The Handmaid’s Tale saison 4 : critique d'une revanche à la hauteur pour June sur OCS ?

Camille Vignes | 19 juin 2021 - MAJ : 19/06/2021 13:32
Camille Vignes | 19 juin 2021 - MAJ : 19/06/2021 13:32

Indéniablement féministe, horrifique et très soignée, la série créée par Bruce Miller à partir de l'oeuvre de Margaret Atwood et portée par Elisabeth Moss avait très vite rempli son ambitieux contrat. Pourtant, dès sa deuxième saison, dès qu’elle s'éloignait de son matériel d’origine, des faiblesses avaient commencé à pointer leur nez : enlisement de l’intrigue, sous-intrigues mal gérées, manque de renouvellement des problématiques, de la mise en scène, du jeu des acteurs… Deux ans après la fin ouverte et quasi-sacrificielle de sa troisième saison, The Handmaid’s Tale tente de se renouveler en passant la frontière canadienne. Un pari risqué.

COMME UN LAPIN EN CAGE

D’après le cauchemar dystopique imaginé par Margaret Atwood dans son roman La servante écarlate, en 2017 était arrivée sur les écrans une des séries les plus glaçantes des dernières années : The Handmaid’s Tale. Une série féroce, où les États-Unis ont été remplacés par l'État totalitaire de Gilead, organisant son pouvoir autour de concepts religieux pervers et violents, classant les femmes selon leur capacité à créer la vie, ou non. 

Évasion, planque, arrestation, emprisonnement… de prime abord, cette quatrième saison semble peu enclin à changer de chanson, trop occupée à rejouer une énième fois le même refrain violent que celui servi au cours des deux derniers chapitres. Les décors changent certes dès les premiers épisodes, troquant les murs menaçants des maisons de Gilead contre une ferme isolée d’une campagne enneigée. En revanche, les préoccupations des servantes en cavale ne changent pas.

Pas le temps de se réjouir de l’évasion des quelques 87 enfants et des nombreuses Marthas orchestrée par June, ni de la guérison de sa blessure, elle reste l’ennemie publique n°1 de cette théocratie masculiniste. Elle doit s’évader, toujours et encore s’évader, pour mieux être rattrapée.

 

photo, Elisabeth MossRetour aux fers 

 

Peut-être faut-il regarder les choses plus largement pour comprendre pourquoi, dans un premier temps, la narration rechigne encore tant à changer ? La résonance terriblement actuelle du propos de la série, celui du contrôle des femmes par leur corps, puisse-t-il être celui d'un enfant, et la violence dans laquelle The Handmaid’s Tale s’enlise sont peut-être là pour rappeler que rien n’est gagné, jamais. Que s’évader d’un système politique et de pensée aussi puissant que le système patriarcal peut durer toute une vie, et que toutes les tentatives pour y arriver se ressemblent.

La saison précédente avait pris un malin plaisir à montrer comment l’extrême violence du système niait l’histoire, la grande comme la petite. Encore une fois, Gilead semble n’être qu’un éternel retour, un jour sans fin fait de sévices, de viols organisés, de meurtrissures et de tortures. Et d’évasion. Encore. Mais cette manie de toujours rejouer les mêmes intrigues cache mal les réticences des scénaristes à toucher à ce précieux cadre imaginé par Atwood. Fainéantise, facilité ou véritable choix d’écriture visant à montrer la force du régime de Gilead ? Impossible de trancher complètement, mais c'est une faiblesse qui en découragera plus d'un.  

 

photo, Elisabeth Moss, Max MinghellaNike Blaine : le grand sacrifié du scénario... encore 

  

CE N’EST PAS TA FAUTE, C’EST TON HÉRITAGE

Si depuis trois saisons et demie, The Handmaid’s Tale s’efforçait de critiquer et d’attaquer les instances patriarcales, et la manière dont elles innervent toutes strates de la société, dès lors qu’elle extrait son personnage principal de l’horreur de Gilead, c’est une autre facette de la guerre que tente de montrer les scénaristes : celle de l'après, du recul et de la prise de conscience.

À commencer par l’ambivalence du personnage de Serena (Yvonne Strahovski). Si bien écrit dans la deuxième saison, elle avait pris alors une ampleur incroyable en étant toujours insondable et donc de fait à la fois effrayante, glaciale et touchante. Affaiblie par la troisième, elle retrouve là ses titres de noblesse, plus que jamais consciente de ses propres contradictions, du double jeu de victime et de bourreau qu’elle portait au sein de l’infâme république de Gilead et qu'elle porte toujours.

