Hellblazer : Rise & Fall – critique d'un Constantine entre The Boys et Lucifer

Arnold Petit | 11 septembre 2021 - MAJ : 11/09/2021 15:17
Arnold Petit | 11 septembre 2021 - MAJ : 11/09/2021 15:17

Après avoir aidé Batman à enquêter sur la mort du Joker dans Batman : Damned de Brian Azzarello et Lee Bermejo, Constantine est de retour sur le Black Label de DC dans Hellblazer : Rise & Fall, publié en France le 10 septembre chez Urban Comics. Un comics écrit par Tom Taylor et dessiné par Darick Robertson, avec une affaire assez classique pour le spécialiste de l'occulte de DC, mais qui tient quand même ses promesses.

SYMPATHY FOR THE DEVIL

Avec sa propension à massacrer l'univers de DC, qu'il a d'abord manifestée dans son adaptation d'Injustice : Les dieux sont parmi nous puis perfectionnée avec DCeased, Tom Taylor s'est taillé une solide réputation dans l'industrie des comics, jusqu'à devenir une véritable coqueluche chez DC. Depuis, le scénariste a enchaîné les projets en même temps que les succès, que ce soit avec ses dérivés de récits horrifiques comme le sympathique DCeased : Unkillables ou ses passages plus que remarqués sur Suicide Squad ou Nightwing avec Bruno Redondo.

L'auteur des terres australes avait déjà montré son affection pour John Constantine et sa maîtrise du personnage dans DCeased et sa suite, DCeased 2, qui sortira le 12 novembre en France. Il était donc plutôt intéressant de voir ce que le scénariste pourrait proposer dans le monde de Hellblazer aux côtés de Darick Robertson, avec qui il avait déjà collaboré pour DCeased : A Good Day To Die (publié avec DCeased en France) avec Laura Braga.

 

photoPlus près de toi mon Dieu


Comme souvent avec le spécialiste de l'occulte de DC, l'histoire démarre avec un événement assez hors du commun : des milliardaires et des membres de l'élite britannique sont retrouvés morts à Liverpool, nus et avec des ailes d'ange dans le dos. En menant son enquête, la détective Aisha Bukhari croise le chemin de son ami d'enfance, ce bon vieux John Constantine, qui lui vient en aide et réalise alors que ces meurtres sont liés au tout premier sort qu'il a jeté quand il était enfant, et qui avait causé la mort d'un de ses camarades, Billy, revenu le hanter.

Que ce soit dans l'écriture, les personnages ou même l'ambiance en général, l'ombre de Garth Ennis plane continuellement au-dessus d'Hellblazer : Rise & Fall, consciemment ou non. Tom Taylor prouve une fois de plus qu'il connaît le monde dans lequel il met les pieds avec une sorte d'hommage à ces Britanniques qui ont façonné John Constantine : les Alan Moore, Jamie Delano, Warren Ellis, et tout particulièrement Garth Ennis, auteur d'un passage mémorable sur le salaud en imper (réuni en trois volumes chez Urban Comics dans Garth Ennis présente Hellblazer) et co-créateur de The Boys avec Darick Robertson.

 

photoOn n'oublie jamais sa première fois


HEAVEN CAN WAIT

Avec cette atmosphère trash, cradingue et cette histoire autour de riches corpulents et de politiques corrompus tombés du ciel, Tom Taylor s'inspire clairement du style irrévérencieux du scénariste de Preacher et Crossed, et de cet esprit dépressif et énervé qui le caractérise.

Et bien qu'il ne soit lié à la Grande-Bretagne et la reine d'Angleterre qu'à travers le Commonwealth et l'ancien empire colonial de sa Majesté, sa représentation de la classe ouvrière ou de la jeunesse de John Constantine dans les rues de Liverpool ressemble à la vision d'un natif de l'Albion et donne l'impression de lire une histoire écrite par Garth Ennis lui-même, entre deux récits de guerre. Un sentiment encore plus renforcé par les planches de Darick Robertson et la violence explicite, qui rappellent les grandes heures de The Boys et les saloperies des P'tit Gars de Billy Butcher.

