Future State : Batman - critique perdue dans le temps

Arnold Petit | 28 septembre 2021 - MAJ : 29/09/2021 02:48
Arnold Petit | 28 septembre 2021 - MAJ : 29/09/2021 02:48

Dernier événement de DC, qui s'est tenu entre janvier et février 2021 aux États-Unis, Future State se déroule dans un futur plus ou moins proche et montre à quoi pourrait ressembler l'avenir de l'univers de DC avec ses anciens héros, mais aussi des personnages inédits, dont un nouveau Batman. Premier tome publié par Urban Comics en France en même temps que Future State : Justice League, Future State : Batman présente donc ce nouveau Chevalier Noir, mais revient aussi sur le sort des anciens alliés de Bruce Wayne dans ce futur dystopique.

LES COULOIRS DU TEMPS

À l'origine, il y avait un projet développé par Dan Didio avant qu'il soit licencié de son poste de co-éditeur par DC : 5G (ou Generation Five, pour la cinquième génération de super-héros, aucun rapport avec les réseaux mobiles). Une initiative qui avait pour but de relancer la continuité de l'univers de DC, à l'instar des précédentes crises telles que la mémorable Crisis on Infinite Earths ou Flashpoint, et d'introduire plusieurs jeunes héros et héroïnes comme héritiers ou successeurs des figures d'antan, qui auraient continué d'exister dans cette nouvelle temporalité.

Des cendres de ce projet avorté est né Future State. Un événement qui ne restaurerait pas la continuité et l'ensemble des titres de DC comme l'avait imaginé Dan Didio, mais explorerait plutôt tout un tas de futurs possibles, entre 2025 et plusieurs millénaires.

 

photoDC face à Dan Didio

 

Quand Wonder Woman, Superman et Batman et les autres héros ont vaincu le Batman qui Rit et Perpetua dans le fastidieux Batman : Death Metal, une faille spatio-temporelle s'est ouverte dans l'hyper-temps, révélant à la fois des visions du passé et du futur. Futur dans lequel se trouvent les anciens personnages que tout le monde connaît, mais aussi toute une nouvelle génération de super-héros, dont de nouvelles versions de Batman, Superman et Wonder Woman.

Une fois introduits, certains de ces héros apparaîtraient ensuite dans un autre événement, Infinite Frontier, qui marquerait alors le début d'une nouvelle ère pour l'univers de DC, sans véritable continuité, avec des histoires situées dans un certain présent et dans cet hypothétique futur.

 

photoImpression de déjà-vu

 

Ce premier tome de Future State : Batman se déroule au début de Future State, dans un futur relativement proche, en 2025, et regroupe quatre titres : Batman/Superman, Next Batman, Robin Eternal et Harley Quinn, en plus des aventures des Outsiders, des Batgirls et des Gotham City Sirens. Contrairement à la publication originale chaotique, qui effectuait des bonds dans le temps entre chaque histoire, Urban Comics a choisi de les publier en suivant un certain ordre chronologique, amenant ainsi bien plus de clarté entre les différents événements présentés au fil des pages.

Dans ce monde futuriste, Gotham est désormais sous le contrôle du Magistrat, une force de police privée surarmée et autoritaire, et tout individu avec un masque, héros ou vilain, est considéré comme un hors-la-loi et abattu sans sommation par les soldats en armure de cette milice. Bruce Wayne est mort, mais un autre Batman, entièrement masqué, poursuit sa mission dans ce Néo-Gotham pendant que d'autres personnages organisent la résistance contre ce nouvel ennemi comme ils peuvent.

 

photoNouveau Batman, nouveau costume

 


I'M THE BATMAN

Avec son scénario écrit par John Ridley et son nouveau Chevalier Noir, Next Batman était probablement le titre le plus attendu de tout l'événement. Et la promesse est tenue pendant les premières pages, avec une histoire qui rappelle les débuts de Bruce Wayne dans Batman : Année Un, mais aussi le futur dystopique imaginé par Frank Miller dans The Dark Knight Returns, avec les dérives fascistes du pouvoir et une ville tombée aux mains des gangs.

