Dead Set : avant Reality Z, retour sur la télé-réalité zombiesque originale

Mathieu Jaborska | 21 juin 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathieu Jaborska | 21 juin 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Pour fêter la fin du confinement, Netflix vient de nous offrir Reality Z, qui n'est autre qu'un remake de l'atypique série  Dead set, datant de 2008. Pour le moins originale, cette mini-série en cinq épisodes avait su convaincre grâce à un concept fort et une exécution à la hauteur, très, très ancrée dans les années 2000.

 

photo, Dead setTV > Réalité

 

BRAIN DEAD

L’idée de Dead Set est venue à Charlie Brooker lorsqu’il regardait la télévision. Le critique, alors engagé chez The Guardian, pour lequel il communiquera justement la genèse de son œuvre, tombe sur 24 heures chrono, célèbre série d’action bien connue des amateurs du petit écran :

« Jack Bauer opérait une trachéotomie sur un terroriste avec un clou couvert d’échardes ou un truc du genre, et un autre terroriste est arrivé en courant à travers la porte. "J’apprécie ceci", je me suis dit, "mais ces terroristes sont juste ridicules. On dirait des vagues de Space Invaders. Ils pourraient très bien aussi être des zombies". À ce moment, Shaun of the Dead et le remake de Zombie étaient sur le point de sortir. Les zombies étaient clairement en vogue, alors je me suis dit que ça serait une question de temps avant que les États-Unis ne fassent une série épique à gros budget sur des morts-vivants. Mais ils ne l’ont pas fait, ces idiots. »

Qu’à cela ne tienne : l’auteur, mais aussi scénariste au style caustique reconnu, réfléchit à peine quelques années avant The Walking Dead à une production du genre, bien aidé par ses visionnages de Big Brother, télé-réalité iconique de l’époque. Que se passerait-il si une épidémie s’abattait sur une de ces villas truffées de caméra ? Après un développement long et chaotique, il parvient à répondre à cette question avec, miracle, l’aval de Channel Four.

 

photo, Shelley Conn, Dead setBig Brother en action

 

Plus amusant encore, la chaîne qui diffuse encore l’émission produit carrément la série, aux côtés de Zeppotron (sous-filiale d’Endemol fondée entre autres par l'auteur), dans un geste jugé par beaucoup comme un exercice d’autodérision inédit. De fait, Brooker parvient à atteindre son objectif : séduire les fans hardcore de dévoreurs de chair, tout en attirant un public plus large, curieux de voir à quel point la chaîne peut se moquer d’elle même, mais surtout de ses participants. Ils seront servis.

Contrairement à ce que racontent quelques légendes qui circulaient à l’époque, il n’a jamais été question de filmer dans la vraie villa de Big Brother, principalement puisque la 9e saison était en plein tournage. De plus, le décor n’était pas conçu pour abriter des caméras dans la partie habitée. Les décorateurs se sont donc démenés pour le recréer en studio. Une exception est à noter : la séquence du renvoi, où un des personnages éliminés sort sous les applaudissements, fut enregistrée sur place, lors d‘une vraie émission.

L’interview qui suit, tournée avant, est également totalement improvisée. C’était l’occasion pour Davina McCall, vraie présentatrice du show, d’apparaître dans son propre rôle. Elle fut suivie par un petit paquet de candidats précédents passant faire un caméo, et de Brooker lui-même, très heureux de jouer les zombies.

Le scénariste et désormais showrunner n’en était pas à son coup d’essai puisqu’il a participé à The 11 O'Clock Show, programme ayant notamment révélé Ricky Gervais et Sacha Baron Cohen, pour ne citer qu'eux. Habitué aux formats courts, il confie la réalisation des 8 épisodes à Yann Demange, au CV fourni d’à peine cinq contributions pour des séries à l'époque.

 

photo, Davina McCallDavina McCall en plein pique-nique

 

2000 MANIAQUE

Son travail est évident à la vision des cinq épisodes : singer l’intégralité des films de zombies qui se reproduisent plus vite que les soap à l’époque. Les références qui animent Dead Set sont évidentes. Narrativement, Brooker emprunte beaucoup à Romero, comme tout admirateur du genre qui se respecte. On retrouve dans son écriture des thématiques tout droit sorties de Zombie. La façon dont l’action se concentre sur ce plateau et dont les zombies y retournent, machinalement, fait forcément écho au supermarché de tonton George.

Pour la forme cependant, les influences sont plus contemporaines. Zombies sprinters plus enragés que possédés et mise en scène sur-sur-découpée épousant presque le point de vue de la chair morte se déplaçant en masse et dévastant tout sur son passage sont au programme. Pas de doute, Dead Set est un pur produit de son époque, marquée par le définitif 28 jours plus tard de Danny Boyle.

