Stranger Things saison 4 : critique de la Kate Bush-erie de Netflix

Lino Cassinat | 2 juillet 2022 - MAJ : 04/07/2022 12:24
Lino Cassinat | 2 juillet 2022 - MAJ : 04/07/2022 12:24

La première partie de la saison 4 de Stranger Things nous avait laissés entre deux eaux. La création des frères Matt Duffer et Ross Duffer semblait vouloir mener la barque de Millie Bobby Brown, David Harbour, Winona Ryder et tous les autres vers de nouvelles mers, mais n'arrivait pas toutefois à se débarrasser de son ancre, jetée à bon port dans une zone de confort et de facilités. On y entrevoyait toutefois une promesse d'avenir, avec un contrat à remplir pour sauver cette saison 4 de Stranger Things. Maintenant que toute la saison est disponible sur Netflix, on peut l'affirmer : le contrat n'est pas tenu.

THE FINALE COUNTDOWN

Avec l'introduction d'un über-vilain en la personne de Vecna (et par quelques éléments de communication en ligne), Stranger Things promettait une fin en fanfare pour sa saison 4, à l'issue de laquelle plus rien ne serait pareil. Il paraissait même que la série s'apprêtait à commettre l'impensable : tuer des personnages dans son casting bien trop chargé. Alors oui il y a des victimes, oui il y a un évènement majeur qui change la donne dans le finale et promet une saison 5 un peu différente, et oui, la partie 2 de cette saison 4 est globalement plus riche en action et en pyrotechnie. Mais à part sur ce dernier point, tout est en trompe-l'oeil.

Avant de nous plaindre, attardons-nous tout de même sur ledit dernier point : force est de constater qu'après les tunnels de dialogues des épisodes 5, 6 et 7, nous sommes heureux de voir que Stranger Things embraye sur quelque chose de plus spectaculaire. L'engagement hollywoodien classique en termes de moyens et de rythme est globalement rempli au cours des deux épisodes finaux, avec un 8e orienté sur les conflits entre humains et leurs lots de fusillades et d'explosions, et un 9e plus focalisé sur la menace surnaturelle et les images impossibles.

 

Stranger Things : photoAttention j'embraye

  

Les petits plats ont été mis dans les grands, et si le tout demeure photographié de manière relativement quelconque (il ne suffit pas de faire de longues prises pour devenir Spielberg), du moins est-ce un joli quelconque devant lequel on ne s'ennuie pas. Stranger Things se dote même d'une certaine saveur photographique à l'ancienne pas désagréable au détour d'une séquence en hélicoptère dans le désert exploitant avec beaucoup de réussite son décor, ses longues focales, son contre-jour et sa grosse explosion a priori sans trop de trucages numériques.

Sauf que, sous cet étalage festif, derrière ce rythme accrocheur, demeure un vide. Comme si ce "toujours plus" ne faisait qu'augmenter la taille d'un voile qui dissimulerait une vérité cachée, mais dont la taille augmente également à chaque saison, au point d'être de plus en plus difficile à ignorer. Une vérité qui nous dirait que Stranger Things est très forte pour détourner l'attention, mais très faible pour trouver de l'inspiration. Autrement dit, Stranger Things bénéficie d'un sacré sens de la formule, mais que sa formule est usée et en panne d'inspiration.

 

Stranger Things : photoOn sait pas où on va, mais on y va

 

PASTOR OF MUPPETS

Car côté écriture la rigueur a clairement plié bagage, laissant place à une forme de je-m'en-foutisme mollasson un peu déprimant. On n'ira pas jusqu'à parler de fumisterie, mais les scénaristes ne se sont clairement pas foulés non plus pour relier les points et résoudre leurs péripéties. Eleven est paumée au beau milieu de la Californie ? Télépatho-portation à Hawkins grâce à un congélateur à pizza (oui, hawaïenne en plus). Joyce et Hopper sont perdus dans une intrigue en Russie ? La magie du montage alterné et le pouvoir des déductions hasardeuses feront l'affaire. Nancy, Robin et Steve sont sur le point de mourir à cause des monstres du monde à l'envers ? Eleven les délivre par hasard, sans faire exprès.

