Cobra Kai : du culte de Karate Kid au succès grandissant sur Netflix

Mathieu Jaborska | 14 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathieu Jaborska | 14 janvier 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Qui aurait pu imaginer qu'une suite de Karaté Kid diffusée sur YouTube Red puisse cartonner ? Et pourtant, la troisième saison de la série, fraîchement arrivée sur Netflix, fait preuve d'une popularité certaine - et grandissante -, squattant le top 10 de la plateforme pendant plus d'une semaine. Un petit phénomène donc, prouvant une fois de plus l'appétence du public des plateformes de SVoD pour les shots de nostalgie.

Un peu pris de court par tout ça, et alors que la saison 4 a été officiellement annoncée par le N rouge, Ecran Large rattrape son retard et tente de répondre à cette simple question : d'où vient ce succès fulgurant ?

 

Photo William ZabkaC'est parti !

 

L'effet Netflix

C’est une réalité dont les rédacteurs d’Ecran large peuvent attester au quotidien : armée d’un arsenal communicationnel sans pareil, la plateforme est capable de transformer n’importe quelle acquisition de film inédit en micro-événement et n’importe quelle série en must-see. Cobra Kai n’échappe pas à la règle, profitant du désormais fameux « top 10 » du service, comptabilisant les programmes les plus populaires sans qu’on sache vraiment la méthode utilisée.

Cette section tant commentée, seul outil de mesure de notoriété du contenu qui fait parfois perdre foi en l’humanité a largement prouvé l’importance de la petite série. À l’heure où sont écrites ces lignes, elle persiste encore à la 9e position, devançant 24 heures chrono, grâce à une saison 3 déjà disponible depuis presque deux semaines.

Une saison 3 diffusée sur Netflix, et dont l’effet d’enrôlement a été très fort. En effet, pour convaincre tant de monde, la série devait attirer un public pas forcément familier de Karate Kid, alors que, paradoxalement, elle se savoure difficilement sans le film de Robert Mark Kamen en tête. Il n’y a bien que le N rouge pour posséder ce pouvoir : pousser toute une frange du public à se laisser tenter par une œuvre qui lui est inconnue.

 

Photo Karate KidAu commencement, il y avait un high-kick dans la gueule

 

Il suffit de constater le succès des séries d’animation japonaises sur la plateforme, qui se sont trouvé une nouvelle audience, pour en témoigner. Un super-pouvoir de monstre du divertissement assez impressionnant, alors que le Karate Kid original n’est à l’heure actuelle pas présent sur Netflix. Les seuls représentants de la saga sont le 3e opus et le remake avec Jaden Smith. Pas les meilleures publicités pour la suite, donc.

Néanmoins, ça serait accorder beaucoup de crédit à Netflix que lui attribuer le succès de Cobra Kai. Si sa popularité est devenue visible au monde entier lors de l’arrivée de la saison 3, la série avait déjà fait ses preuves – croyez-le ou non – sur YouTube Red. Car ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de « YouTube Premium » ne permet pas seulement d’écouter son ASMR dans le métro, mais aussi d’avoir accès à un petit catalogue de SVoD (dans lequel on trouve quelques pépites comme l’incroyable Bodied). C’est là qu’a été diffusé Cobra Kai pour ses débuts, et c’est là que la série a commencé à avoir du succès.

 

photo, William ZabkaLe tatami de la discorde

 

Les critiques, toutes excellentes puisque la saison 1 peut encore se targuer d’atteindre les 100% sur Rotten Tomatoes, ont probablement eu moins d'incidence que la décision du service de poster le premier épisode gratuitement. Selon Decider, ce premier épisode aurait cumulé 5,4 millions de vues en à peine 24 heures. Aujourd’hui, il ne lui manque plus que 500 000 vues pour dépasser la barre des 100 millions.

Cobra Kai est clairement le programme que YouTube a su le mieux soumettre au marketing, en utilisant toute la puissance de sa plateforme (où la nostalgie règne en maître) pour le mettre en avant. Netflix n’a donc pas grand-chose à voir avec les origines de son carton, mais lorsque la plateforme a acquis les droits pour la saison 3, elle savait ce qu’elle faisait.