 

photo, Elisabeth Moss, Yvonne StrahovskiPlus dangereuse que Fred

 

La série montre d'ailleurs trop faiblement la difficulté du sauvetage des enfants, giron fécond pour faire germer n’importe quelle graine nostalgique de leur vie passée, quand ils étaient choyés par leurs Marthas dans les grandes prisons de Gilead. À moins qu'ils aient simplement oublié leur ancienne vie, trop lointaine, pour se rappeler de leurs véritables parents, ou qu'ils soient plongés dans l’incompréhension et l’insoutenable inutilité de ceux qui n’ont jamais eu a vivre à l’enfer de Gilead, faible écho aux civils de la Première Guerre mondiale ou du Vietnam, tout bonnement incapables de s’imaginer ce que leurs proches vivaient là-bas. 

C’est enfin dans ses rôles de femmes, meurtries, détruites par un système et qui tentent d’en réchapper que la série essaie de se renouveler. Aux sévices incessants, elle tente de faire succéder le temps des témoignages et des prises de paroles collectives. Un temps que June viendra piétiner de sa rage pour faire valoir l’unique et seule issue possible à sa guérison : la revanche.

 

photo, Elisabeth MossLe rouge n'a plus la même saveur

 

REVENCHE PORN

Cette quatrième saison reprend tout de même du poil de la bête, ne se cantonnant plus simplement à l’horreur violente des dernières saisons. Derrière cette soif de sang et de justice, et ces visages grimaçants se trouve l’autre répercussion de la guerre : le drame familial qui ne se voit que lorsque les portes sont fermées, et qui permet à la caméra de se renouveler.

La mise en scène léchée, habillée de musique et de rai de lumière, les ralentis sur les personnages… l’essence de la série est encore bien présente, et elle continuera d'agacer les plus réticents, car, plus que jamais, elle donne l’impression de s’observer elle même. Pourtant, peuplée de nouveaux décors et de nouvelles problématiques, The Handmaid's Tale réussit à proposer des choses différentes.

 

photo, Elisabeth MossLe front et les réfugiés, nouveauté survolée 

 

Surtout lorsqu’Elisabeth Moss passe derrière la caméra. Les trois épisodes qu'elle a réalisés - Le PassageTémoignage et Progrès - ont tous en commun cette caméra intimiste, braquée sur les visages, ne laissant aucune émotion, aucune réaction s’échapper, comme pour coller au plus près de la psyché des personnages (surtout le sien).

Elle n’abandonne évidemment pas complètement l’identité de la série, ne pouvant laisser de côté cette atmosphère étrange mise en place avec plus ou moins de maladresse depuis le début de la série, mais elle la tord plutôt pour lui donner un nouveau souffle.

La saison 4 de The Handmaid's Tale est disponible en intégralité sur OCS en France

 

Affiche française

Résumé

La saison 4 de The Handmaid's Tale n'échappe pas à ses faiblesses passées, trop encline à éjecter les personnages dont elle ne sait que faire pour servir le scénario. Mais, si elle rejoue les mêmes intrigues en début de saison, elle s'extirpe ensuite de ses schémas pour proposer quelque chose de nouveau, et de plus psychologique. 

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Lecteurs

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commentaires
Casai
22/06/2021 à 14:32

Excellente série!!!!!!
Elle nous montre que la lutte pour l équité,la justice est un loooong combat .et surtout rien n est acquis ,on n est absolument pas à l abri de régresser, à cause de l obscurantisme.
Cette serie nous rappelle à quel point nous vivons dans des sociétés patriarcales,injustes envers les femmes,à différents degrés selon les pays.
Le pire est que cette fiction est une réalité dans certains pays.

Marc
22/06/2021 à 13:00

@Ouloulou: pas d'accord sur l'absence de questionnement de la vengeance à la fin. SI elle déchaîne sa fureur sur Fred, elle y perd Luc et son mariage, qui n'entend pas la suivre sur ce terrain là. pire encore elle lui laisse la garde de son enfant (si j'ai bien compris la fin),.