C'est tellement grossier que Robin parle elle-même d'"intervention divine" dans une réplique dont le second degré est à la limite de la double énonciation et de l'aveu de faiblesse. Eleven a toujours été un deus ex machina trop pratique pour Stranger Things, mais là c'est la panique. Plus rien n'est justifié, à tel point que l'issue de sa confrontation finale avec Vecna passe pour une mauvaise plaisanterie. Les facilités et redondances scénaristiques s'accumulent et font bégayer cette saison 4, qui nous refait le coup du montage alterné musical non pas une, mais deux fois au sein de son épisode final... dont une en nous remettant Running up that hill. Subtilité et émotion passent de Kate Bush au boucher.

 

Stranger Things : photoObey your master

 

Même la tant attendue séquence Brütal Legend de Eddie, aussi drôle et jouissive qu'elle soit sur le papier, se retrouve gâchée par un montage d'action assemblé en dépit du bon sens, raccordant des évènements n'ayant rien à voir entre eux et forçant de très douteuses concomitance temporelles. Alors oui, c'est rigolo d'intégrer un solo de guitare metal (en particulier celui de Master of Puppets de Metallica, dont les paroles sont assez raccord avec Vecna) dans la narration, mais Stranger Things n'en tire qu'une application bâclée d'une de ses marques de fabrique les plus éculées. À ce rythme-là, la saison 5 ne sera plus qu'un enchaînement de séquence musicale et on pourra réhabiliter Suicide Squad.

Le coeur du problème, c'est que Stranger Things arrive en gros à la bonne destination en passant par le mauvais chemin : la zone de confort. Et il suffit de faire le compte des fameuses morts des épisodes 8 et 9 pour s'en rendre compte : on les compte sur les doigts d'une main et il n'y a que des fusibles qui sautent, et encore, quand ils veulent bien clamser pour de bon et ne pas nous faire une Rey Palpatine (ça fait mal hein ?) dans Star Wars : L'Ascension de Skywalker. Pire encore, à force de tourner en rond, Stranger Things finit même par normaliser ses derniers territoires inconnus, en liant notamment l'origine du monde à l'envers au passé d'Eleven, encore une autre source intarissable d'excuses pratiques et d'ennui.

 

Stranger Things : photoPiochons dans la magie du scénario

 

KILLING IS (NOT) MY BUSINESS

Alors oui, il y a malgré tout une rupture, amenée par une séquence de dévastation à grande échelle dans le monde réel. Mais elle n'annonce qu'un changement infinitésimal. Et quelque part, peu importe cette catastrophe finale : impossible de se faire à nouveau mystifier par une série qui la joue aussi petits bras, impossible de croire à la grandeur de la menace quand ladite menace est aussi faible... et même, impossible de s'intéresser vraiment à une saison qui fait semblant de donner le change alors qu'il fait toujours la même chose.

Au point d'ailleurs de retomber encore et toujours dans les mêmes défauts. Sous intrigues quelconques et dispersées, absence de frissons et de mystères, et surtout, personnages négligés. Jason est réduit à une opposition inutile alors qu'il aurait pu être un formidable antagoniste secondaire, tandis que Will et Joyce, autrefois âmes de la série, font les pom-pom girls au second, voire troisième plan (et gâcher Winona Ryder à ce point devrait être interdit par la loi). Même Maxine perd de sa puissance à force de répéter sa grande scène de l'épisode 4 qui a tant fait pleurer dans les chaumières.

 

Stranger Things : photo, Sadie SinkSadie Sink

 

Au bout du compte, après quatre premiers épisodes très engageants, cette saison 4 dégringole et retourne dans les bras des travers habituels de Stranger Things. Et quand bien même elle s'achève enfin sur un rapprochement géographique de tous les personnages et semble enfin en avoir fini avec le passé d'Eleven, rien ne laisse penser que la saison 5 sera particulièrement prenante. Au contraire même serait-on tentés de dire : avec la reconduction de Vecna comme méchant principal, le programme semble déjà connu d'avance. 

Le début de renouveau n'aura apporté que des rebondissements tous plus faibles et invraisemblables les uns que les autres, intégrant au forceps la toile de fond d'un nouvel archivilain au demeurant plutôt convaincant (du moins dans un premier temps, jusqu'à ce que l'on nous fasse tout son CV) et nécessaire pour redynamiser un récit qui n'avait probablement jamais eu pour but d'aller au-delà d'une seule saison.