Produite dans un premier temps avec prudence, la série ne coûte probablement pas très cher : les effets spéciaux sont rares, les décors répétitifs (du moins dans les deux premières saisons) et surtout, le casting rescapé du film original ne doit pas exactement exiger le même cachet que les pointures des productions originales de la firme. C’est la dextérité sur laquelle repose la réputation de Netflix : récupérer à droite à gauche non pas les meilleurs rapports qualité / prix, mais bien les meilleurs rapports popularité / prix.

 

photo, William ZabkaTest your might

 

class 1984

Autre raison de l’acquisition de la série par Netflix : sa cohérence avec le reste du catalogue, jouant régulièrement la carte de la nostalgie. Inutile de rappeler le triomphe de Stranger Things. Ses dizaines de sosies déferlant régulièrement sur nos écrans parlent pour elle. C’est d’autant plus vrai que Cobra Kai n’y va pas avec le dos de la cuillère. Forcé de faire des ponts visuels avec l’œuvre originale, certes culte, mais loin d’être apprise par cœur par tous les quarantenaires, le récit multiplie les clins d’œil voire carrément les références directes.

Outre les extraits visibles en split-screen, le moindre gimmick des scènes de Karate Kid est exploité, les caméos se multiplient à la vitesse d'un uppercut, la musique pioche allégrement dans les classiques populaires des années 1980 et tous les acteurs des films se succèdent les uns après les autres, que ce soit dans des rôles principaux ou dans des apparitions éphémères.

Il faut dire que Cobra Kai marche en équilibre sur la corde raide, entre le fan-service total et les explications régulières destinées au public pas forcément familier des aventures de Johnny et Daniel. Un véritable défi, que les scénaristes relèvent haut la main. Il est certes difficile de rentrer dans l’univers quand on n’est pas familier avec le film de 1984, mais après quelques épisodes, et surtout dès le début de la saison 2, la série parvient à se nourrir d’elle-même sans pour autant renier ses influences. Une composante évidente de son carton.

 

photo cobra kaiLa réunion des karatékas anonymes

 

Mieux encore, contrairement à beaucoup des programmes actuels exploitant sans vergogne la nostalgie de leurs spectateurs, Cobra Kai parvient réellement à tirer quelque chose de ses mécaniques ultra-référencées. Karate Kid, parangon du feel-good movie sportif des années 1980, misait tout sur la logique de la brute qui devient victime, non sans forcer le trait à l’extrême. Et non seulement la série inverse les rôles, quitte à faire du héros de votre jeunesse un con fini, mais elle récupère à son compte cette logique et la nuance grâce à une galerie de personnages à la psychologie si influençable qu’elle en devient parfaitement malléable. D’où les retours très positifs du public, louant une écriture bien troussée.

Pour une fois, le recours au teen movie nouvelle génération, si lourd dans les autres grosses séries de la plateforme au N rouge, fait sens. Karate Kid était déjà en soi un teen movie. Les relations entre les personnages inédits, influencées par des enseignements contradictoires, permettent vraiment de réactualiser ses thèmes, et surtout montrer comment les relations de pouvoir et l’idée que se fait la jeunesse de la violence n’ont pas tant changé : elles se sont juste transformées.

 

photoUne séquence d'anthologie

 

Ainsi, dès la deuxième saison, la série s’empare des discours extrêmes du film original pour les adapter aux discours extrêmes foisonnant sur internet. Une référence aux luttes idéologiques qui préoccupent la génération actuelle, et à l’importance de l’éducation dans cette mélasse terrifiante. D’ailleurs, certains ressassent les idiomes prétendant définir la virilité et l’honneur dans les années 2020, comme le fameux sensei Kreese, n’hésitant pas à qualifier la nouvelle génération de « snowflakes »…

De véritables qualités qui parlent autant aux enfants des années 1980 qu’aux adolescents d’aujourd’hui, et font même oublier le jeu très approximatif du duo d’acteurs principaux. En se réappropriant des archétypes et en les actualisant, la série peut ainsi prolonger à partir de la saison 2 un ton directement hérité des films pour enfants des années 1980 et trop peu présent dans les teen séries qui polluent les services de SVoD. Complètement irréaliste (la courbe de progression du karaté y est pour le moins exponentielle), voire exubérante, la série assume d’être avant tout un divertissement efficace.

