Sleepers : Brad Pitt et Robert De Niro vs. la masculinité toxique

Axelle Vacher | 11 juillet 2023 - MAJ : 11/07/2023 22:36
Axelle Vacher | 11 juillet 2023 - MAJ : 11/07/2023 22:36

En 1996, Barry Levinson adapte  le roman "autobiographique" de Lorenzo Cacaterra, Sleepers, et propose l'un des rares rape and revenge aux victimes masculines.

"Voici l'histoire vraie d'une amitié indestructible", annonce la voix off de Jason Patric. Et effectivement, le film de Barry Levinson ne tarde pas à illustrer cette affirmation en axant son objectif sur quatre préadolescents, occupés à danser et tournoyer au ralenti. Il suffit toutefois de quelques secondes pour que le ton change brusquement : "Mon histoire, et celle de mes seuls véritables amis. Deux d'entre eux ont été des tueurs, assassinés avant leurs trentièmes anniversaires. Le troisième, un ex-avocat, est vivant, hanté par un passé qu'il n'ose ni oublier ni affronter. Je parle en leur nom. Au nom des enfants que nous étions".

Et c'est avec une certaine violence que cette image d'allégresse, condamnée par avance par une narration sinistre, accuse une coupe au noir impitoyable. Mais que le spectateur retienne son souffle, car ne se sont là que les prémisses d'une tragédie aussi brutale qu'intime ; d'un rare rape and revenge dont les victimes sont de genre masculin ; d'une dénonciation des dangers et conséquences de toute notion de masculinité toxique au sein d'une société dominée par des idéaux patriarcaux injustement glorifiés.

 

Sleepers : photo, Joe Perrino, Brad Renfro, Jonathan TuckerTrente minutes avant le désastre

 

« Tu dors toujours avec la lumière allumée ? »

Avec Sleepers, Lorenzo Cacaterra propose un ouvrage mi-autobiographique, mi-fictionnel au travers duquel il dépeint les abus subis lors de son incarcération dans un centre de détention pour mineurs. Si l'auteur et journaliste prétend que les multiples sévices décris dans son récit sont ceux vécus sous le joug des surveillants pénitentiaires, pléthore de discours différents vont à l'encontre les faits décrits dans le livre.

En effet, selon des documents de l'école catholique The Sacred Heart of Jesus Church and School, où Cacaterra a suivi une partie de son éducation, les dates de scolarisation de l'auteur ne correspondent pas à la période où il prétend avoir été incarcéré. De surcroit, la communauté légale de New York a publiquement déclaré qu'aucune affaire faisant écho aux susmentionnés évènements n'a été retrouvée dans les archives de la ville, ce qu'a par la suite confirmé le reporter du New York Times David Stout, après avoir longuement enquêté sur la controverse.

 

Sleepers : photo"Les portes du pénitencier, bientôt vont se refermer"

 

Bien entendu, Cacaterra a cherché à se défendre de ces allégations, arguant que les noms, les lieux et les dates avaient été modifiés en vue de se préserver de toute éventuelle complication légale. L'ouvrage ne serait-il finalement qu'un vaste tissu de mensonges ? Là n'est pas la question. Pas réellement. Dans la foulée de la parution du livre, Barry Levinson (lequel a notamment remporté l'Oscar du meilleur réalisateur en 1989 pour Rain Man) a décidé de porter le récit de Cacaterra à l'écran malgré la polémique.

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commentaires
Axelle Vacher - Rédaction
14/07/2023 à 00:40

@RobinDesBois : "Je ne vous ai pas accusé de hair les hommes..." je répondais au commentaire d'une autre personne, à laquelle je m'adressais juste après avoir adressé vos propos. C'était, ce me semble, relativement explicite dans ma réponse groupée.
Pour tout le reste, je vous laisse vous référer à ce qu'à dit mon rédacteur en chef, bien plus éloquent que moi sur le sujet.
Au demeurant, libre à vous de penser ce que vous pensez, à moi d'écrire ce que j'écris, et aux autres membres de la rédaction de faire de même. Aux dernières nouvelles, les divergences de points de vue n'ont jamais été proscrites ici, et le débat est ouvert. Si tant est qu'il soit respectueux, évidemment.