Les couleurs chaudes et pourpres et le style de Nick Derington (remplacé ensuite par Laura Braga pour un trait plus détaillé) se rapprochent d'ailleurs des cases dessinées par David Mazzucchelli, avec un Gotham poisseux derrière ses lumières brillantes et une atmosphère entre le thriller et le polar. John Ridley renoue directement avec les origines du héros et installe ce Batman comme un ennemi des autorités et du Magistrat dans une ville où la dérive sécuritaire est encouragée par les politiciens, même si certains flics restent évidemment de bonnes personnes qui marchent directement sur les traces de Jim Gordon.

 

photoBienvenue à Little SantaPrisca

 

Alors que Gotham est généralement représentée comme New York ou Chicago, Bane et les criminels qui portent son masque sont utilisés comme une allégorie des gangs latinos traditionnellement affiliés à Los Angeles et Miami, une manière intelligente d'aborder la précarité et l'abandon de certains quartiers de la ville, où les sbires des super-vilains profitent de la misère et du désespoir des habitants pour recruter de jeunes membres, que ce nouveau Batman tente de remettre dans le droit chemin. Sur sa route, il va également croiser d'autres citoyens qui ont perdu foi en la justice, autant que ce héros qui enfile son costume pour tabasser les criminels.

Cependant, même si l'intrigue est captivante et que les séquences d'action sont aussi variées qu'excellentes, entre course-poursuite, fusillades et combats au corps-à-corps, le scénario reste une histoire relativement classique pour ce nouveau Chevalier Noir, avec des affrontements, une enquête à résoudre et quelques réflexions personnelles. Comme son aîné, ce nouveau héros n'est qu'un homme dans une combinaison, qui commet des erreurs et s'interroge sur le bien-fondé de sa mission et les dilemmes moraux qu'elle implique.

 

photoNouveaux gadgets aussi

 

Le propos social est finalement assez peu exploité et le récit a rarement le temps de se poser avec ce personnage dont les motivations restent finalement assez obscures malgré un contexte familial intéressant. Pour un scénario consacré à un Batman afro-américain et écrit par l'auteur de 12 Years A Slave ou American Crime, il y avait mieux à attendre. Et Next Batman méritait peut-être mieux, justement.

À la base, Dan Didio avait prévu de confier une série de comics à John Ridley autour d'un nouveau Chevalier Noir et Next Batman ressemble aux restes réchauffés de ce qu'aurait pu être ce projet passionnant. Ce nouveau Batman reviendra bien dans Infinite Frontier et aura son origin story et d'autres titres au sein de l'univers de DC, mais Next Batman n'a finalement que peu de valeur ou de portée et ne sert qu'à présenter le personnage avant de le retrouver plus tard.

 

photoUn bon héros sait aussi quand il faut fuir

 

L'AVENIR EST UN LONG PASSÉ

Ce premier tome de Future State : Batman donne constamment cette sensation d'opportunité manquée, d'approximation, également dans les autres titres. Batman/Superman aurait pu être un thriller horrifique passionnant, encore plus lorsqu'un des ennemis les plus effrayants et sadiques du Chevalier Noir entre en scène, mais Gene Luen Yang est contraint par un format trop court et les dessins de Ben Oliver ne sont pas suffisamment percutants pour apporter ce sentiment de trouble, d'étrangeté pendant la lecture.

Les visages lisses et les couleurs fades empêchent de se plonger pleinement dans le récit et nuisent à l'ambiance macabre que l'histoire tente d'installer. Néanmoins, les interactions entre les deux héros apportent un peu de vigueur et d'intérêt à ce prequel, avec cette relation intacte du bon Kryptonien plein d'espoir et de l'orphelin cynique et solitaire.

