Astérix : oubliez les daubes, revoyez les films géniaux d'Alexandre Astier

Déborah Lechner | 12 février 2023 - MAJ : 17/03/2023 15:07
Déborah Lechner | 12 février 2023 - MAJ : 17/03/2023 15:07

Pour tenter d'oublier la catastrophe qu'est le dernier Astérix et Obélix : l'Empire du Milieu, on revient sur les deux derniers films d'animation réalisés par Alexandre Astier et Louis Clichy. 

Quand Astérix : Le Domaine des dieux est arrivé au cinéma en 2014, la licence était déjà rincée à l'écran après huit films d'animation plus ou moins réussis et quatre longs-métrages en prises de vues réelles, (plus ou) moins cultes. Après un alignement d'étoiles, le film réalisé par Alexandre Astier et Louis Clichy a finalement donné un nouveau souffle à la franchise avec un succès réitéré par leur seconde oeuvre, Astérix : Le Secret de la potion magique sorti en 2018.

Et à l'heure où Guillaume Canet a décidé d'enterrer le plus irréductible des Gaulois quelque part en Chine, revenir sur ces deux films d'animation particuliers est probablement ce qu'il y a de plus réconfortant à faire. 

 

 

LE RÉVEIL DU PHOENIX 

A priori, faire une énième adaptation d'Astérix au cinéma, en animation qui plus est, n'avait rien d'un pari très hasardeux. Depuis les années 60, les adaptations de bandes dessinées sont légion en France, qu'il s'agisse des huit adaptations en 2D d'Astérix ou d'autres héros de la BD franco-belge comme Tintin (Tintin et le temple du soleil), Lucky Luke (La Ballade des Dalton) ou même Bécassine et Loulotte (Bécassine et le Trésor viking). 

Le projet n'était donc pas un OVNI dans le paysage français, mais s'avérait quand même risqué à cause de la baisse de régime de la licence qui a commencé avec le film d'animation Astérix et les Vikings, accueilli tièdement par la presse et le public, suivi du massacre critique et commercial d'Astérix aux Jeux Oympiques.

 

Astérix et les Vikings : photoAstérix et les Vikings

 

Le film suivant en prises de vues réelles, Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté, a un peu réanimé la franchise avec une critique moins assassine et plus de 3,8 millions d'entrées, même si ces scores sont incomparables aux 14,5 millions d'entrées d'Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre en 2002. 

Mais au-delà de se réconcilier avec une partie du public et de l'ameuter en salles, Astérix : Le Domaine des dieux avait un autre défi, celui d'imposer l'animation 3D en France après quelques tentatives peu ou pas fructueuses : Kaena, la prophétie, Un monstre à Paris ou The Prodigies (qui n'avaient pas l'avantage de se reposer sur une oeuvre déjà culte). Pour y parvenir, Alexandre Astier et Louis Clichy ont donc fait appel au studio français Mikros Animation (qui s'est occupé la même année du film Mune : Le Gardien de la Lune). Le projet a également bénéficié d'un budget de 31 millions d'euros, une somme record pour un film d'animation français, même si elle reste bien inférieure aux superproductions américaines, les géants Disney, Pixar et Dreamworks en tête. 

 

Astérix - Le domaine des Dieux : photo"Mais Rome ne s'est pas faite en un jour"

 

Les dignes héritiers 

Après que la franchise soit passée entre les mains de Claude Zidi, Alain Chabat et Laurent Tirard, la saga a trouvé ses dignes héritiers : Alexandre Astier et Louis Clichy, qui se sont presque naturellement imposés comme des successeurs logiques. De son côté, le génial Alexandre Astier avait déjà mis un pied dans la saga, mais plus pour marcher dans une merde de chien vu qu'il a campé le petit rôle de Mordicus dans Les Jeux Olypiques.

L'artiste touche-à-tout a surtout été biberonné à la bande dessinée, un art qui le fascine et dont il comprend parfaitement la mécanique et les rouages, ne serait-ce qu'avec les albums dérivés de sa série Kaamelott. Il voue également un grand hommage aux créateurs, Albert Uderzo et René Goscinny.

