Metroid : Dread - test du jeu qui ne craint rien ni personne

JL Techer | 22 octobre 2021
JL Techer | 22 octobre 2021

La réputation de Samus Aran n'est plus à faire. La protagoniste principale de la saga Metroid est l'une des héroïnes les plus badass de la sphère du jeu vidéo. Fille spirituelle d'Ellen Ripley d'Alien, elle poursuit et traque les menaces extraterrestres depuis 35 ans. Ayant débuté son règne en 2D, elle avait quitté sa formule historique pour céder aux sirènes de la 3D en 2002 pour Metroid Prime, avec une indéniable réussite. La même année, elle livrait son dernier combat original en 2D dans Metroid : Fusion. Quelques années plus tard, une suite à Fusion était annoncée, s'intitulant Dread. Après de multiples annulations et reboots du projet, Metroid : Dread voit enfin le jour en 2021. Ces deux décennies d'attente en valaient-elles la peine ? 

Judge : Dread

Pour quiconque a déjà mis les mains sur un jeu Metroid, la licence est synonyme de solitude et d'errance. La science Metroid est la science de l'angoisse. Samus Aran, l'iconique héroïne de la saga est seule, livrée à elle-même, perdue sur des planètes immenses, où derrière chaque porte la mort peut attendre. Elle est l'incarnation vidéoludique du tableau l'Île aux Morts d'Arnold Böcklin. 

Pourtant, armée (au départ) de son seul courage et de son canon de bras, elle avance sans cesse, affrontant des ennemis toujours plus redoutables, risquant sa vie à chaque instant. Paradoxalement, alors que l'angoisse paralyse, que la peur empêche d'avancer, elle devient le moteur de Metroid. C'est parce que l'environnement est hostile que le joueur qui incarne Samus avance, guidé par l'envie de découvrir les sombres secrets de ces planètes inhospitalières, poussé par l'irrépressible désir de pouvoir enfin quitter ces lieux. Le jeu se transforme en une longue fuite en avant, où une tension de tous les instants rive la manette dans les mains du joueur.

 

photoTout commence par une rencontre au sommet

La peur de mourir, la crainte de rester perdu(e) à tout jamais sur Tallon IV, sur Zèbes ou sur SR-388, ont conduit des générations entières de joueurs à faire face à leur peur et à progresser quoiqu'il arrive. Explorer chaque lieu, aller et venir sur des cartes gigantesques, puis se perdre totalement, ou trouver enfin l'ultime voie vers la liberté, au prix de longues heures de recherches et de multiples morts, tel est le credo de ceux qui osent endosser l'armure de Samus Aran. 

En choisissant "Dread" (peur, terreur) pour titre de cette nouvelle entrée dans la saga Metroid, Nintendo et le studio de développement MercurySteam déclarent clairement leurs intentions : revenir à l'essence de la franchise et donner aux joueurs une expérience fidèle à celle que les fans de la première heure peuvent attendre. Cependant, son arrivée sur Switch, et plus particulièrement en bundle avec la nouvelle Switch OLED, transmet également un autre message : "vous qui n'avez pas encore connu Samus, venez à nous". 

Mais comment concilier un héritage vieux de 35 ans, les exigences des joueurs de la première heure, et les besoins d'un nouveau public ? Comment concevoir un territoire à la fois hostile et hospitalier ? Tel est le fardeau de Metroid : Dread.

 

photoUne métaphore du Covid ?

Qu'est-ce qu'on Samus

Le poids de l'héritage de Samus est présent dès les premiers instants dans Dread. Le titre fait fi de 20 ans d'absence, pour s'inscrire dans la droite ligne du Metroid Fusion datant de 2002. Comme si Samus n'avait jamais vécu d'autres aventures ni connu d'autres horizons (horizons 3D en particuliers), le scénario ramène à la vie la menace des Parasites X. Après avoir nettoyé la planète SR-388 de ces parasites polymorphes, la chasseuse de primes pensait en avoir fini pour de bon.