 

photoLe tournoi pour enfants le plus violent de la planète

 

cobra kaï never dies

Un divertissement efficace qui a surtout su prendre de l’ampleur au fil du temps et s’extraire de ses prémisses maladroites pour proposer un rythme sans temps mort. Une qualité inhérente aux plus gros succès de Netflix, ici amenée par le format 30 minutes, toujours aussi pertinent pour les récits plus modestes. Non seulement la série tient sur la longueur, en distillant avec parcimonie ses atouts et ses personnages à redistribuer, en piochant même avec la saison 3 dans les suites, mais elle s’améliore constamment.

L’humour, par exemple, reposant quasi-exclusivement sur des sidekicks dans un premier temps, est devenu progressivement un comique de situation, bien plus en accord avec la thématique. Mais c’est vraiment à partir de la saison 2 et son délirant dernier épisode que tout s’emballe. Même la réalisation, jusqu’ici très fonctionnelle, se permet de donner une vraie ampleur aux évènements, et d’accorder un vrai intérêt aux scènes de baston, de plus en plus soignées et surtout de plus en plus brutales. Une amélioration qui atteint son paroxysme (pour l’instant) à la fin de la saison 3, avec un plan-séquence réellement impressionnant étant donné l’âge des acteurs qui s’y meuvent.

 

photo, Martin KoveLe pire prof de l'histoire

 

Bien sûr, tout est très schématique, les trajectoires des personnages en particulier. Mais la modestie du tout emporte l’adhésion, notamment grâce aux composantes qui faisaient l’intérêt de Karate Kid, à savoir notamment un pur méchant de cinéma, absolument détestable, interprété par un Martin Kove en pleine démonstration de férocité. Simplement fun, la série devient donc vraiment jouissive à la fin de cette saison 3, quand les camps se constituent pour faire face à Cobra Kaï. La saison 4, déjà annoncée, devrait encore conquérir de nouveaux spectateurs.

La cerise sur le gâteau d’une série très adaptée aux attentes de son public : un goût immodéré pour le cliffhanger, particulièrement accordé à la logique de « binge-watching » (s’enfiler une série sans interruption) développée par la firme. Chaque épisode appelle le suivant, et les fins de saisons sont encore plus croustillantes, annonçant le retour de personnages cultes ou de rivalités enfouies avec parcimonie.

Preuve supplémentaire que la série de Josh Heald, Jon Hurwitz et Hayden Schlossberg comprend les envies des amateurs de divertissement que nous sommes : une bonne dose de nostalgie traitée avec intelligence et teintée d’une actualisation pertinente ainsi qu'une efficacité narrative et visuelle toujours renouvelée, qui donne envie de ne jamais s’arrêter. Une formule simple sur le papier, mais très complexe une fois sur le dojo.

Tout savoir sur Cobra Kai

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Pseudo
17/01/2021 à 11:36

Nul à chier sérieux

Crybaby
16/01/2021 à 15:50

A REGARDER EN VOSTFR impérativement!
J'ai adoré, vu et revu, et j'en parle à qui veut bien entendre. Karate kid c'était ma génération, et quel bonheur de retrouver Daniel LaRusso, Kumiko, Johnny en sensei border line... De l'humour, de l'action, de la nostalgie. Les jeunes sont attachants aussi. Bravo aux créateurs !

Gloss
16/01/2021 à 15:44

@Kelso
Très d'accord avec toi, la série How I Met Your Mother a bien contribué au succès de cette série, du fait qu'elle a été très aimée et était la seule qui a rappelé et rendu hommage au film Karate Kid dans de nombreuses épisodes, par la popularité du personnage de Barney qui montrait son amour pour Cobra Kai et William Zabka.

Quant aux films, ils ont marqué mon enfance donc pas facile d'en dire du mal. Quant à la série, elle est toujours dans mon menu du jour. Et quant à moi, bah je m'en lasse plus!

Guéguette
16/01/2021 à 11:55

De la grosse daube bien cheap, pas loin d'un power rangers. Et après des gens me soutiennent que c'est mieux que Raised by Wolves...facepalm.

Luigi
15/01/2021 à 14:32

Ralph Maccio était sympathique dans le rôle à l'époque mais mon dieu on aurait dit un hippopotame lorsqu'il essayait de lever la jambe !Dire que même Pat Morita n'y connaissait rien aux arts martiaux...

