Mad Men : la fin de la série vaut-elle le coup ?

Geoffrey Crété | 18 mai 2015 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 18 mai 2015 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après 8 années, 7 saisons et 88 épisodes, Mad Men, vaisseau amiral de la chaîne AMC (Breaking Bad, The Walking Dead, Halt and Catch Fire), a tiré sa révérence. La conclusion est-elle à la hauteur de la série culte ?

Avertissement : cet article contient des spoilers sur la fin de Mad Men.

 

En 2007, Mad Men était la série sur toutes les lèvres, celle dont tout le monde parlait et que tout le monde vénérait. Sept saisons plus tard, la série de Matthew Weiner s'éteint définitivement dans une relative indifférence, après avoir été détrônée au fil des années par des concurrentes plus spectaculaires. La principale raison est simple : cette évocation de l'Amérique des années 60, vue par le prisme d'une agence publicitaire de Manhattan hantée par des hommes et des femmes torturés par leurs ambitions et leurs mensonges, a toujours refusé de s'inscrire dans une dynamique télévisuelle ordinaire. Pas de cliffhanger, de twist, d'aparté spectaculaire et de buzz médiatique : la folie chic de ces hommes en toc s'est habillée d'une écriture raffinée, assez unique en son genre et devenue depuis un point de référence pour de nombreuses séries - notamment la fascinante Halt and Catch Fire, diffusée sur la même chaîne.

Dernier épisode de la saison 7, scindée en deux parties diffusées entre 2014 et 2015, Person to Person se devait donc d'offrir une vraie réponse à la grande question qui plane sur Mad Men depuis ses débuts : l'attente, la patience, la persévérance des spectateurs ont-elle été payantes ?

 

photo, Jon Hamm

 

Réponse claire et concise : oui.

Non pas que Mad Men ait déroulé l'habituel tapis rouge du dernier épisode, dont le spectre artificiel va du happy end au carnage ; Matthew Weiner, scénariste et réalisateur du dernier épisode, a forgé et défendu l'identité de sa série avec une force rare, comme en témoignent les 17 mois de négociations inquiétantes avant la saison 5 (AMC voulait notamment supprimer des personnages, raccourcir les épisodes et mutiplier les placements de produits). La fin est donc à l'image du chemin parcouru (étrange, envoûtant et profond), et ne cherche pas à séduire ou contenter le spectateur plus que de raison.

Mad Men étant une série-fleuve, qui s'est écoulée au fil des années en déversant les vies et les rêves brisés, le dernier épisode posait la question de la conclusion à un récit si vaste et vaporeux, dont les enjeux se sont multipliés sans pouvoir se résumer à autre chose que des questionnements existentiels - qui suis-je, où vais-je, qu'est-ce qui me mène ? Généralement impitoyable avec ses personnages, Matthew Weiner a cependant équilibré les forces en présence, si bien qu'au final la série s'éteint sur une note indéfinissable, à la fois optimiste et ironique, et bien plus maline que prévu.

 

photo, Jon Hamm

 

MAD WOMEN

Avec Don Draper, les femmes ont toujours été l'autre grand sujet de Mad Men, qui n'a cessé de questionner leur place, leur identité et leur puissance. Elles occupent donc naturellement une grande partie de ce dernier épisode, et monopolisent la plus grande partie de l'énergie dramatique - c'est d'ailleurs du côté des personnages féminins que Weiner utilise les plus grosses ficelles scénaristiques.

Donnée perdante de la guerre des sexes dans l'épisode précédent, où elle avait fini par quitter l'agence après avoir tenté d'y revendiquer sa place, Joan trouve finalement en elle l'ambition et la nécessité de créer sa propre société, Holloway-Harris. En reprenant son nom de jeune fille et celui de son ex-mari, le personnage, qui s'est toujours débattu avec sa sexualité face aux hommes, sort enfin de sa crysalide : Joan refuse de plier pour un homme (en l'occurrence, un homme qu'elle aime et qui lui offre un train de vie idyllique), et ouvre un nouveau chapitre de sa vie.