Malheureusement, la Fédération Galactique reçoit une transmission vidéo d’une source inconnue provenant de la planète ZDR, indiquant que les Parasites X sont toujours en vie. Une unité spéciale de sept robots E.M.M.I est envoyée sur ZDR. Ces machines intelligentes sont conçues pour capturer les parasites. Leur blindage est conçu à partir du matériau le plus résistant connu. À côté de ces machines, Samus fait pâle figure. Pourtant, bientôt les unités E.M.M.I. ne répondent plus. Samus, seule personne à être immunisée contre les Parasites X, doit se rendre sur ZDR pour enquêter.

photoPetit clin d'oeil à Prime

 

Évidemment, tout tourne mal. Samus se retrouve dépouillée de toutes ses compétences et de son armement. Perdue au coeur de ZDR, elle doit élucider le mystère de la présence des X, et surtout sauver sa peau en retournant au plus vite à son vaisseau, car désormais les E.M.M.I en ont après elle. Et ces machins robotiques sont inarrêtables. 

Histoires de Chozos, Metroids et de Parasites X, Dread ne prend pas de risque au niveau narratif. Les connaisseurs de la saga ne seront pas dépaysés, et les nouveaux venus sauront y trouver rapidement leurs marques. Le titre ne prend pas plus de risque concernant sa direction artistique, avec cette palette de couleurs héritée de Metroid Fusion, délaissant ainsi les espaces vides et sombres des épisodes NES et Super NES. Certes, un lifting HD et quelques injections de botox 3D sont passés par là, le jeu est assez agréable à l'oeil pour une production Switch, mais jamais le titre ne s'éloigne de la charte graphique historique de l'ère post-Super Metroid

 

photoLe Siri local

 

Ainsi, les premières heures de jeu sont marquées du sceau de l'Histoire de la saga. Metroid : Dread récite ses gammes, de la plus belle des manières, à grand renfort d'une esthétique léchée, mais ne s'en éloigne pratiquement jamais. En résulte le double effet suivant : les connaisseurs se sentiront comme sur des rails, souriront en recroisant des têtes bien connues (le Pirate de l'Espace Kraid est de retour), et les néophytes seront par moment perdus (il s'agit du deal tacite fait avec Metroid), et peut-être pas assez accompagnés.  

Malgré cela, la mayonnaise Metroid finit par prendre. Grâce à un rythme soutenu, à un level design intelligent, et à un savant dosage entre backtracking et découverte de nouveaux environnements, Dread s'impose imperceptiblement au joueur comme une évidence. Le jeu est d'une solidité à toute épreuve. Son gameplay est plus fluide et moderne que jamais pour la série. L'acquisition de nouvelles compétences (grappin, dash, légendaire morph-ball) est savamment distillée, enrichit progressivement le panel d'actions possibles et accroit dans le même temps le plaisir de jeu, et la sensation de puissance du personnage.

À l'image de son héroïne, Metroid : Dread prouve sa valeur sur la longueur. Au début démunie, Samus regagne ses galons et ses aptitudes à mesure des heures passées en sa compagnie. Le titre suit la même voie : âpre sur ses premières heures, il révèle des trésors de gameplay et d'inventivité à qui saura se montrer suffisamment pugnace pour suivre la route que le studio MercurySteam offre au joueur. 

photoUne vieille connaissance

 

Le dernier Metro(id) 

Toutefois, bien que Dread ait énormément de choses à offrir à qui tentera l'expérience, il faut tout de même concéder, presque à contrecoeur, que le titre rate un objectif de taille. Il avait promis la peur, mais à aucun moment elle ne s'insinue dans les esprits de ceux qui ont pris le contrôle de Samus. Ajoutons à cela que le sentiment de solitude, si emblématique et indissociable de la saga n'est ici qu'effleuré. Sans doute est-ce dû à l'omniprésence des ennemis, qui ne sont jamais vraiment effrayants (même les E.M.M.I ne sont des menaces qu'au début de l'aventure), et au fait que l'on ne soit jamais perdu bien longtemps. 