Castor
13/07/2023 à 21:24

" Mais comme je le disais aussi : on a toujours fait ça, on continuera à le faire, et être en désaccord ne signifie pas que quelqu'un a tort ou pense mal. Pas à nos yeux en tout cas."

- C'est pour cette raison que vous supprimez certains commentaires qui ne vont pas dans votre sens, même quand ces derniers n'ont rien d'insultant ?

Geoffrey Crété - Rédaction
13/07/2023 à 19:14

@RobinDesBois

Libre à vous de percevoir EL comme ceci ou cela (tout le monde le fait et bien souvent c'est contradictoire, et donc très amusant pour nous au quotidien), ou de déterminer ce qui serait compatible ou non avec ce que nous sommes/étions/serons (on a toujours défendu un EL de désaccords et débats, que ce soit au sein d'une équipe ou au fil des changements d'équipe, en tout cas depuis le rachat et mon arrivée).
Libre à vous aussi de considérer que telle notion ou analyse est un effet de mode, un écran de fumée, une impasse (tous les "camps" se jettent ces mêmes explications et arguments d'autorité en pensant être du bon côté). D'ailleurs, l'analyse de film a toujours été pointée du doigt comme étant trop intello, trop politique, trop surexplicative, trop subjective, trop pointilleuse, trop exagérée, etc. Selon les époques, les mots des attaques sont différents, mais ça a toujours été ainsi.
Comme je le disais : on est dans le domaine des points de vue, des débats, et tant mieux. Mais comme je le disais aussi : on a toujours fait ça, on continuera à le faire, et être en désaccord ne signifie pas que quelqu'un a tort ou pense mal. Pas à nos yeux en tout cas.

RobinDesBois
13/07/2023 à 18:36

@Amebix tu parles désormais de concept je te parlais de mode ça n'est pas la même chose. Peu importe que ça soit "vérifiable" ou non je vois pas trop le rapport. Je parle de sa sur-exploitation pour TOUT expliquer. C'est presque devenu des termes magiques utilisés à toute le sauces.

@Geoffrey Crété et une partie de la rédaction avait une orientation plutôt à gauche. Ce qui n'est évidemment pas problématique. C'est pareil pour les Cahiers et pas mal d'autre mag consacrés au ciné. Ca a toujours été le cas. En revanche les concepts w.auk.e et cie associés à la "nouvelle gauche" (pour moi ça n'a plus rien à voir, il y a une rupture et beaucoup de contradictions avec des tentatives de raccommodage maladroites) ne sont pas nécessairement compatibles avec vos anciennes lignes sur de nombreux sujets et analyses. Je dis "vos" car je ne parle pas que d'EL. Après peu importe mais en ce qui me concerne c'est une mode, c'est éphémère et je suis persuadé que dans moins de 10 ans beaucoup de "concepts", de mots-valises (souvent des anglicismes avec le suffixe "ing") qui fleurissent depuis 5 ans dans vos articles et de nombreux médias pop culture auront disparu de vos analyses. Et je ne parle pas que de vocabulaire.

Geoffrey Crété - Rédaction
13/07/2023 à 10:06

On va faire simple : tout article publié sur Ecran Large relève d'un point de vue, d'un angle d'analyse, présenté et assumé comme tel. Et comme tout point de vue, c'est sujet à débat. C'est le cas sur nos critiques, sur nos news, dans nos vidéos, et dans ces dossiers abonnés. Partout, tout le temps. On nous reproche à peu près tous nos points de vue, que ce soit le simple "vous être trop gentil/méchant", ou lorsqu'on va sur un axe plus précis comme ici.

Fort heureusement, personne n'a à être d'accord avec nous, et on n'est pas là pour dire quoi et comment penser. En revanche, on défendra toujours la liberté et la valeur de défendre des points de vue, sans jamais essayer de déterminer ce qui serait bien ou pas bien, vrai ou pas vrai, acceptable ou pas.

"D'ailleurs si tu consultes les articles du site EL pré 2017-2018 je doute que tu trouves beaucoup de textes avec ce genre d'approche et d'analyse".
Et à l'époque, personne ne nous disait qu'on était "wokistes" (alors que maintenant on y a droit au moins 15 fois par jour). On était simplement des cons, des gauchistes, des gauchiasses, ou autre. Comme quoi, tout évolue : le vocabulaire, les concepts, les modes... Mais Ecran Large est considéré par beaucoup de gens comme un site "gauchiste" "wokiste" "progressiste" ou autre depuis bien des années (globalement depuis que cette équipe est là, vers 2014, même si à l'époque il y a avait moins de gens donc moins d'articles donc moins d'expression de cette pensée).