Kyle Reese
20/06/2021 à 22:44

Déjà la 4 éme ? Me suis arrêté à la fin de la 1 ère. Non pas que c.était mauvais bien au contraire, cette série a d’énormes qualités mais l’ambiance était trop lourde et oppressante, une nouvelle société dictature piège sans issue, sans lumière et surtout je n’ai pas supporté certaines punitions faite aux traites, comme l’amputation des mains conduites de façon si clinique et aseptisé, une horreur barbare faite de façon pseudo « civilisé »
Je ne prenais en fait aucun plaisir à regarder cette secte véritable machine à broyer l’humanité profonde qui est en nous. Bcp trop sombre et réaliste à mon goût finalement’ et un sentiment d’impuissance très malaisan. En plus tout ça résonnait à l’époque avec les horreurs de Daech en Syrie… bref.

Ouloulou
20/06/2021 à 21:49

La plus mauvaise saison de la série.
La finesse de la série s'est totalement désagrégée au fil des saisons. Entre des situations peu crédibles (l'évasion des servantes après leur capture, le pardon accordé à Lydia et à Lawrence, la paternité de Fred...) et des personnages complètement mis de côté, à l'instar d'une Tante Lydia abrutie par le zèle, dont il aurait pourtant été intéressant de découvrir les machinations contre Gilead révélées dans Les Testaments... De même, la situation de Serena est traitée à la va-vite : une fois de plus elle retourne sa veste pour soutenir son mari. Mais le point le plus désagréable de cette saison est surtout June elle-même dont la colère est montrée de manière beaucoup trop artificielle, sans aucune nuance. La série semble se complaire dans cette vision manichéenne de la violence machiste où la seule réponse légitime pour la victime est la violence. Ainsi la scène la plus écoeurante sur le plan intellectuel est indéniablement celle de l'exécution de Fred, où, à aucun moment la légitimité et l'éthique de cette vengeance n'est questionnée. Au delà de l'aspect moral, il paraît maladroit que dans le contexte actuel (popularité des idées suprémacistes, remise en cause de la législation des armes aux US...) qu'une série progressiste véhicule une promotion de la violence et de la vengeance sans aucune nuance.

Nonoo
19/06/2021 à 15:18

J'avais adoré les deux premières saisons, mais la troisième était bien trop lente et longue ça m'avait un peu refroidi malgré certaines scènes réussies... je n'ai pas encore regardé la quatrième mais je compte bien le faire. En fait à mon avis, la 4ème aurait dû être la 3ème, tandis que la 5ème aurait du être la 4ème et dernière saison, ça aurait été plus crédible. Bien que j'adore cette série, il faudrait que la 5ème soit la dernière, au risque de vraiment perdre son prestige.

Après s'ils décident de suivre les Testaments (suite du roman) comme ils l'avaient annoncé il faudra qu'ils créent un spin off plutôt.

Jomini
19/06/2021 à 15:04

Je vous rejoins sur le nouveau souffle que la série a réussi à prendre cette saison et je pense que le retour à un format de 10 épisodes y est pour beaucoup, évitant ainsi de rallonger le rythme.

Par contre, la série est déjà renouvelée pour une saison 5 et espérons que celle-ci soit la dernière.

J'ai toutefois une question : est-ce que cette saison est cohérente avec la suite du roman, The Testaments ?

Jomini
19/06/2021 à 15:00

Je vous rejoins sur le nouveau souffle que la série a réussi à prendre cette saison et je pense que le retour à un format de 10 épisodes

LeRoiBoo
19/06/2021 à 14:00

Autant les 2 premières saisons étaient excellentes, la 3ème ok, la fin surprenante.
Mais la 4ème est inutile et blindé d'incohérence.

Je commence par quoi ?
A part June les autres filles sont des poules sans cervelles.
Tante Lydia qui aurait pu se faire tuer des dizaines de fois, mais personne ne bronche.
L'évasion dans le combicar totalement délirante.
La ou il se cache encore plus.
On a compris les mecs c'est pas des gens bien, surtout dans la résistance.
La romance avec Nick totalement improbable.
L'arrivé au Canada, elle avait un traumatisme crânien ... et finalement plus rien.
La "diplomatie" avec le Canada totalement aberrante.

Cette saison est vraiment moyenne, et c'est pas plus mal que ce soit fini.

Jojo
19/06/2021 à 12:46

La série commençait à tourner en rond et cette saison bien rythmée donne un nouveau souffle.
Une vraie réussite !
Mention spéciale pour Mckenna Grace qui a rejoint le casting.

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