelle !