La Planète des singes : Le Nouveau Royaume – critique du miroir inattendu d'Avatar 2

Antoine Desrues | 8 mai 2024 - MAJ : 08/05/2024 19:22
Antoine Desrues | 8 mai 2024 - MAJ : 08/05/2024 19:22

On l’a souvent répété dans nos colonnes : dans le domaine des blockbusters franchisés, peu de sagas ont su se démarquer comme le reboot de La Planète des singes, surtout avec La Planète des singes : L'affrontement et La Planète des singes : Suprématie. Au-delà de sa maîtrise technique, qui a contribué avec Avatar à valoriser les possibilités de la performance capture, sa nature de prequel lui a fait assumer une noirceur narrative salvatrice. Après Matt Reeves, c’est au tour de Wes Ball (Le Labyrinthe) de réaliser ce quatrième opus, La Planète des singes : Le Nouveau Royaume. Et cette fois, c'est chez Disney. En salles le 8 mai.

Championzé

Pour tous ceux qui ont aimé les aventures de César, la suite de La Planète des singes : Suprématie marque son héritage par un prologue émouvant, qui donne encore plus d’impact à l'indication temporelle qui s’ensuit. Nous voilà “plusieurs générations plus tard”, à observer l’évolution des primates en multiples clans, tandis que les humains n’ont cessé de régresser intellectuellement.

Comme l’affirme l’une de ses séquences majeures (la traque d’un troupeau d’hommes et de femmes chassés comme du bétail), Le Nouveau royaume cherche une filiation esthétique de plus en plus affirmée avec le film matriciel de 1968. La photographie de Gyula Pados (les deux suites du Labyrinthe) se veut plus lumineuse et solaire, moins contrastée que chez Matt Reeves, et par extension moins riche. Cette légère déception est néanmoins compensée par sa raison d’être : flouter les marqueurs temporels de la saga, autant dans son récit que dans sa fabrication.

 

 

Voir ce Planète des singes 4 consiste à rassembler toutes les époques, comme si la première adaptation de Pierre Boulle était soudainement upgradée par des effets visuels photoréalistes. Pourtant, lors d’une première partie à la fois pédagogue et incarnée, on saisit bien que les sociétés simiesques sont encore loin d’être aussi avancées qu'au moment de leur rencontre avec Charlton Heston. Au contact de notre héros du jour, le touchant Noa (Owen Teague), il est question de lois et de rites de passage qui se sont organiquement créés au fil des ans.

Certes, le résultat final n’atteint pas toujours l’élégance poétique de Matt Reeves, mais il convient de ne pas sous-estimer le choix de Wes Ball à la réalisation. Déjà au travers de son célèbre court-métrage post-apo (le génial Ruin), le cinéaste donnait à ressentir un monde après nous avoir plongés in medias res dans l’action. C’était également la grande qualité du Labyrinthe (surtout dans la gestion du mystère du premier volet), et Le Nouveau Royaume confirme ce talent.

 

La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume : photoA deux doigts de croiser Ellie

 

I’m having a (Wes) Ball

Tout comme ses prédécesseurs, ce nouveau Planète des singes ne cède pas aux sirènes de l’action et du grand spectacle régulier pour réveiller un public supposément impatient. Au contraire, il lui fait confiance en mettant en valeur la beauté mélancolique de son monde dévasté, et la prouesse technologique de notre attachement à des personnages non-humains.

Wes Ball prend son temps, et se veut contemplatif à certains moments-clés (merveilleuse séquence où Noa ne peut que pleurer la perte de son village). Un choix fondamental, puisque le film est rempli de protagonistes démiurges et pressés, qui refusent l’évolution lente et logique du monde. Après tout, Le Nouveau royaume admet que tout finit par s’oublier, à commencer par le passé dominant des humains sur la Terre. Il est juste dommage que le long-métrage mette un certain temps à développer sa seconde partie, où Noa se retrouve sous la coupe d’un roi tyrannique, Proximus (Kevin Durand), prophète qui s’est réapproprié le nom de César pour mieux distordre sa philosophie.

 

La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume : photoCésar pas là

 

En transformant cet héritage idéologique en outil de fanatisme religieux, le scénario signé Josh Friedman (La Guerre des mondes, Avatar 4) impose sa meilleure nouveauté, bien qu’on l’aurait souhaitée un peu plus palpable et approfondie avant l’arrivée du troisième acte. Cela dit, avec ce saut dans la chronologie de la saga, on aurait pu craindre un moyen de rebooter ses problématiques, et sans doute de réduire la voilure sur son nihilisme désespéré, inhérent à sa nature de prequel. Il n’en est rien.

Derrière les métaphores les plus évidentes portées par La Planète des singes (le racisme, la maltraitance animale, l’escalade militaire…), il y a surtout une observation d’une perversion. Une perversion immuable des êtres, des sociétés et de leur politique. L’exigence technique de la saga est justement corrélée à ce rapport à l’entropie. Alors qu’il est possible de créer des singes parfaits en CGI, leur photoréalisme passe par la dégradation du corps et les marques du temps qui passe (cicatrices, poils manquants ou blanchis, etc).

On pourrait d’ailleurs reprocher à Wes Ball de ne pas repousser les limites du possible autant que Matt Reeves. Certes, le film nous rappelle qu’un blockbuster devrait avoir au minimum ce niveau de finition assez exemplaire, mais Le Nouveau royaume parvient trop rarement à décrocher la mâchoire comme L’Affrontement et Suprématie, qui donnaient l’impression à chaque fois d’imposer de nouveaux standards, que ce soit dans les interactions directes des acteurs avec les singes numériques, ou dans le rendu de certains effets (la neige sur les pelages).

 

La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume : photoMalin comme un singe

 

Who let the apes out ?

Si l’heure n’est plus vraiment au bouleversement technologique, en accord avec le bouleversement hiérarchique du monde présenté par les films, c’est peut-être au fond que La Planète des singes a elle aussi muté. Dans la continuité du premier Avatar, Les Origines marquait une scission claire entre humains et singes, et nous mettait dans la position inconfortable du camp adverse au nôtre, alors oppressé et rebelle. L’Homme était l’antagoniste, et son impossible rédemption obligeait, en creux, à s’adapter à la nouvelle espèce "supérieure".

Désormais, Le Nouveau royaume s’accorde à Avatar 2, où les méchants deviennent à leur tour des Na’vi pour mieux s’infiltrer dans un système qui interroge son idéologie pacifiste. Les délimitations sont plus floues, et ne peuvent éviter des subdivisions. C’est là que La Planète des singes sort sa carte maîtresse : Mae (Freya Allan), humaine qui offre à Noa une forme d’ancrage moral, avant de donner au long-métrage toute sa complexité thématique.

 

La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume : photoMae, la surprise du film

 

Au même titre que Proximus (dont elle est le miroir inattendu, mais bienvenu), elle agit avant tout par défiance de la mort, et par un refus de l’extinction qui reflète à merveille le déni de notre auto-destruction (militaire comme écologique).

Plutôt que d’accepter le cours de l’évolution de cette nouvelle nature, l’humain est toujours en quête de la médaille d’or, malgré une défaite de longue durée. Encore une fois, on pense à James Cameron et à la résolution de ses Na’vi : et si la guerre et l’anéantissement de l’humanité étaient la seule solution pour permettre un monde meilleur ? Peut-être, mais la tragédie, c’est de voir les singes, tout comme les aliens bleus, subir la dégradation de leur utopie à force de s’inspirer de leur pire ennemi : nous.

 

La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume : Affiche française

Résumé

Malgré son jeune héros encore innocent, La Planète des singes : Le Nouveau royaume convoque une science-fiction post-apocalyptique toujours aussi désenchantée. Un blockbuster élégant sur l’entropie inévitable de nos sociétés et de leurs idéologies.

Autre avis Geoffrey Crété
La Planète des singes : Le Nouveau Royaume prolonge du bout des doigts les riches réflexions de la trilogie (et de la saga en général), et ouvre un nouveau chapitre visuel pour caresser les fans dans le sens du poil. Dommage que l'intrigue soit si bancale, et que la mise en place d'une suite prenne finalement tant de place.
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commentaires

17/05/2024 à 12:51

La trilogie précédente était loin d'être parfaite (le premier volet étant à mes yeux le plus faible) mais ce nouvel opus est bien en dessous.

Une fois passées les 30 premières minutes (assez enthousiasmantes) :

- ça devient lent et verbeux (en plus les singes hachent tous leurs mots), pour au final ne pas dire grand chose.
- C'est prévisible (Noa qui devient le nouveau maître de l'aigle soleil...).
- C'est confus et ça installe très peu de tension (l'utilisation extensive de cue music nous dit d'avance tout ce qu'il y a à savoir).
- Les moments "importants" ne m'ont donc provoqué aucune réelle émotion (ils sont si vite expédiés)
- Difficile de suspendre son incrédulité quand on voit arriver une humaine "sauvage" aux sourcils impeccablement épilés. Ou quand certains singes utilisent des mots simples pour désigner les choses puis d'un coup se mettent à discuter de concepts beaucoup plus complexes.
- Les CGI, sans être affreux, sont un cran en dessous de la trilogie précédente

Comme dit dans un autre commentaire : on dirait star wars 7 (que j'ai défendu bec et ongles initialement).

Je ne referai pas ici la même erreur.

Flo1
15/05/2024 à 15:04

@Tiomkin

N'oublions pas que c'est un nouveau volet, qui débute d'ailleurs (étonnante surprise) par un rappel de ce qui a précédé. Donc ça n'est pas un film trop ouvert, trop "vierge", où il suffirait juste se se laisser porter par les personnages... qui de toute façon ne vont pas parler à tout le monde en fonction des sensibilités et connaissances respectives de chacun (sans compter un rejet automatique au nom du "bon vieux temps").
Alors que malgré tout, on a ici des franchises ambitionnant de s'adresser au plus de monde possible, de n'être pas trop cryptiques, mais n'hésitant pas à stimuler la curiosité de ceux qui pourraient être rétifs.

Question sensibilités, Jason Clarke pourrait être un cas d'école : pas un acteur toujours reconnaissable pour le grand public, et son personnage est interchangeable - seulement si vous avez remarqué qu'il est un ami humain tolérant... comme l'était James Franco dans le précédent, comme par hasard. Et que leurs compagnes respectives sont pareilles, trop passives et peu mémorables...
Est-ce que cette famille d'humains, faites pour être le miroir de celle de César, peut vraiment être touchante au delà de sa fonction ? Pas pour tout le monde.
Et Clarke ne raconte-t-il pas quelque chose de bien plus puissant dans son ultime scène, dans laquelle il s'en va en se fondant dans les ombres ? - symbole de la disparition avérée de l'humanité, au sens bienveillant du terme (comme on le verra dans le troisième film, où les trois archétypes humains seront un vassal qui ne changera jamais, une enfant-mascotte néanmoins gentille, et un général Kurtzien monstrueux).

En attendant, le nouveau film semble avoir comme parti pris de montrer des moments de plénitude dans sa première partie uniquement, et c'est assumé comme tel : ce groupe d'amis intrépides, ce jeune singe qui se démarque par sa curiosité (qui est à double tranchant), ces scènes quasi muettes, ces "échos" (superbe idée pour désigner les humains) qui sont infréquentables - Mae va dès le début casser l'œuf de Noa, l'obliger à chaque fois à sortir de sa zone de confort...
Et après la rupture de ton qui verra la mort d'un sage (signe que ça ne va pas se passer comme avec Maurice, qui était le grand conseiller de César jusqu'à la fin), tout ce vers où on avance n'est pas là pour créer la même émotion, mais plutôt la déception, le dégoût, l'amertume, l'angoisse, les remises en question.
Deux parties distinctes pour ce film, c'est cohérent avec la dichotomie qu'exprime les personnages, le scénario...

Il fallait alors se méfier des fausses pistes : peu importe que Proximus ait appris (singé ?) comment maîtriser l'électricité, ni comment autant d'énergie a pu continuer à être conservée dans tel ou tel bunker - ça reste de la SF, avec des singes qui parlent.
Ce qui compte c'est ce que le film insinue (donc en montrant beaucoup de trucs mystérieux sans tout nous révéler), ce qu'il démontre (oui Mae est bien dangereuse si elle peut tuer de sang-froid). Même si plus ou moins subtil, venant d'un tout petit auteur, c'est plutôt l'inverse du didactisme - prenez donc le dernier film de Scorsese, où le meurte de la sœur farouche est compréhensible grâce à un modus operandi appliqué à plusieurs Natifs... et pourtant on le décrit quand-même en détail à la fin, de façon verbal puis visuelle ("C'est bon ? Vous avez bien compris !?"). Ça c'est du didactisme inutile. Qui l'a remarqué ? Au lieu de donner un blanc-seing à l'auteur, pour cause renommée mondiale ?

Le risque sera alors que ce que le film montre reste opaque, aux idées inabouties quand bien même un plan serait en place pour trois films "du milieu" (qui vont rebattre toutes les cartes ?)...
Et ensuite trois films conclusifs avec encore une autre génération de singes - là par contre c'est d'emblée frustrant.
En attendant ce film va déjà au bout de son histoire centrale : Noa a terminé son voyage pour ramener sa tribu, devenir un chef (oui il faudra être indulgent pour le petit ridicule de la scène des aigles). Et il aura appris à tuer (indirectement) et à être plus méfiant.
Car "l'orage arrive", comme on disait dans le premier "Terminator" - encore un film où l'on craint la fin du monde, dans un conflit entre deux espèces dominantes.

Capkan
15/05/2024 à 05:31

Très déçu de ce film.
Après très honnêtement, rien qu'en voyant le trailer je savais pertinemment où le film voulait aller.
On est très loin des 3 opus précédents en terme de réalisation, d'ambiance et d'histoire et autant le changement peut être positif après 3 films, autant je pense pas que c'est la meilleure direction à prendre pour cette saga.

Alors en effet le film est techniquement assez joli, et encore que les autres avaient une ambiance LARGEMENT meilleure, et n'étaient pas moins bien faits techniquement non plus, voir mieux donc..

Déjà premier point qui m'a frappé c'est l'enjeu du film qui est drastiquement réduit, on passe de l'annihilation de la race humaine à l'histoire d'une tribu de singes et d'une humaine vraiment pas très intéressante. Et personnellement c'est vraiment quelque chose qui a réussi à rendre le film très soporifique, parce que les scènes sont longues, pendant une grosse partie du film c'est assez mou, on sait pas trop où on va, et surtout pourquoi on y va ?

Le choix de l'époque aussi, je trouve que c'est pile l'époque inintéressante à faire en film.
On est pas juste après les évènements du 3 donc on à pas l'histoire des enfants de César, mais on est pas non plus assez longtemps après pour vraiment voir l'évolution de la société et du monde simiesque. Malgré que cela se passe plusieurs générations après le 3, y'a pas vraiment de nouveautés, les singes sont à peu près toujours au même stade, et l'implémentation de l'humaine ampute le film de la possibilité de se concentrer sur les singes. Surtout de par son utilité assez minime dans le film; à l'inverse de la relation César - James Franco (j'ai oublié le nom du personnage), je vois pas vraiment l'utilité d'avoir cette humaine tout le long du film.

(ATTENTION je vais rentrer dans une partie avec quelques spoilers)

Surtout qu'à la fin du film, on repart à la case départ. Tout ce qui s'est passé dans le film n'a aucun intérêt majeur, ET en plus c'est effacé à la fin du film, et tout redevient comme au début (?)
Le seul intérêt que je vois au film c'est la fin, qui laisse penser une suite à (je l'espère) plus grande échelle, mais du coup, pourquoi avoir fait ce film là ? Pourquoi avoir fait un film complètement inutile dans la saga, si tout ce qui était important pour faire avancer l'histoire se trouve dans les 5 dernières minutes du film, bah pourquoi ne pas mettre ces 5 minutes au début et enchainer avec une histoire intéressante et avec plus d'impact ?
Je veux dire; on parle quand même d'un monde on l'humanité a quasiment été annihilée, et tout ce qu'on trouve à nous raconter c'est l'histoire d'une tribu random, avec un protagoniste random, avec une histoire random, et la seule chose qui fait avancer l'histoire c'est les 5 minutes de fin..

Et très franchement, c'est tellement dur de passer de César à Noa.
Forcément c'était le parti pris en faisant mourir César à la fin du 3, mais quand même on aurait pu trouver un personnage plus intéressant qu'un singe random qui n'a rien de spécial, dans une tribu random qui n'a rien de spécial. (aaah mais si! ils élèvent des aigles..)
Même si, je soupçonne (si les prochains films sont toujours centrés sur Noa) que Noa soit un parent de César.
Sauf si le fait qu'il soit un singe apparemment plus intelligent que les autres, la ressemblance physique assez flagrante, et les yeux qui sont exactement les mêmes que César (contrairement à tout les autres singes apparemment) soit juste un hasard, et ça serait très dommage.

Bref je me rends compte que le mot que j'ai écrit le plus souvent dans ce commentaire c'est "inintéressant", et c'est vraiment le mot qui décrit le mieux ce film.

Le problème c'est que j'adore cet univers donc j'ai du mal à lui mettre une mauvaise note, mais si je pouvais être le plus objectif possible en omettant le fait que j'adore cette saga, je lui mettrait un 3/10.

Tiomkin
14/05/2024 à 18:18

@Flo1

Je suis assez d'accord quand vous soulignez le caractère genré des Star Wars de Lucas (qui n'étaient d'ailleurs pas non plus exempts de faiblesses, notamment s'agissant du n° 2 de la prélogie) et l'inanité de ses personnages féminins de Padmé en passant par Leïa. Et je ne suis pas loin d'être en phase avec vous lorsque vous parlez du 3ème acte de Reeves qui alourdissait l'ensemble de la précédente trilogie.

Mais par contre, non : on devrait pouvoir apprécier un film en lui-même sans avoir à attendre l'idée générale censée nous faire tout comprendre au bout du compte.
Il y a de fameux précédents réussis: on ne comprend tout de la vanité du pouvoir une fois achevées les pièces historiques de Shakespeare mais cela n'empêche pas d’éprouver de l’émotion pour bon nombre de situations vécues par les personnages à l'intérieur de chaque pièce prise isolément.

Pour cela, il faut qu'il y ait un minimum d'émotion à l'intérieur de chaque volet, ce que Matt Reeves réussissait à mon sens à susciter, principalement dans le 2ème volet. L'une des scènes à mes yeux emblématiques est celle durant laquelle les humains réussissent à refaire fonctionner la centrale électrique qui va leur permettre de leur fournir à nouveau la maîtrise d'une énergie qui faisait toute leur force au sein d'un monde désormais perdu. La joie de ces êtres qui ont désormais intégré leur faiblesse (le jeu de Jason Clarke était pour moi asse emblématique à cet égard) inter-agit avec l'incompréhension des singes devant une telle émotion. C'est une idée transmise de mise en scène, une situation qui, pour moi, rend la scène touchante aux spectateurs parce qu’elle est l'aboutissement final d'un moment-clé du film, ce qui me semble répondre à la définition du cinéma. Il y a cette même idée dans le Nouveau Royaume mais plaquée à la fin et qui, outre son incohérence (là où dans la scène que je décrivais, le surgissement de l'énergie perdue depuis une dizaine d'années était obtenu péniblement mais concrètement par l'effort humain, elle est reconquise à un échelon gigantesque au bout de 3 siècles quasiment par magie...), ne suscite aucune émotion.