 

photoUn enfoiré toxique qu'on adore malgré tout

 

Page après page, Tom Taylor coche toutes les cases de ce qu'on attend d'un Hellblazer : il y a de la magie, du mystique, de la violence, de l'argot et un John Constantine traumatisé par un événement du passé, qui l'a changé en un alcoolique cynique fumant clope sur clope. Le scénario prend le temps de revenir sur ses origines avec son père violent, d'évoquer sa culpabilité concernant la mort de sa mère, de développer sa relation avec Aisha Bukhari (spécialement créée pour l'occasion) et l'histoire est suffisamment captivante pour suivre John Constantine à la chasse au démon en compagnie de son amie flic et de Lucifer en personne.

 

photoLes Quatre Fantastiques

 

Cependant, même si Tom Taylor livre sa meilleure imitation de Garth Ennis, il reste trop sobre, trop gentillet. Le mystère autour des ailes d'anges est rapidement éventé pour une traditionnelle affaire de possession, sacrifiant ainsi toute la tension au profit d'une enquête policière beaucoup plus basique. Les meurtres des milliardaires servent bien à adresser un commentaire politique et social autour des plus riches et des inégalités, mais qui n'est jamais vraiment exploité, comme la bisexualité de John ou sa relation avec Lucifer, évoquées seulement à des fins humoristiques.

Avec un amour sincère pour le personnage et son univers, Tom Taylor propose un pastiche divertissant, mais finalement assez artificiel, qui n'a apparement pas d'autre ambition que de satisfaire efficacement le plus grand nombre, à l'instar d'Injustice ou DCeased. Et lorsque le scénariste veut s'approprier John Constantine, c'est presque pour le faire passer pour un héros, avec un dénouement heureux et sentimental maladroitement amené dans le monde sombre et nihiliste d'Hellblazer.

 

photo"Laisse Jésus te baiser !"

 

INSIDIOUS

Hellblazer : Rise & Fall peut néanmoins compter sur Darick Robertson pour élever ce scénario classique et mielleux et lui apporter la noirceur et la profondeur qui lui font défaut. Avec ce trait gras, rond, crasseux, le dessinateur excelle toujours autant quand il s'agit de répandre de la cervelle sur le bitume de la façon la plus graphique et la plus sale possible. Toute l'horreur de l'histoire se dégage essentiellement de ses planches, que ce soit dans ses gerbes de sang, sa représentation de l'Enfer, courte mais intense, ou les expressions, notamment le visage possédé de Billy, parfaitement terrifiant.

Le sarcasme et l'humour noir restent bien évidemment présents dans ses dessins, qui évoquent évidemment ses précédents travaux sur Transmetropolitan et The Boys, comme lorsque Lucifer arrache le rein d'un agent de sécurité pour lui avoir manqué de respect. Un style, brut, poisseux, autant dans le surnaturel que dans le portrait de Liverpool et ses habitants qui s'agglutinent dans les pubs.

 

photoUne virée en Enfer


Hellblazer : Rise & Fall n'est pas mauvais en soi, au contraire, il est même un bon moyen de découvrir John Constantine et de saisir les codes de l'univers d'Hellblazer. En revanche, pour les fans du personnage qui attendent quelque chose de plus inventif et marquant qu'une simple chasse aux démons, il vaut peut-être mieux se rabattre sur les récits de Si Spurrier, également publiés le 10 septembre en France chez Urban Comics dans un seul volume, Simon Spurrier présente Hellblazer.

 

photo

Résumé

Hellblazer : Rise & Fall rattrape son manque de profondeur et son scénario trop classique par ses dessins sanglants et son ambiance énervée. Une petite déception pour les fans de John Constantine qui savent ce qu'il a déjà vécu auparavant, mais une excellente porte d'entrée pour celui ou celle qui voudrait découvrir le spécialiste de l'occulte et le monde dans lequel il évolue.

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commentaires
Constantine
11/09/2021 à 22:39

Je suis un gros fan du Hellblazer De Vertigo ( j’ai lu et relu les 300 épisodes de nombreuses fois en vo) et peut vous assurer que ce titre est une grosse merde sur-côté car Tom Taylor est à la mode en ce moment ( d’habitude c’est un très bon scénariste) . Je vous encourage par contre à lire le volume Hellblazer par Simon Spurrier ( également très récent) qui est vraiment très bon . Digne des grands auteurs l’ayant précédé.

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