Critique : Timbuktu

BenBise | 8 décembre 2014
BenBise | 8 décembre 2014

Raconter une ville controlée par les forces djihadistes, en l’occurrence Tombouctou au Mali, sans tomber dans le sensationnalisme, était le pari d'Abderrahmane Sissako. Alors, comment transformer en fiction un sujet brûlant d'actualité?

 

Timbuktu est une oeuvre artistique à part entière, mais son inspiration provient de faits réels. La mission complexe de Sissako, réussir à traiter d'un sujet brûlant d'actualité avec suffisamment de recul pour ne pas tomber dans la manipulation, apparaît d'autant plus périlleuse. La force du film, et sa réussite tiennent pour beaucoup dans le choix d'alterner entre le récit principal, celui d'un éleveur de vaches arrêté par les djihadistes, des moments de vie de ces combattants et de leurs autres victimes. La dénonciation de cette forme de terreur passe ainsi par l'absurdité des revendications islamistes, et par la dimension totalitaire qu'elles revêtent au quotidien. Le drame devient alors social, et c'est là qu'il interpelle.

La confrontation entre les habitants de Tombouctou et ces occupants malvenus a pour conséquence une incompréhension totale entre les partis. La mise en scène est en osmose avec ce point de vue, et certaines séquences sont d'une force inouïe tant elles mettent en avant cette impossible cohabitation entre deux populations (qui ont souvent besoin d'un traducteur pour communiquer). La beauté des plans n'a alors d’égal que la dureté de leur message, lorsque privés de toute forme de divertissement, des adolescents organisent un match de air football, sans balle ni applaudissements, mimant une joie depuis longtemps asséchée.

Si le scénario peut sembler léger et le film quelque peu prévisible, notamment la trame principale, c'est que sa force tient dans ces séquences parallèles, où les djihadistes bafouent jusqu'à leur religion, prétexte de la barbarie qu'ils imposent. En revanche, on reprochera au réalisateur certains passages aux ficelles trop évidentes, notamment celle où une musique prohibée s'avère... une prière musulmane. On regrettera parfois l'épaisseur du trait, mais il demeure impossible de mettre en doute sa sincérité et la force qu'il dégage fréquemment.

Résumé

Malgré des facilités, Abderrahmane Sissako a réussi son pari, canaliser sa colère et son indignation palpables à la vue du film, pour dénoncer avec subtilité et intelligence une situation longtemps ignorée.

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commentaires
buen tino
27/12/2014 à 18:47

La critique serait-elle frappée de cécité pour ne pas voir la part de propagande que comporte ce film, montrer qu'il existe un visage aimable et tolérant de l'islam, assumé d'ailleurs conjointement par les autorités français et maliennes. Il suffit de lire le générique. La vision angélique des touaregs est simplement consternante. Les rapports ambigus des touaregs avec AQMI sont totalement édulcorés, les conflits interethniques, bien suggérés, mais sans aucun véritable affrontement. Bref, le film -bien tourné, au demeurant, et un peu trop esthétisant réunit toutes les conditions pour favoriser l'acculturation du public sur des questions qui admettent mal la simplification outrancière. J'attends de la critique un peu plus de professionnalisme et des jugements fondés sur la connaissance et non pas le blabla.

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