 

photoUn peu gluant, mais appétissant

 

Ce qui est déjà beaucoup comparé à Robin : Eternal. Les illustrations ombragées et hallucinées d'Eddy Burrows peinent à camoufler la vacuité abyssale du scénario de Meghan Fitzmartin autour de cette version futuriste du Robin de Tim Drake. Même s'il ne raconte rien, le récit continue d'étaler ses clichés et ressorts narratifs prévisibles sur des dizaines de pages, sans se soucier du rythme ou des personnages secondaires.

De la même façon, Gotham City Sirens par Paula Sevenbergen et Emanuela Lupacchino a clairement été réalisé pour passer le temps et avoir l'occasion de faire apparaître des personnages populaires comme Catwoman et Poison Ivy, dans un scénario faussement vulgaire, mais vraiment bêteOutsiders propose une histoire bourrée d'action et offre enfin une représentation excitante et inspirée de Katana (contrairement à son costume), mais Signal et Black Lightning ne font que remplir leurs rôles de personnages de fonction dans une histoire finalement assez générique et dispensable au sein de l'événement.

 

photoThe Raid

 

GIRLS JUST WANT TO HAVE FUN

Seule Harley Quinn se distingue par son inventivité, et aussi (et surtout) pour les planches proprement magnifiques de Simone Di Meo et Toni Infante. Stéphanie Phillips n'essaie pas de réinventer l'héroïne ou d'imaginer une nouvelle version du personnage, au contraire.

La scénariste puise dans Paul Dini et Bruce Timm autant que dans Birds of Prey pour sa Harley Quinn et met intelligemment à profit le passé de psychologue du personnage dans une intrigue semblable au Silence des Agneaux (ou n'importe quel film ou série où un criminel psychotique accepte de travailler pour les autorités en échange d'une remise d'une peine). Un scénario éculé par un nombre incalculable d'oeuvres, mais auquel l'écriture pétillante et les superbes dessins apportent une fraîcheur et une légèreté inattendues et surprenantes, avec cette influence japanime caractéristique du dessinateur et une science de la composition, de la lumière et de l'utilisation du flou.

 

photoUne Harley Quinn comme on les aime

 

Autre belle surprise de cette première fournée de Future State, Batgirls se révèle particulièrement brillante et efficace avec son histoire carcérale avec Cassandra Cain et Stephanie Brown, autant dans les dessins d'Aneke que dans le rythme du récit de Vita Alaya. Les deux auteurs enchaînent les passages courts et poignants avec des combats sobres et intenses et proposent une intrigue convaincante, qui se tient bien et transpire le respect et l'amour pour ses personnages, généralement oubliés dans l'univers de DC.

Tous ces titres permettent de multiplier les perspectives et de conquérir un public plus large. Seulement, certains sont beaucoup trop ténus pour suffisamment divertir et la cohérence manque cruellement entre les différentes histoires, aussi bien au niveau de l'atmosphère que dans la représentation du Néo-Gotham, qui oscille entre cité moderne et ville cyberpunk avec écrans lumineux et drones géants sur tous les immeubles.

 

photoCrazy is the new normal

 

Il aurait probablement été plus judicieux de s'attarder sur le nouveau Batman ou Harley Quinn pour quelques numéros de plus plutôt que d'absolument faire apparaître les Outsiders ou Tim Drake simplement pour remplir le planning de publication de l'événement et contenter les fans (et encore, les fans de Tim Drake et Catwoman ne veulent pas lire ça). Le deuxième tome avec Dark DetectiveNightwing et Red Hood fera peut-être oublier la déception.

 

photo

Résumé

Même si quelques récits se distinguent parmi d'autres et que la plupart sont admirablement illustrés (voire excellents dans certains cas), Future State : Batman n'a rien d'un évènement dans ce premier tome et s'avère bien décevant par rapport au potentiel qu'il recèle.

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commentaires
Gonzo
28/09/2021 à 19:00

J'atais tellement excité, un batman cyberpunk, et en fin de compte on a que des morceaux d'histoire sans connection ou peu ce qui rend le tout absolument pas interressant. Grotesque

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