 

photo, Christina Hendricks

 

Une vraie belle surprise puisque Peggy a toujours été perçue comme l'ambitieuse de Mad Men. Dans le dernier épisode, elle refuse pourtant de devenir l'associée de Joan, et donc de gravir le dernier échelon du féminisme en devenant son propre patron. A la place, elle découvre subitement ses sentiments pour Stan, son employé, lors d'une déclaration d'amour décalée, presque enfantine, au téléphone. Silencieusement opposées durant la série, Peggy et Joan se sont finalement entraidées en puisant chez l'autre ce qui faisait défaut à chacune (exister en tant que femme pour Peggy, exister tout court pour Joan).

 

photo, Jay R. Ferguson, Elisabeth Moss

 

Révélé dans l'avant-dernier épisode de la série, le cancer des poumons de Betty aura été utilisé avec prudence par Matthew Weiner. D'un côté, il marque la fin de cette gigantesque coupure publicitaire que sont les années 60, inondées d'alcool et étouffées dans la fumée des cigarettes : le rideau tombe et avec lui, le couperet. Personnage évanescent de Mad Men, dont la présence s'est révélée très problématique ces dernières saisons, Betty était la victime, le contre-exemple : la poupée contrariée et insatiable, créature de rêve plongée dans le sommeil sans fin de son époque, toujours prête à rabaisser son monde pour l'amener à son niveau. Lorsque la parade papier glacé s'arrête, que l'heure du bilan arrive, elle n'a aucune raison d'être ou avoir. Sa tentative de cultiver une vie intérieure jusque là assez pauvre, avec des études, ne lui offre aucune échappatoire : à peine lancée dans l'ascension des escaliers de la fac, elle s'écroule sous son propre poids.

Comme la cigarette, consumée en toute impunité le temps d'une paranthèse désenchantée créée par la série, Betty s'évanouit ; son maquillage disparaît, ses belles tenues sont rangées. Elle gèrera sa mort inévitable avec la même pugnacité, la même brutalité, qui a animé sa vie de femme trophée torturée et mère décomplexée, et laissera derrière elle le même parfum de mystère.

 

photo, January Jones

 

MAD MAN

La disparition programmée de Betty fonctionne aussi sur l'évolution finale de Don. Après s'être libéré des attributs de son personnage carnacier (il a quitté son appartement, l'agence, le costume, New York, la voiture), il échoue dans une communauté hippie de Californie, où il est abandonné par Stéphanie, nièce d'Anna Draper, veuve du soldat dont il a pillé l'identité. Que Betty disparaisse, en lui ayant dit que la normalité de sa famille passait par son absence, confirme que Don/Dick n'est qu'une coquille vide, sans place attitrée dans la société (l'agence tourne sans lui, sa famille s'est accoutumée à son absence pathologique). Dans un dernier appel à Peggy, il avoue qu'il n'a rien fait de l'identité qu'il a volé, avant de s'écrouler.

Mais la vraie beauté de Don, et donc Mad Men, se trouve dans les derniers instants : après avoir grossièrement pris dans ses bras un homme qui, en thérapie de groupe, a énoncé tout ce que lui-même n'aurait su dire, Don retrouve le sourire lors d'une séance de méditation collective sur une falaise au bord de l'océan. Une carte postale qui fait écho à la dernière séquence, où une armée de hippie chante le bonheur de la planète et du soda pour une publicité Coca Cola. Ce parallèle, à la fois drôle et tragique, semble dire que Don Draper a enfin trouvé une forme de bonheur en acceptant sa place dans les rouages macabres de la vie normale : la paix qu'il trouve dans ce trip hippie n'a aucune autre valeur que la valeur marchande d'une mode, immédiatement avalée et utilisée pour vendre du bonheur à des gens qui n'ont aucun autre moyen de se le procurer.