Amebix_Winter
13/07/2023 à 09:07

@RobinDesBois

Il est logique de ne pas tomber sur des occurrences antérieures de la "masculinité toxique", alors que le concept agissait avant sa matérialisation dans la langue ; il permet néanmoins dans le visibiliser pleinement en le désignant correctement.

Sans revenir sur un demi-siecle d'écrits socio-anthropologiques, les effets de la "masculinité toxique" sont pleine vérifiables ; et n'ont pas eu le besoin d'attendre d'être désigné pour être mis en application. Il n'est finalement "à la mode" que pour celles et ceux qui sont en opposition devant le phénomène en question.

Quant aux remarques sur les intentions de l'auteur du film, alors déjà pour définir qui peut ou peuvent être désignés comme étant les auteurs et autrices d'une création cinématographique, ça se pose là comme avis. Quant à l'appareil analytique d'une œuvre vis à vis de l'intention prétendue de l'auteur ou l'autrice, je renvoie aux textes de Barthes sur la question qui nous permet de bien plus élargir le champ d'analyse de cette simple donnée.

RobinDesBois
13/07/2023 à 02:28

@Axelle

Je ne vous ai pas accusé de hair les hommes... Je parle simplement de votre propension (pas vous personnellement d'ailleurs, on voit fleurir ça sur de nombreux sites dédiés à la pop culture depuis quelques années mais aussi malheureusement beaucoup sur EL) à tout réduire à ce genre de concept fourre tout et absurde qu'est la "masculinité toxique". C'est employé à toutes les sauces pour tout expliquer désormais.

Désolé de ne pas avoir la même analyse que vous que je trouve au mieux réductrice et facile au pire complètement à l'ouest.

"dénoncer la toxicité qu'engendre la répression masculine en vue de correspondre à des idéaux ultra virils fantasmés par des petits génies adeptes de mantras tels que "un vrai bonhomme, ça pleure pas".

Désolé de ne pas y voir un lien évident avec la pédophilie et l'ultra sadisme...

RobinDesBois
13/07/2023 à 02:21

@Amebix_Winter
"mode:

Littéraire. Manière de vivre, de se comporter, propre à une époque, à un pays : Se conformer à la mode de chez nous.

Manière passagère de se conduire, de penser, considérée comme de bon ton dans un milieu, à un moment donné : La mode des vacances à la ferme. La mode des cheveux courts." Larousse

Ca a pu être évoqué par de Beauvoir il y a 70 ans ou il y a 700 ans peu importe je vois pas le rapport avec la mode. Tu vois bien qu'on utilisait pas ce "concept" (qui ne veut plus rien dire à mon sens) il y a 10 ans pour tout expliquer. Je ne me rappelle pas avoir vu les termes masculinités toxiques utilisés dans de nombreux articles/critiques ciné des différents magazines que je lisais dans les années 2000 et début des années 2010. D'ailleurs si tu consultes les articles du site EL pré 2017-2018 je doute que tu trouves beaucoup de textes avec ce genre d'approche et d'analyse.

Jacky Sunday
13/07/2023 à 01:26

N'importe quoi. J'ai vu ce film a sa sortie et j'ai du le revoir bien 4 ou 5 fois. C'est pour moi un excellent film. Dur, brut et marquant. Mais désolé pour vous ce film traité de certains sujets mais en aucun cas de masculinité toxique. Merci de ne plus pondre d'article Mme S. Rousseau.

andarioch1
12/07/2023 à 12:32

@Amebix_Winter

Ce n'est tout simplement pas le thème du film.
On peut bien sûr parler de virilité toxique au cinéma dès qu'un personnage masculin sort du droit chemin. Tout méchant serait de fait concerné. Et pourquoi pas?
Le problème est que si on accole cette expression à tout comportement négatif d'un homme ça revient à limiter le (mauvais) comportement des hommes à ça, en niant les autres paramètres, et à simplifier à l’extrême des choses complexes.
De plus l'intention d'un film est importante.
Bombshell traite bien sûr d'abus de pouvoir mais avant tout de masculinité toxique. Sleepers c'est l'inverse

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