The Big Lebowski : critique en peignoir
En ces temps florissants d'adaptations de superhéros, il est intéressant de revenir en arrière, à une époque qui a propulsé un héros « super » dans le cercle fermé des films cultes avec The Big Lebowski de Joel Coen.
TOUS LES HÉROS NE PORTENT PAS DE PEIGNOIR
Il ne dispose pas de supers pouvoirs (hormis celui de préparer des White Russian en un temps record pour peu qu'il soit près d'un bar). Tout le « super » de Jeffrey Lebowski alias The Dude tient dans son attitude résolument décontractée, à faire passer Fonzi de Happy days pour un sanguin. Le public découvre alors un semi-clodo débraillé, résidant dans un bungalow de Venice Beach, s'étouffant régulièrement sur son joint quand il ne se relaxe pas en écoutant la meilleure des musiques dans son baladeur-frigo : le championnat local de bowling de 1987.
La vie selon The Dude, c'est le carpe diem aux règlements par chèque de 69 cents au supermarché et la promesse de parties de bowling entre deux engueulades avec ses meilleurs potes. Mais attention, chercher des noises au Dude parce qu'il a un homonyme aussi millionnaire que louche est une chose, souiller son tapis « qui donnait de la cohésion à [sa] pièce » en est une autre ! C'est pourtant sur cette base complètement déjantée que démarre cette aventure où notre héros va être amené à côtoyer un pornographe, une rousse accro à l'action painting, un scénariste confiné dans un caisson à oxygène et des nihilistes allemands.
Si, avec The Big Lebowski, les frères Coen n'ont pas réalise leur meilleur film, ils ont crée leur personnage le plus mémorable. Tout est affaire de caractère ici et les frangins l'ont parfaitement assumé en ne cachant pas l'intention principale du projet : mettre du beatnik dans une trame à la Raymond Chandler. À l'instar d'un Philip Marlowe, c'est moins l'enquête qui importe que l'état d'esprit, les mises à l'épreuve et les situation de passage à tabac du héros.
Les deux différences notables étant que, premièrement, le Dude tient autant du fin limier que Benoît XVI du débauché ; deuxièmement, la dérision et l'absurde prévalent sur le suspense. Deux conditions tellement bien remplies que, encore aujourd'hui, les fanatiques du film se tordent de rire devant l'avalanche de répliques mémorables et la galerie de personnages hauts en couleurs. À commencer par le Dude himself.
D.U.C.
Bedonnant, fringué d'un gilet repoussant et chaussé de sandales en plastoc du plus bel effet, Jeff Bridges trouve là le rôle de sa vie dans la peau de ce fumiste de première, défoncé en permanence, cherchant ses mots quand il ne recycle pas ceux des autres dès lors qu'il est en difficulté.
Ne pas oublier non plus Walter, le fou furieux près de ses flingues, traumatisé par le Vietnam et très scrupuleux des règles (campé par John Goodman, impayable en caricature du réalisateur John Milius), Donny (Steve Buscemi) ex-surfeur déphasé capable de confondre Lénine et John Lennon, ou encore Peter Stormare et Flea (le bassiste surdoué des Red Hot Chili Peppers) en nihilistes allemands « prêt à couper zézette à Lebowski ». Oui, The Big Lebowski est bel et bien un film culte tant sa force comique ne diminue en rien après de multiples visionnages.
On doit ce miracle à la rigueur d'écriture de Joel et Ethan Coen car, à la manière d'un White Russian, la composition de leur breuvage est un exemple de dosage savant. En effet, il est essentiel pour un cocktail digne de ce nom que l'arrière-goût surpasse l'immédiate saveur. De la même manière, la franche poilade dissimule un véritable hommage au cinéma américain de l'âge d'or : au détour d'un plan ou d'un personnage, la géniale fratrie convie le western, La Splendeur des Amberson de Orson Welles ou un hommage aux chorégraphies dantesques de Busby Berkeley par le biais d'une séquence onirique devenue mythique. Et on ne parlera des innombrables clins d'oeils à leurs films précédents.
LES DOIGTS DANS LES BOULES
En revanche, un parallèle assez osé peut être tenté avec Les Valseuses dans la mesure où les deux films brocardent la virilité. Le film de Bertrand Blier s'inscrit dans un présent giscardien alors que les Coen chahutent rétrospectivement un échantillon d'humanité resté coincé dans les seventies de révolte sexuelle.
Néanmoins, on retrouve dans les deux cas une virilité sans cesse malmenée : tout comme Jean-Claude et Pierrot, le Dude préfère mourir que de se retrouver sans ses bijoux et il est vrai que ces derniers se font méchamment bousculer pendant le film, soit littéralement (le furet lancé dans la baignoire ; le joint incandescent dans la voiture), soit par la suggestion (la pire des insultes est « d'aller se faire enculer » ; le personnage de Julianne Moore et sa sexualité très dirigiste).
Au-delà de ces audacieux clins d'oeils intertextuels et d'impressionnantes statistiques langagières (les mots fuck et man sont prononcés respectivement 281 et 144 fois), The Big Lebowski n'oublie jamais de mettre en avant la sincère humanité de ses personnages. Walter et The Dude ont beau passer le plus clair de leur temps à se bouffer le nez, leur amitié est flagrante. Mieux, on ne peut s'empêcher de les aimer, même un type aussi limite que Walter avec sa rhétorique flirtant souvent avec le nauséabond
Lecteurs
(3.9)18/12/2018 à 23:03
Ils ont pissé sur ton tapis, Duc.. Sur ton tapis...
18/12/2018 à 22:12
Le film qui a fait de moi un Dudeist, poussé vers le Taoism, Alan Watts et tout ce qui va avec.
Si je suis à fond zen, c'est grâce à ce film, et particulierement grâce à Jeff Bridges, tout aussi Dude dans Tron:Legacy.
18/12/2018 à 20:47
dans des souvenirs lointains, j'ai souvenir d'un film qui lui ressemblait de mémoire, avec un walter qui tenait une secte je crois et un mec réincarnation de jésus qui cherchait l'amour et soignait les gens avec ses mains, jamais remis la main sur le titre, mais je crois qu'il existe 2 types de films comme ça avec ce type de réa, de couleur, de mise en scéne...
18/12/2018 à 20:22
Ta gueule donnie !!!!
18/12/2018 à 20:18
The Big Lebowski c'est comme un stick oublié dans un futal passé au lave-linge à 40°, tu te dis que ça ne va pas le faire et oh! surprise...ça le fait. Du Time-proof 5 étoiles.
09/11/2017 à 10:19
Du coup je suis curieux, pourquoi pas 5 étoiles ? vu que je n'ai pas vu de bémol.
08/11/2017 à 20:45
Chef d'œuvre incontestable.
08/11/2017 à 13:23
Vu et revu. Un chef d oeuvre à savourer avec un bon pétard et un bon verre.
08/11/2017 à 12:48
Superbe critique. J'ai appris quelques trucs ! Merci !
07/11/2017 à 21:28
Excellente critique bravo !