Les nouveaux sauvages : critique hystérique

Stéphane Argentin | 29 août 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Stéphane Argentin | 29 août 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Produit par Pedro Almodóvar, coproduction hispano-argentine, Les nouveaux sauvages était sans conteste le film en compétition le plus hilarant du Festival de Cannes 2014. Une bouffée d'oxygène, repartie bredouille en dépit de qualités indéniables.

LA VIE EST BELLE

Qu'ont en commun un avion, un snack, une voiture, un ingénieur en démolition, un brillant homme d'affaires et un mariage ? Pris séparément dans chacun des six segments que composent le film, a priori, rien. Mais considéré dans sa globalité, Les nouveaux sauvages croque en réalité un portrait des plus mordants de notre société contemporaine ô combien carnassière. En partant de situations pour la plupart banales du quotidien (une queue de poisson, un PV, un délit de fuite, un adultère), chaque segment enchaîne alors une succession d'actions / réactions et amène in extenso le spectateur à s'interroger lui-même sur ses propres agissements en pareilles circonstances. 

 

Photo

ELLE EST SAUVAGE

Et si le trait paraitra souvent épais à l'image de cette escalade de violence du segment automobile, le plus hilarant de tous, la démonstration n'en est que plus flagrante, révélant tous les travers de l'Homme (hystérie, bestialité, esprit revanchard, etc.) et des règles qui régissent / gangrènent la société au sein de laquelle il évolue. À ce titre, les deux segments à propos de l'ingénieur en démolition qui refuse de régler un simple PV (génial Ricardo Darín) et de l'homme d'affaires dont le fils a commis un délit de fuite sont sans conteste les plus représentatifs de cette démonstration implacable. Dans une société corrompue jusqu'à la moelle, soit vous avez le bras long et le portefeuille épais pour vous en sortir, soit vous courbez l'échine, raquez et/ou finissez en cabane.

 

Photo Erica Rivas

 

Cette rancœur est toutefois contrebalancée en permanence par la place de choix qu'occupent les sentiments et la famille. Qu'il s'agisse de venger les siens d'une injustice passée (la serveuse du snack), d'éviter la prison à sa progéniture (l'homme d'affaires) ou bien de tenter de sauver son mariage, chaque segment conserve cet objectif en ligne de mire. Une petite touche d'espoir à l'extrémité de tunnels de prime abord bien sombres croqués avec une justesse d'écriture (l'irrémédiable descente aux enfers de l'ingénieur) et de mise en scène (les plans à l'intérieur / extérieur de la voiture sur le segment automobile) qui tend à imposer Les nouveaux sauvages tout à la fois comme un dénonciateur et un redresseur de tort hautement jubilatoire. 

 

affiche

Résumé

Un portrait au vitriol bourré de cynisme et d'humour noir de tous les petits travers au quotidien de l'homme et de la société gangrenée au sein de laquelle il évolue.

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Lecteurs

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commentaires
Flo1
03/04/2024 à 14:17

Film à sketches produit par les frères Almodovar, renvoyant dos à dos les bourgeois et les classes moyennes, dans la lignée d’un Dino Risi car tous réalisés par le même auteur au sein du long-métrage. Donc lorsque l’un d’entre eux est plus faible, ça fait de toute façon partie d’une même unité, laquelle bénéficie ainsi de ponctuelles ruptures de ton.
Alors que, paradoxalement, l’enchaînement de ces histoires (toutes revanchardes mais sans le moindre lien narratif entre toutes) amène le film à peu à peu décélérer, à devenir plus sensible et moins grotesque au fur et à mesure qu’on se rapproche de la fin.
Pas étonnant quand le segment introductif est aussi monstrueux, thriller ironique en huis-clos aérien, apocalypse de rancœurs et culpabilités…
Comment rester au même niveau après une telle entame ? Impossible !
Alors la suite va faire les montagnes russes, alternant entre pure méchanceté et forme de résilience finale…

D’ailleurs on peut prendre chacun de ces 6 sketches (d’une facture formelle solide) par deux : les deux premiers montre l’un qui se venge avec méga fracas, l’autre qui résiste le plus possible.
Les deux suivants tournent autour de la voiture, avec l’un qui vire d’une pub auto à un épisode de Bip-Bip et Coyote (en plus resserré, mais bien plus trash), l’autre qui est plus un commentaire anti-système.
Les deux derniers se payent la fiole des parents richissimes croyant contrôler leur progéniture, l’un avec une dégueulasserie cupide (la violence des propos quant au coût de la vie humaine – la vraie violence physique y restant hors-champ), l’autre en montrant la revanche progressive des enfants, même si ça reste quand même une plongée vers la folie décadente.
Szifrón à tout de même une grande compassion pour les (jeunes) femmes, qu’il essaie d’épargner un peu plus.
Gros rire jaune…

Ded
30/08/2018 à 11:01

J'ai apprécié l'ensemble des réactions. Ceci dit, les commentaires sur l'affiche sont, pour moi, une manœuvre commerciale destinée à ratisser un plus large public. Si on rit, c'est d'un rire "jaune" et nerveux. Hilarant ?! Je définirais plutôt le métrage comme glaçant ;0)...

nico
30/08/2018 à 09:16

Vraiment un excellent film, qui pose les bonnes questions et qui nous confronte à toute l'absurdité et au cynisme du monde actuel. Mais hilarant? je ne trouve pas non. En tout cas ce n'est pas sous cet angle que j'ai apprécié cette oeuvre. Les commentaires sur l'affiche me laissent perplexe...

NeoGeo
29/08/2018 à 21:47

...hilarant ? Pour les sadiques ouais ...

Chrysler Orso
29/03/2018 à 00:44

Rebondissant, hilarant, très bien ficelé. On ne s'ennuie à aucun moment.... J'ai hâte de le revoir.

Dirty Harry
28/03/2018 à 21:53

Drôle, inventif, pointant tous les trucs m...rdeux de la société de notre époque (l'entourage qui te rabaisse depuis l'enfance, les usuriers et leur dette étouffante, la conduite automobile qui rend inutilement agressif, les taxeurs-bureaucrates à la contravention facile, les riches camouflant leurs illégalités criminelles pour garder leur confort, les avocats véreux, les époux qui se marient pour de mauvaises raisons comme le narcissisme ou la validation sociale..), ce film à sketch est un bijou d'humour, d'écriture de personnages et d'acteurs formidables (Ricardo Darin coeur avec les doigts). Une satire fine et pas gratuite pour un sou, les argentins montrent encore que ce sont eux les plus fous dans le cinema (avec les coréens).
Quelqu'un connait Gabriel Pasternak ?

Benzek
31/05/2015 à 11:16

Ça faisait longtemps que j'avais pas vu un bon film et pourtant j'en vois..
Celui-ci est bon, absurde, bien construit, intriguant.. Il repousse nos questionnements vers des considérations simples et conflictuelles.
Bravo

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