Et c'est ce qui manque, je trouve à ce nouvel opus: quand Ball veut transmettre une idée, celle-ci n'est pas montrée mais expliquée à travers un discours (ce qui n'est pas le moindre des paradoxes dans un monde où les personnages humains sont censés avoir perdu la parole).
On sait que Jason Clarke est faible parce qu'il le montre à l'écran et cette faiblesse n'est pas réductible à celle du personnage de William H. Macy dans le Nouveau Royaume, désormais assimilée à de la lâcheté afin de mieux faire ressortir le personnage de Mae, qui, censée avoir vécue dans un monde à part rempli d'êtres humains ayant réussi à se perpétuer en trois siècles, n'a aucunement intégré cette inversion de civilisation. On est là dans du didactisme, pas tellement dans du cinéma. Il y a peu de cohérence, je trouve.

En revanche, oui, toute la première partie qui emprunte au film de 1968 est une réussite, non parce que le film de 1968 était extraordinaire (il ne faut quand même pas exagéré) mais parce qu'en reprenant la même iconographie, il la transcende en la replaçant dans d'autres situations et vécues par des personnages (Raka ET Mae que l’on croit alors muette).

On
14/05/2024 à 16:04

On veut regarder votre film

Flo1
14/05/2024 à 14:17

@Tiomkin

Ne jamais confondre les partis-pris respectifs chez des équipes créatives différentes, que le studio propriétaire (rien de plus) soit Disney ou pas :
Déjà les films de Matt Reeves avaient eux-aussi leur part de déceptions, la faute au "syndrome du troisième acte" qui venait alourdir l'ensemble. Sans compter des humains si transparents ou belliqueux que leur sort en devenait mérité.
Et presque rien à voir ici avec la Postlogie Star Wars, qui a osé faire ce que la Prelogie a vite évité : mettre en perspective la Saga avec une autre époque, où les mêmes maux resurgissent de façon cyclique (sinon, quel intérêt à réactiver cette Saga qui comporte le mot "War", si elle ne raconte pas de guerre entre voisins aux vues divergentes ?). Donc voir l'histoire se répéter, mais sous un autre angle, avec une identité plus "Arthurienne", avec des acteurs principaux qui ont plus de choses à jouer (mais toujours quelques uns qui n'auront pas assez de place)... et en allant contre la performance technique inédite (qui était centrale dans les 6 autres films, mais à l'époque où il y avait beaucoup moins de blockbusters) pour privilégier une mise en scène plus sobre et inventive (les fantômes de Jedi représentés par un chœur de voix, l'espace-temps qui se plie par la magie du montage).
Tout ça semble incompatible avec le premier degré de Star Wars, incompatible avec la susceptibilité des geeks. surtout quand là aussi on se retrouve avec un troisième acte qui oblige à "tout ranger comme il faut"... Mais au moins c'est audacieux, c'est un chamboulement qui est bien moins banal que les dernières productions (plateformes) Star Wars, celles qui caressent les fans dans le sens du poil, et sont infichus de les bousculer.
Ça, y a pas grand monde qui a été apte à l'analyser, sans se contenter de répéter des éléments de langage critiques pré mâchés. Même la présence cruciale des personnages féminins dans ces films est aussi une mise en perspective par rapport à une franchise qui ne parlait qu'aux jeunes hommes, excluant les femmes en ne leur donnant pas de référente leur permettant d'entrer dans ce monde (Leia n'est qu'une petite sœur grande gueule, Padmé une catastrophe scénaristique).