 

Stranger Things : photo"Oh Vecna-ah, ah-rappelle toi !"

 

En tout cas, nous faire croire comme dans son ridicule dialogue apothéotique avec Eleven que tout était prévu par les frères Duffer fera hurler même les plus ardents défenseurs érotomaniaques de Hideo Kojima.

Il semble aujourd'hui difficile d'affirmer que la saison 4 de Stranger Things soit réussie, malgré ses qualités distrayantes. On y a pourtant beaucoup cru pendant quatre épisodes, mais l'illusionniste n'a réussi à sortir qu'un lapin nain de son très beau chapeau. Petit phénomène émouvant en saison 1, fainéant en saison 2 et blague pas drôle en saison 3, Stranger Things est définitivement devenue banale en saison 4, tant ce qui la rendait remarquable, son ambiance et son émotion, se sont désormais évaporés. Après une telle opération de normalisation, l'étape logique suivante, c'est l'indifférence totale.

 

Stranger Things : affiche

Résumé

Il y avait une superbe occasion d'évolution à saisir. On ne sait pas si Stranger Things l'a ratée ou si elle n'en a pas voulue, mais toujours est-il que la série Netflix a préféré au dernier moment brancher le pilote automatique. Et il semble impossible de croire que l'ultime saison 5 fera quoi que ce soit pour dévier de sa trajectoire annoncée.

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Lecteurs

(3.5)

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commentaires
Alex223333
03/03/2023 à 22:21

Écran large je fait jamais une critique positive sur quoique se soit vous êtes vraiment des frustrés de la vie tout comme beaucoup de personnes qui lisent au quotidien vos critiques à ce que je vois.

Bernardale
30/01/2023 à 04:36

Extrèmement déçu par la saison 4 ! Cette saison est la saison de trop qui n’a plus rien à voir avec l’histoire des 3 saisons précédentes. Je trouve même que les acteurs sont rabaissés plus bas que terre. Helf (désolé pour l’orthographe) qui était une pièce maîtresse n’est plus que l’ombre d’elle même, le frère de Will qui a l’air d’être stone h24 et j’en passe et des meilleurs. Franchement, du n’importe quoi ! Pour moi, cette série s’arrête à la fin de la saison 3.

Calebius
07/09/2022 à 07:43

Cette série est le parfait miroir de notre société : le fond avant la forme, le minimum syndical qui sera dans tous les cas consommé pour suivre la mouvance, des referencements subtils au départ puis de plus en plus lourdingues à la sauce Metoo et LGBTQIA+ … oui les hommes blancs hétérosexuels sont méchants, toxiques et ne comprennent rien et oui « on a pas besoin de ces debilos puisque que nous, les femmes, on dicte les règles »… des intrigues inexistantes depuis la saison 1, des tentatives humoristiques (car on ne sait plus quoi faire) en saison 3 majoritairement tourné vers tourner au ridicule le mâle blanc hétérosexuels (duo de policiers, lequel est con lequel ne l’est pas ?), le protagoniste initial (pauvre Mike dans cette saison 4, idiot, castré et inutile)… Cette série se moque de son public mais son public en a-t-il quelque chose à faire ? Suivre les réseaux, les mouvances est trop important comme suivre les religions l’était il y a encore peu de temps et les toujours selon les peuples.
Ce plagiait totalement intégral maintenant de chef d’œuvre tel que Silent Hill n’est même plus voilé ou caché. On s’en fout, on est pardonné tant que l’on regarde avant les dernières tendances et qu’on les intègre grossièrement dans les années 80…. Les debilos consommeront…

Fright
18/07/2022 à 10:35

Merci pout cette critique honnête. Je suis sidéré de constater que Netflix peut sortir une saison avec autant d'incohérences et de défauts mais s'en sortir aussi bien auprès de la critique publique. Les gens veulent du grand spectacle, de l'émotion, quitte a ce que ce soit forcé ou que ca détruise la cohérence de l'univers et tant que ça sera le cas on aura toujours des suites toujours plus minables à Stranger Things.