Cela ne nuit en rien au plaisir de jeu, mais vient pourtant ternir ce qu'on attend d'un jeu de la licence Metroid. En voulant synthétiser 35 ans d'expérience vidéoludiques (Metroid premier du nom est sorti en 1986 sur NES), en multipliant les références et les clins d'oeil tant aux épisodes 2D que 3D (les passages cinématiques avec une vue à la première personne), MercurySteam à, comme qui dirait, diluer la formule qui a pourtant donné naissance à un genre à part entière, le Metroidvania, et ce en s'adjoignant les services d'un autre titre culte : Castlevania

photoShoryuken !

 

Le statut de maitre étalon est sans doute devenu trop lourd à porter pour Metroid. Les attentes envers ce Dread étaient si élevées, chaque fan attendant un chef-d'oeuvre absolu, qu'elles ne pouvaient qu'être (légèrement, précisons-le) déçues. Il est possible que son aura ait joué en sa défaveur, mais aussi que la concurrence de ses héritiers soit devenue un mur presque infranchissable.

Si Metroid reste une référence absolue, la scène indépendante a accouché de titres tels que Hollow Knight, Blasphemous, ou Dead Cells, qui ont hérité du style et de la recette Metroidvania, tout en la sublimant. Ceux-ci se sont élevés si haut qu'ils ont tutoyé le maitre en la matière, certains diront même qu'ils ont pu le dépasser par certains aspects (la direction artistique belle à pleurer d'Hollow Knight, l'aspect Rogue-like injecté dans Dead Cells...). 

photoConsultation dentaire gratuite

Néanmoins, malgré la concurrence des petits jeunes, ou le fait que la formule 2D n'ait pas énormément évolué depuis Metroid Fusion, la saga de Nintendo reste intouchable. Elle est au jeu d'exploration mâtiné d'action/plateforme ce que 2001 : l'odyssée de l'espace est au film de science-fiction. Avec Metroid : Dread, en visant les étoiles, et l'impossible tâche de condenser un tiers de siècle d'histoire en un seul jeu, Samus ne s'est pas perdue dans le vide galactique, mais est parvenue à fournir un excellent titre. Metroid : Dread est-il le meilleur Metroid ? Non, absolument pas. Mais il est assurément un très grand jeu.

Selon les déclarations de Nintendo et de MercurySteam, l'affaire Metroid est désormais close. Dread était le chant du cygne de la saga impliquant les Metroids, Chozos et autres Parasites X. Mais cela ne signifie aucunement la fin pour l'héroïne casquée. Son périple 3D n'est pas terminé, car Metroid Prime 4 est bel et bien toujours prévu, bien que les calendes grecques semblent encore trop proches pour estimer une date de sortie éventuelle. Samus a encore tout un univers à explorer, et tant d'angoisses à nous faire vivre, de solitude à nous faire ressentir, qu'elle ne saurait rester bien longtemps en repos. Dans l'espace personne ne l'entendra crier, mais nous aurons bien du plaisir à nous y perdre avec elle. 

Metroid Dread est disponible sur Nintendo Switch depuis le 8 octobre 2021

 

photo

Résumé

Metroid Dread réussit presque tout ce qu'il entreprend avec une aisance insolente, mais ne se livrera qu'à ceux qui persévèreront. Véritable synthèse de presque 35 ans d'histoire, le jeu est d'une intelligence rare, et s'appuie sur une formule depuis longtemps éprouvée pour offrir une expérience de jeu extrêmement riche. Une conclusion royale pour la saga 2D de Samus et assurément un incontournable pour tous les possesseurs de Nintendo Switch, malgré ses menus défauts.

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commentaires
Cokola
24/10/2021 à 13:25

Et bien je dois faire parti des rare a avoir abandone et mis de cote le jeu... Dans le style Hollow knight est une grosse clac a Metroid... Blasphemous également... Ce sont des jeux qui contrairement a Metroid ont une véritable profondeur.. et un charisme incomparable... Un niveau de personnalisation que Metroid n'a pas du tout... Bref... Il ne s'agit pas d'avoir de beau graphisme 3d.. pour faire un bon jeu...

Yotsu
23/10/2021 à 10:45

Rectification, c'est impliquant la CHASSE au métroïde qui est à son chant du signe, puisqu'il reste UN "métroïde" dans la galaxie. :-p

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