Et idem pour cette "Planète...", où Mae se présente comme un personnage à double face (ou plus ?), probablement élevée dans la méfiance des singes, laissant même entendre qu'une romance inter-espèce serait possible - avec éventuellement une rivalité amoureuse...
Tandis que Noa est un pacifiste contrarié. Comme écrit plus bas, c'est une reprise du fonctionnement narratif des deux protagonistes principaux masculin et féminin du "Labyrinthe", du même réalisateur - espérons juste que ça sera ensuite moins chaste, moins naïf.
Mais avec aussi un renversement par rapport aux trois précédents films, dans lesquels les singes évolués étaient divisés sur la question humaine, jusqu'à ce que les hommes règlent la question, en faisant eux-mêmes les mauvais choix qui les détruiront.
Et là on dirait presque que c'est l'inverse qui se passe : les singes sont encore en mode tribal (ça ne fait que 300 ans qu'ils sont ainsi), répartis entre divers groupes aux visées différentes, des erreurs sont commises et les esprits s'échauffent. Tandis qu'une poche d'humains non régressifs attend son heure...
Sachant qu'il n'y a Pas à faire la jonction avec le film de 1968, puisque même si celui-ci représente une sorte d'aboutissement, il n'existe que dans sa propre temporalité, avec son propre messie du nom de César, et une boucle chronologique déjà bouclée... On se rappelle qu'une navette avait été lancée dans le premier volet de 2011, alors peut-être qu'on aura droit à un remake ?
À partir de là, tout est possible pour cette série de films : la réconciliation ? avec ou sans menace commune ? un futur technologique ? la fusion avec le film de Tim Burton (qui avait aussi quelques bonnes qualités) ? Y compris une exploration plus étendue de ce monde, qui nous a toujours été limité au territoire américain jusque là.
Tant que ces films ne vont pas trop loin (ajouter plus d'animaux évolués par exemple, comme dans les comics de Kamandi), qu'ils gardent un antagonisme symbolique entre seulement deux peuples différents, et que l'on garde des personnages principaux qui soient fascinants, même si pas facilement attachants.
Ce qui est un bon moyen pour impliquer les spectateurs, en leur donnant pour défi de s'accrocher à ce qu'ils ne vont pas comprendre tout de suite... Et ça, ça manque cruellement aussi bien chez ceux qui regardent que chez ceux qui analysent, n'ayant pas la force de prendre le temps pour regarder des œuvres dans leur ensemble (certes, avec un contexte très large, ça demande plus d'efforts maintenant).

Bravo
13/05/2024 à 18:57

Chapeau pour la qualité de l'écriture de votre critique

Tiomkin
13/05/2024 à 14:56

J'aime assez la critique de Flo1 plus bas et je ne conteste pas la réussite sur le plan technique du film.
Mais regarder ça après les deux sublimes précédents de Matt Reeves, et la déception est inévitable. S'il faut prendre ce film comme un film de transition vers autre chose qui sera plus développé dans les films à venir, pourquoi pas? Le problème est que nous avons tous pensé ça en regardant l'épisode 7 de Star Wars, premier épisode d'une trilogie qui s'est révélée catastrophique sur le plan du récit, à rebours de l'anthropologie développée par George Lucas dans les deux précédentes trilogies. En attendant, tout le monde a financé la multinationale en tentant de s'assurer que le suivant allait être meilleur que le précédent. Il n'en fut rien. Il y a donc tout lieu de penser que Disney, qui reprend là aussi les rênes, va nous plonger dans les méandres d'un récit dogmatique, manichéen, anti-humaniste et en faisant passer la pilule morale par le fait que les principaux protagonistes humains seront des femmes, comme si appartenir à ce sexe donnait une quelconque garantie à ce sujet.