 

photo

 

A moins que Mad Men ne soit bien plus intelligente ? Que le sourire en coin de Don, accompagné d'un son qui semble illustrer un coup de génie, signifie le réveil du business man cynique qui a compris l'importance du mouvement hippie pour séduire les foules ? Et que l'homme vidé soit prêt à se remplir à nouveau (il devait être en charge du dossier Coca, et Peggy lui a bien dit qu'il serait certainement réembauché s'il revenait) ? Weiner a confirmé que c'était bien son intention avec cette conclusion.

"I'd like to buy the world a home and furnish it with love", chantonne une gentille hippie avant qu'un travelling ne révèle la présence des bouteilles de soda dans leurs mains. "Acheter au monde une maison et la meubler d'amour et de coca". Survivant de l'ère du whisky et des cigarettes, le dinosaure Don n'a pas dit son dernier mot. La série s'arrête, mais pas lui. Bienvenue dans l'ère du Coca. (Re)bienvenue dans l'ère de Don Draper.

Voilà la preuve que Matthew Weiner (passé chez Les Sopranos, dont la fin alimente encore aujourd'hui les débats) est bel et bien un génie.

 photo, Jon Hamm

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commentaires
Chan
18/07/2015 à 10:27

arxika den eimai foithtria..alla den kalaaavtinw gt to periorisate mono sta panepisthmia. an 8elate na suzhthsete sovara gia thn paideia 8a to pianate apo to dhmotiko pou mpainei to ka8e zwo mesa kai oxi apla den ma8ainei grammata sto paidi alla to kanei kai ka8usterhmeno.me provlhmata duslexias..! den xeroun vasika pragmata kai 8eloun na didaxoun.to idio isxuei kai stous ka8hghtes gumnasiou- lukeiou.proswpika pisteuw pws prepei na epanel8ei to susthma ths axiologhshs. mou etuxe ka8hghths pou mou eipe(gumnasio hmoun..) oti kanonika eprepe na me eixan kopsei sto dhmotiko kai oti 8a katalhxw na ka8arizw skales !opws katalavainete den xana asxolh8hka me ta ma8hmatika kai twra an me rwthsete poso kanei 8*9 pi8anotata na apanthsw mpourda :/ kai ftanw trith lukeiou ..poso phximo? einai sovaroi? posh ulh?! poso komplex exoun oi tupoi tou paidagwgikou institoutou (oi opoioi grafoun kai ta vivlia..)ok mesie katalavame ta xereis..egw ti sou ftaiw?! eipame na ma8oume ok alla hremhse ligo dhladh an perasw sto panepisthmio ti 8a mou meinei na ma8w?wtf?! kai ftanoume kai sto panepisthmio oloi oi gnwstoi mou eipane prwth mera peftoun panw sou ola ta kommata na se fane auto einai to panepisthmio? poios 8a me valei sto mantri? mh swsw kai mpw re kakomoirhdes pou8enades.kalutera na paw sto mexico na armegw agelades.exeis oneira alla auth h xwra para einai sapia kai telos (asxeto alla epeidh paizei autes tis meres sto mad) exw na pw epeidh akouw punk o santa punk tou mad einai malakia kai prosvallete kai emas pou akoume ontws.

NeoRevan
23/06/2015 à 10:28

Très bon article. Merci.

Ann Perkins
18/05/2015 à 17:40

Non, pas "pour eux", t'as bien vu ce pavé qu'ils écrivent...

Je pense qu'ils font allusion au fait que le buzz de la série, si énorme jadis, est aujourd'hui plus que discret ; c'est un constat très simple. Rappelons nous de la couverture médiatique autour de Breaking Bad à sa fin... Ou chaque fin de saison pour Game of Thrones. Au hasard.
Là, Mad Men a droit a des articles types "pourquoi vous auriez mieux fait de pas lâcher la série", preuve (s'il en fallait) qu'ils ont perdu pas mal de fans en cours de route...

rigolax
18/05/2015 à 17:36

"La série s'éteint dans une relative indifférence".....
Pour vous peut-être......