 

Kaamelott - Premier Volet : Photo Alexandre AstierLe retour du roi

 

Dernier point crucial : Astier porte beaucoup d'intérêt à l'animation, quand bien même Le Domaine des dieux était son premier projet d'animation. Il s'est ainsi chargé de l'écriture et de la direction d'acteurs pour le doublage, en qualité de co-réalisateur et co-scénariste. 

Louis Clichy, lui, s'est distingué par son expertise dans l'animation numérique qu'il a acquise outre-Atlantique du côté des plus grands. Sorti des Gobelins, il fait partie du vivier de talents français, mais a forgé ses armes dans une tout autre école, celle de Disney et Pixar. Il a en effet travaillé trois ans pour le studio à la lampe et s'est retrouvé animateur sur des projets d'envergure : RatatouilleWall-E ou Là-Haut.

Il a également été animateur sur le court-métrage en 2D Jour et Nuit (qu'on classe parmi les plus beaux courts-métrages de Pixar) en plus de faire les storyboards d'une quarantaine d'épisodes de Corneille et Bernie, la série française devenue culte. 

 

Astérix - Le domaine des Dieux : photo"Notre Pixar français", pour citer Alexandre Astier

 

gaulois d'hier et d'aujourd'hui

Si l'animation en 3D du Domaine des dieux trahit quelques lacunes et limites techniques par endroits, ce ravalement de façade qui a nécessité quatre ans de travail reste une très belle réussite, doublée d'une petite fierté nationale. En plus d'une maîtrise plus aboutie, la 3D offre un réalisme et des textures nouvelles qui n'empiètent jamais sur la charte graphique scrupuleusement identique aux dessins originaux. De plus, l'écriture d'Alexandre s'avère tout simplement irrésistible.

À l'instar de feu René Goscinny qui en a fait une des spécificités de la série littéraire, Alexandre Astier aime jouer avec la langue et en a lui aussi fait une profession. Comme il l'a brillamment montré dans ses spectacles ou Kaamelott (dont le nombre de citations cultes explosant tous les compteurs), il a l'amour du calembour, du jeu de mots bien tourné, du double-sens cocasse et de la formule qui claque, celles qu'on se surprend à reprendre à peine débitées. En guise de best of : "Pour les antiquités, les Romains c'est l'avenir", "T'as qu'à dire qu'il était à Vercingétorix ton poisson, vu l'odeur ça choquera pas", "Soit... Veni, vidi... et pas vici. On peut pas vici chaque fois non plus".

 

Astérix - Le domaine des Dieux : photoLe domaine des dieux

 

Si le phrasé du Domaine des dieux est implacable, c'est parce qu'Alexandre Astier s'est appliqué à mettre en valeur et à articuler le film autour de ces répliques. Les voix des acteurs et actrices ont ainsi été enregistrées avant de faire les dessins et l'animation, de sorte que ce soient les personnages, leur gestuelle et leur expressivité qui s'adaptent au texte et à la diction du casting vocal, et non l'inverse, offrant ainsi plus d'authenticité aux personnages et leurs interactions. 

En plus de réussir à adapter l'album original en restituant l'esprit de Goscinny, l'univers visuel d'Uderzo, non sans quelques libertés avisées pour s'approprier l'oeuvre, les deux réalisateurs ont ensuite placé la barre plus haut et changé de perspective. La condition d'Alexandre Astier pour rempiler était de pouvoir écrire une histoire originale, ce qui n'avait pas été fait depuis l'excellent Les Douze Travaux d'Astérix. Cela représentait un challenge supplémentaire pour une franchise cinématographique qui a un peu trop pris l'habitude de se reposer sur ses lauriers. 