Morcar
15/01/2021 à 12:04

Certes, ça marche aussi sur la nostalgie, mais pas que. Je connaissais l'existence de cette série YouTube sans l'avoir jamais vue, et au cours de l'année dernière j'avais regardé les trois films avec mon fils, sans qu'aucune de ses deux grandes soeurs soient intéressées. Et pourtant, elles adorent Cobra Kaï autant que leur frère. Lorsque Netflix a acquis les deux premières saisons, on a voulu les regarder avec mon fils, et très vite les deux soeurs ont accroché elles aussi. La présence de personnages féminin doit sans doute y contribuer. Il faut admettre que les jeunes filles n'ont pas grand chose à quoi s'identifier dans la trilogie de films.

Certes, même sans être un expert en karaté on devine bien que le niveau n'est pas là, mais on s'en moque car on n'est pas là pour voir un John Wick. C'est du pur teen movie, mais franchement plus intelligent que la plupart du genre, loin du manichéisme habituel de ces productions (Barney Stinson doit adorer la série lui aussi ^^).
En plus d'être bien écrit et d'avoir des personnages non manichéen pour la plupart, la nouvelle génération assure le show et partage tout autant la vedette que les anciennes figures.

Personnellement, je trouve assez balaise d'être parvenu à faire revenir à ce point là TOUS ces acteurs de la trilogie originale ! Après une saison 1 et 2 faisant référence au premier film, la saison 3 en fait au second, et la prochaine devrait à priori faire revenir un personnage de Karate Kid 3.
Ne manquerait plus qu'Hilary Swank revienne aussi, ça serait drôle ^^ (même si je n'ai jamais vu ce film, et que je pense que les créateurs de la série ne le considèrent pas comme "canon", à mon avis).

Lord Sinclair
15/01/2021 à 11:03

Cette série me laisse dubitatif. Je regarde. Pourtant je trouve ça mauvais.
Pas adulte, mais pas ancré dans la réalité des ado de 2020.
Une approche des arts martiaux écrite par des gens qui n'en n'ont jamais fait.
Des personnages qui sont censés être profs et qui n'ont pas pris la peine de s'entraîner une semaine avant le tournage (Maccio a du systematiquement éviter toute activité physique en 30 ans pour etre aussi peu crédible en pratiquant).
C'est culcul, c'est concon.
Et je regarde.
L'effet madeleine, sans doute. Comme pour le Mandalorian. Des scénarios d'une demie page. Mais les décors, l'esthétique, joie sur notre nostalgie, notre imaginaire. C'est ce qu'on s'invente qui nous plaît au final, pas ce qu'on nous montre.
C'est déjà pas mal...

pc
15/01/2021 à 10:32

Ok pour la nostalgie mais ça fonctionne surtout parce que la série est très bien écrite et les personnages bien ancrés. A ce propos absolument pas d accord avec votre remarque "malgré le jeu très approximatif du duo" ce sont les personnages et les dialogues qui sont écrits comme ça le jeu est très brut très sincère je trouve. Petit bémol cependant je trouve que la saison 3 tourne un tout petit peu en rond sur le début et qu il faut attendre le milieu de la saison voire l'arrivée un peu tardive du personnage d Ali pour que ça décolle à nouveau....Mais ils sont malins et pour le coup j attends la s4 avec impatience....

yannski
15/01/2021 à 08:13

Ce que j'adore également dans Cobra Kai c'est que la série nous fait constamment réévaluer notre jugement sur les personnages : il est gentil mais finalement un peu con et il veut aussi se venger de manière très basique, il est un peu violent sur les bords mais finalement on s'attache à lui, etc etc. Ce qui est sympa également c'est la génération années 80 qui se moquent constamment de la génération actuelle. Quant au jeu des acteurs je me demande encore s'ils le font exprès de jouer si mal pour le 2nd degré ou s'ils jouent vraiment mal.

RobinDesBois
15/01/2021 à 00:34

@Arnaud Oui la technique de la grue, a-t-on fait moins esthétique comme botte secrète ? Tout ça pour ça !

Mais si la série est intelligente et bien meilleure je vais peut être me laisser tenter.

Plus