Dans ce nouveau film donc, l'humain n'a pas disparu. Ca, on le savait depuis le film de 1968 avec Charlton Heston. Mais là où on s'attendait à l'ensauvagement irréversible de l'être humain et une histoire basée sur le développement de la société des singes vus comme allégories de nos sociétés humaines, le film vient nous dire "non, pas du tout: un groupe de résistants humains (encore des résistants!) qui n'a pas perdu l'usage de la parole tente de reprendre les rênes de la destinée humaine gâchée précédemment par tous ses protagonistes masculins y compris quand ils tentaient d'apporter un message humaniste". La relève sera donc féminine et technologique, à travers le personnage de Mae et la remise en marche miraculeuse de satellites au bout de 300 ans (pourquoi d’ailleurs avoir attendu aussi longtemps ? ) et qui demande de l'aide aux singes pour mieux leur planter un couteau dans le dos à la fin. Personnage féminin d'ailleurs habilement écrit puisque, tout en partageant la même idéologie suprématiste que le colonel fou du précédent opus, ne suscite pas chez le spectateur la même indignation. Bizarre... Je me demande au bout de combien de films et comment la jonction se fera avec le film de 1968 puisque les humains sont censés avoir perdu au bout du compte. On s'attendait donc à voir les débuts d'un mode de gouvernement singe et de ses difficultés à se tenir debout à travers, par exemple, les conflits chimpanzés/gorilles lesquels, bien que montrés dans le film, sont caricaturaux, superficiels, au bout du compte sans intérêt. Le conservatisme est également remis au goût du jour puisque nous assistons à la réhabilitation des vertus antiques (courage, force, honneur etc) à travers ce personnage de Mae face aux vertus intellectuelles du personnage masculin dépeint comme l’archétype du lâche et du collaborateur.
Où Disney veut donc nous conduire? Dans l’idée d’une barbarie organisée ?

Flo1
13/05/2024 à 12:47

C'est un film introductif, mais il ne trahit ni les fondamentaux originaux, ni ceux des films modernes. La façon dont il prend son temps en fait un opus suffisamment (jeune) adulte pour être au dessus du lot des blockbusters modernes. Il suffit d'avoir assez de maturité pour se laisser porter par la narration.
Et puis il y a le personnage que joue Freya Allan :

- Spoiler ! -

L'actrice a ce visage légèrement anguleux, avec de grands yeux, ce qui lui donne un tout petit air préhistorique. Ce qui la rend aussi encore plus crédible quand on l'a découvre en mode primitif...
Mais surtout elle s'inscrit dans la même lignée que certains personnages principaux des films "Planète des Singes", c'est à dire ceux qui créent une rupture de ton au moment où ils réussissent à porter haut leur parole : c'était Taylor dans le film de 1968, avec un refus doublé d'une série d'insultes. C'était César dans les films des années 70 et 2010, avec un refus circonscrit à un simple "Non !" - lequel va créer la légende de ce singe, comme étant le premier à s'opposer aux humains.

Et ici ça ne sera pas "Non !" mais "Noa !", donc un appel à l'aide... mais qui était contraint par les circonstances. Et va amener cette fille à reconquérir son nom : pas "une Nova", mais Mae. Et pas non plus la gentille humaine de service, mais une femme qui a un but précis, lequel a toutes les chances d'être néfaste pour les singes dans un avenir proche... ou pas, ça n'a pas encore été tranché.
Mais cet univers "Planète des singes" ne peut pas se reposer uniquement sur des conflits entre singes, il faut obligatoirement que les humains y mettent leur grain de sel et fassent dangereusement pencher la balance... sinon il n'y aurait plus de film.
Ce n'est pas pour rien si Proximus est ici un adversaire un peu faible... depuis le début, le vrai antagoniste de cette nouvelle trilogie est caché dans un coin.
Et c'est peut-être Mae... malgré elle.

Geoffrey Crété - Rédaction
13/05/2024 à 00:19

@Kingeddie

Oh vous savez, on nous reproche certes très souvent d'être trop méchants/radicaux/durs/négatifs, mais on a régulièrement droit au contraire (trop gentils/doux/peu exigeants). On est toujours le trop ceci ou trop cela de quelqu'un. Ca fait partie du jeu

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