Si Le Domaine des dieux se distingue des autres aventures des Gaulois sur grand écran en n'étant pas une épopée, mais une histoire en vase clos, Le Secret de la Potion magique repousse à l'inverse les frontières de l'Armorique en s'intéressant à un angle mort de la mythologie : la fameuse potion magique et le secret bien gardé qui l'entoure. Dans ce second film en 3D (pour lequel Mikros Animation a eu le temps d'affiner les graphismes et l'animation), Panoramix prend conscience qu'il n'est plus tout jeune et que le village serait en danger s'il lui arrivait un malheur. C'est pourquoi il part en quête d'un druide capable de prendre sa relève.

 

Astérix : Le secret de la potion magique : photoLe secret de la potion magique

 

Les projecteurs sont donc braqués sur lui et la jeune Pectine, laissant Astérix et Obélix en retrait, comme on le voit sur l'affiche où le vieux druide occupe le plus de place. Ce parti-pris qui peut être assez déstabilisant a cependant le mérite de changer de point de vue, et d'offrir de nouvelles pistes narratives plus tournées vers l'avenir. Une façon aussi de se recentrer sur le coeur de la mythologie en revenant à la racine après avoir mis à l'honneur l'identité gauloise à travers une histoire plus grinçante sur les principes de mondialisation et de capitaliste au détour du développement économique du village. 

Pour autant, Alexandre Astier n'a pas livré au public une oeuvre désincarnée, de laquelle il serait resté en retrait. Se désignant lui-même comme un geek, l'artiste et auteur a livré deux autres oeuvres ultra-référencées qui multiplient les clins d'oeil plus ou moins appuyés à la culture populaire, du générique de RTL à Jurassic Park en passant par Le Seigneur des Anneaux, King Kong, Power Rangers ou même Kaamelott.

 

Astérix : Le secret de la potion magique : photoLa pop culture française en deux films 

 

L'esprit de troupe et de bande de potes qui animait Mission : Cléopâtre a perduré avec celle d'Astier, en particulier dans Le Secret de la Potion magique qui convoque les voix bien identifiées de Lionnel Astier, Joëlle Sevilla, Franck Pitiot alias Léodagan, Dame Séli et Perceval (en plus de Guillaume Briat qui double à nouveau Obélix, mais pas en burgonde).

Astérix : Le Domaine des dieux et Astérix : Le Secret de la potion magique sont donc deux beaux objets cinématographiques qui avancent aussi bien en territoire conquis que vers de nouveaux horizons. Les deux tirent intelligemment parti des possibilités de l'animation en relief, notamment l'utilisation accrue de l'espace et de la profondeur qui permet des scènes plus cartoonesques et euphoriques, d'une mêlée générale des plus classiques à des combats de style Mecha beaucoup plus inattendus. 

 

Astérix : Le Secret de la potion magique : photoUn Astérix plus grand et plus fou

 

RICHE, mais pas ENCORE COMME CRéSUS 

À la fin de son exploitation en salles, Le Domaine des dieux a réuni près de 3 millions de spectateurs, donc bien plus que les 1,3 million du précédent Astérix et les Vikings en 2006. S'il n'a pas surpassé le bulldozer Dragons 2 de Dreamworks et l'inattendu Rio 2 de Blue Sky, il a battu Disney sur son propre terrain, Les Nouveaux Héros n'ayant fait que 1,7 million d'entrées, mais aussi La Grande Aventure Lego qui a terminé sa course avec 1,5 million de spectateurs en France.

 

Astérix : Le secret de la potion magique : photoQuand le plan de reconquête fonctionne

 

Le Secret de la Potion magique, s'il n'a pas autant emballé la critique, a ameuté encore plus de monde en salles en 2018 avec presque 4 millions d'entrées, soit le meilleur score pour un film animé de la licence. Il avait réussi l'exploit de passer devant Ralph 2.0 (2,3 millions d'entrées) et Hotel Transylvanie 3 (3 millions d'entrées) et de se rapprocher des 5,8 millions de spectateurs des Indestructibles 2, le battre étant impossible, l'égaler inespéré. 