Lebon Mitch
13/07/2022 à 17:22

Assez d accord avec votre critique.
La question étant : est ce que Stranger Things a encore quelque chose à raconter depuis la 2eme saison?
Cette 4eme saison , dont tout le monde parle, est selon moi la pire. Le scénario est inexistant, les personnages fades (Max sauve peut être quelques scènes car l’actrice est intéressante. Mais même Eddie m a gonflé) , les situations complètement improbables.
Je me suis fait violence pour regarder jusqu au bout. J ai bien peiné à m inquiéter pour le destin des personnages car j y croyais pas. Pourquoi ces épisodes interminables pour raconter absolument rien? Quand au fil rouge en Russie, c est juste catastrophique.
Stranger Things était au départ un hommage à un cinéma qui nous a fait rêver autrefois. En s’affirmant sur plusieurs saisons , la série a très rapidement atteint ses limites. A aucun moment elle n’a l ambition d aller plus loin que le pompage en bon et dû forme.
Alors oui c est techniquement irréprochable, bien emballé, bien filmé. Mais on se fait chier.

PaloDup
12/07/2022 à 13:54

Bonjour,je voulais dire que cette série et la meilleure série,mon personnage préféré dans cette série c'est Max mais je vous adore tousse grasse a cette série moi aussi je veux faire du théâtre et aussi j'espère que Max sortiras du comas et je suis désolée pour toi Eddie que tu sois mort .

Snake
05/07/2022 à 01:20

Je rejoins beaucoup de commentaires.
J'aimais beaucoup cette saison malgré des défauts jusqu'aux deux derniers épisodes d'une grande médiocrité. Déjà parlons de leur longueur, près de 4h (pratiquement aussi long que la moitié de la saison) pour raconter si peu et parler autant, c'est pas possible. Trop peu de suspense, trop peu d'horreur, trop peu d'action et tout ce qu'on déteste en termes d'écriture : deus ex machina, plot armors, incohérences, dialogues interminables, toutes les qualités de la saison sont balayées dans ces deux épisodes.

Surtout, les défauts de la saison s'accentuent dans cet épisode: l'intrigue de la prison aura définitivement été longue et inutile, la moitié des personnages ne servent à rien, l'Upside Down est devenue une vaste blague en termes de danger, l'échelle de puissance des pouvoirs n'a plus aucun sens, certains intrigues sont forcées...

Bref immense déception pour cette fin qui pour moi n'est qu'un teasing de la saison 5 et en rien une conclusion satisfaisante de saison. Celà remet également en question pour moi la stratégie de Netflix de sortir les épisodes finaux en différé pour maintenir une hype artificiellement et ne peut entrainer qu'une déception à l'arrivée.

Vulfi
05/07/2022 à 00:26

Saison 4 absolument catastrophique.

C'est : vide, creux, mal écrit, mal joué, beaucoup mais alors beaucoup trop long. On dirait un vrai doigt d'honneur adressé aux spectateurs et spectatrices.

Beurrrrrrk.

Romiche
04/07/2022 à 16:29

Critique un peu sévère, même si juste sur certains points.
Pour ma part, j'ai vraiment aimé cette saison (bien plus que les 2 et 3) même si on va pas se mentir : seuls les évènements se déroulant à Hawkins sont vraiment intéressants.
La Russie et la Californie / Nevada sont pas mal, mais pas du tout au niveau d'Hawkins !
Pire même pour la Russie : on a vraiment l'impression que c'est là juste pour continuer à donner un "rôle" à Hopper et Joyce, mais ça ne fait pas vraiment avancer l'histoire.

Maxibestof
04/07/2022 à 14:19

Perso j'ai plutôt bien aimé cette saison, malgré 2 derniers épisodes un peu décevant.
Bon point pour Vecna en digne successeur de Freddy. Dommage qu'au fur et à mesure des épisodes il devienne radin en meurtre (et j'aurais bien aimé voir intégralement le meurtre dans le lac!).
Dommage aussi pour le joker Eleven qui arrive toujours au bon moment pour sauver tout le monde... C'est trop facile franchement....
Trop de séquence musical franchement, je trouve que ça désamorce le côté "horrifique".. D'ailleurs ce côté film d'horreur aurait tellement pu être exploité de manière bien plus grande...
Contrairement à la majorité j'ai bien aimé le passage en Russie... mais la fin franchement, c'est trop facile (ils sont passé où les monstres dans la base ?? Tout le monde se balade tranquillement jusqu'à trouver le "chien" dans la buanderie, c'est pratique...

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