 

photo, Dead setI am speed

 

Il ne fallait pas en attendre plus d’une fiction ayant pour thème un phénomène déjà très enraciné dans son temps. Véritable jeu de yo-yo entre marques d’écriture grotesques (tous les personnages sont des clichés ambulants, le producteur en tête, insultant quiconque ose lui adresser la parole) et quelques réflexions pertinentes sur la façon dont le culte de l’image et de l’auto-représentation survit au même titre que nos instincts primaires, l’intrigue générale se distingue surtout par une intensité caractéristique des productions de l’époque. Pas le temps de niaiser : Dead Set tire le maximum de son format génial, forçant l’action et les enjeux à se renouveler en permanence.

Encore moins le temps de niaiser : fidèle à ses influences, la série compte bien parler au coeur amoureux de chaque fan du genre et ne lésine en aucune façon sur l’hémoglobine, jusqu’à mettre en scène des festins humains dont Tom Savini serait fier. Un meurtre en particulier est d’une violence graphique particulièrement agréable, d’autant plus que le spectateur se plaira à laisser échapper un petit « cheh » en contemplant le massacre.

 

photo, Davina McCallLéger mal de gorge

 

Serait-on pour autant en présence d’une de ces démonstrations de haine envers les candidats, ne souhaitant rien d’autre que de les voir se faire dévorer ? Pas vraiment. Brooker est bien conscient que le voyeurisme de ce genre d’émissions est justement motivé par un certain mépris de son public. Une parfaite compréhension des mécaniques convoquées par Endemol et Channel Four, qui ne prennent donc pas non plus un risque énorme en finançant la chose.

Là n’est pas le sujet. Enfoui dans cette rythmique très bien réglée et ce déferlement de violence réjouissant, la critique vise moins l’émission elle-même, forcément caricaturale, que le monde qui lui garantit un accès au pinacle de notre civilisation : le prime time. Alors que des vagues de morts-vivants s’écrasent aux portes du studio, les survivants n’ont d’autre choix que de s’enfoncer dans leurs désaccords et leurs faiblesses, comme si l’émission ne se terminait jamais. Dans un même mouvement, Brooker tacle gentiment les fans de zomblards, se régalant finalement plus des déchirements voyeuristes de communautés que de l’invasion en soi. Cinéma d’horreur et télé-réalité, même combat ? Et pourquoi pas…

 

photoDe l'autre côté de l'écran

 

DANS LE PROCHAIN ÉPISODE...

Pur produit des années 2000 (même le générique est disponible sur un site web dédié, plus 2008 tu meurs), la mini-série est restée vivante dans la mémoire des amateurs, et dans le CV des artistes ! Beaucoup d’acteurs principaux ont entamé ou poursuivi une carrière intéressante, de Jaime Winstone, à l’affiche du dernier Tomb Raider, à Kevin Eldon, visible dans Game of Thrones, inoubliable dans Hot Fuzz, en passant bien sûr par Riz Ahmed, une des stars de Rogue One : A Star Wars Story.

Quant au réalisateur, il a vraiment décollé grâce à Dead Set. Après être passé par deux autres séries, il a été propulsé à la tête de deux longs-métrages dont '71. La très attendue Lovecraft Country portera normalement également sa marque en août 2020 sur HBO.

 

photoDes tentacules... et  beaucoup d'appréhension

 

Enfin, difficile de ne pas mentionner la suite des aventures de Brooker, qui s'est définitivement forgé un nom à la télévision britannique, dans des comédies ou pas. Aujourd’hui, son fait d’armes le plus connu est évidemment Black Mirror, l’anthologie dystopique qu’il chapeaute de près, souvent pour le meilleur, parfois pour le pire. On y retrouve un style d’écriture désormais célèbre. D’ailleurs, inutile de préciser que Dead Set aurait fait un très bon épisode de cette super-production visible en France sur Netflix.

Le remake tout juste arrivé sur la plateforme a assurément permis à une nouvelle vague de spectateurs de redécouvrir cette mini-série, mine de rien, assez unique en son temps. Cette nouvelle vision brésilienne 2.0 tient-elle la comparaison avec ce petit succès d’estime mérité ? Ça, c’est une autre histoire... et on vous en parle justement ici.

 

Jaquette

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commentaires
Z nation
22/06/2020 à 12:29

Dead Set est effectivement une excellente serie...
le probleme est qu'elle a été tournée en images 4/3... et que la version proposé actuellement est en 16/9 (image étirée et tronqué)... d'où cette impression qu'elle a été mal filmé

pour ce qui est du remake... j'avoue avoir commencé "Reality Z" sans entousiasme et presque a reculons... et au final... bonne surprise... la serie fait son taf assez correctement...

sans spoiler... ellle est presque politiquement incorrecte... concernant certains morts... j'en dirais pas plus.

TofVW
21/06/2020 à 13:48

Un vrai bijou cette série. J'ignorais qu'un remake sortait et franchement, il n'y en avait pas besoin (comme c'est le cas de 95% des remakes, cela dit).