Le 9 février 2023, il a été annoncé qu'en plus de la série animée supervisée par Alain Chabat, un nouveau long-métrage animé allait entrer prochainement en développement et les ambitions n'ont a priori pas été revues à la baisse étant donné le budget de 30 millions d'euros alloué. En revanche, ce nouveau projet devrait marquer le début d'une nouvelle ère pour la franchise puisqu'Alexandre Astier et Louis Clichy ne seront pas impliqués dans la production ou la réalisation. 

 

Astérix : Le secret de la potion magique : photoIl était temps de s'y remettre

 

A la place, le Studio M6 a fait appel à deux autres profils peut-être moins évidents, mais toujours intéressants. La réalisation a ainsi été confiée à Alexandre Heboyan, qui a également été animateur aux États-Unis, mais cette fois pour Dreamworks (Kung Fu PandaMonstres contre Aliens), mais a aussi travaillé avec le français Michel Ocelot sur le magnifique Azur et Asmar.

Le scénario sera quant à lui signé Alexandre de La Patelliere et Matthieu Delporte, le duo derrière l'adaptation cinématographique du Prénom, mais aussi du scénario original du film d'animation Renaissance, un film de 2006 très ambitieux qui a été tourné en motion capture. On ne sait rien de plus pour l'instant sur ce nouveau long-métrage, en espérant que la poisse des films en prises de vues réelles n'empiète pas sur la branche animée qui est toujours de loin ce qui se fait de mieux avec Astérix sur grand écran.

Tout savoir sur Astérix : Le Secret de la potion magique

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commentaires
Marty
19/02/2023 à 10:31

Je trouve le dernier Astérix très bien et il remplit le contrat. Canet incarne un Astérix plus réaliste que le grotesque Cornillac beaucoup trop caricatural. Et puis il faut savoir vivre avec son temps.

Bruno Daeken
14/02/2023 à 10:04

Quel Navet le dernier Astérix, avec Guillaume Canet et Lellouche, on dirait des Bobos Parisiens Gauloisisés , avec un scénario abject...Il ne manque plus que l'évocation du télé-travail....

Lougnar
13/02/2023 à 15:02

Qu'est ce qu'ils sont moches ces deux films d'animations ! On dirait que les personnages sont des ballons de baudruches !
Rien qu'à voir la photo d'Asterix et Obélix chez les vikings ça explose tout. Revenez au dessins !

Taovos
13/02/2023 à 11:56

Astérix : Le Secret de la potion magique a été une belle déception, Astier s'est bien trop lâché sur son humour et a fait la même grosse erreur que chabat avec son film, il a dénaturé l'esprit de l'œuvre qu'il adaptait avec bien trop de folie. De sorte que c'est le seul film d'animation d'Astérix et Obélix que je ne désire pas revoir, trop ridicule.

Geoffrey Crété - Rédaction
13/02/2023 à 10:59

@Hectopussy

On en parle dans la vidéo oui, parce que ça a été annoncé pile poil quand on a écrit et tourné tout ça !

Hectopussy
13/02/2023 à 10:58

<< Mais depuis, aucun nouveau projet d'animation n'a germé >> : euh... et le projet de série sur Netflix par Alain Chabat ?

Ethan
12/02/2023 à 19:04

Regarder le nez d'Astérix il y a rien qui vous choque ?
Les dessins ne sont vraiment pas représentatifs

nbvnnvb
12/02/2023 à 18:26

Bof son pas si ouf!

La Classe Américaine
12/02/2023 à 18:21

Totalement d'accord avec certains commentaires regrettant que ces deux films soient ceux d'Alexandre Astier alors que Louis Clichy y assure une plus grande partie de la réalisation. Il a juste été animateur FX sur Wall-E et La-Haut.... Donc Pixar, c'est plutôt de son coté que cela penche. On n'enlèvera pas a Astier les dialogues et des situations cocasses mais c'est clairement Louis Clichy qui a un talent et un oeil qui donnent toute la magie a ces deux films.

Karev
12/02/2023 à 17:34

"les films géniaux d'Alexandre Astier"...ET Louis Clichy...

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