Un couteau dans le cœur : critique qui fend

Lino Cassinat | 27 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Lino Cassinat | 27 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Sélectionné au dernier moment en compétition officielle au Festival de Cannes, Un couteau dans le cœur avec Vanessa Paradis est un film tranchant avec le tout-venant du cinéma français et de son indécrottable obsession du film social et du réalisme naturaliste. On en attendait pas moins de Yann Gonzalez, réalisateur des déjà très romantiques et brûlantes Rencontres d'après minuit. Pourtant, son second film souffle un vent d'une telle fraîcheur qu'on en est un peu déçu qu'il ne soit pas plus radical encore.

CRUISING IN PARIS

En 1979 à Paris, Anne, une productrice de porno gay encaisse comme elle peut la fin de sa relation avec sa monteuse Loïs, dont elle est follement amoureuse, et se lance à corps perdu dans un nouveau film, au ton différent de ses productions habituelles. Cependant, le tournage est compromis par le jeu de massacre auquel se livre un étrange tueur masqué qui assassine un à un les différents acteurs du film.

Derrière ce synopsis terre à terre se cache un film en réalité profondément onirique, souvent insaisissable et imprévisible, et dont il émane un fort sentiment de nostalgie ardente et de mélancolie passionnelle. Bien loin de la rigidité cadavérique des complaisants exercices sociologiques froids et distants qui gouvernent le cinéma français, Un couteau dans le cœur crie désespérément son amour de la fiction et du style (au point de volontairement l’outrer un peu), avec le même désespoir que celui qui habite Anne (Vanessa Paradis), qui se réfugie dans la fiction de son film dans le film pour oublier un réel devenu insupportable.

 

photo, Vanessa ParadisBelle plastiquement et émotionnellement, une des meilleures scènes du film

 

/ + <3

Assemblage hétéroclite (mais cohérent) de diverses influences criantes, ce serait cependant trop facile de résumer Un couteau dans le cœur à un simple mais très habile exercice de mariage de Cruising avec Brian De Palma, piloté par la photographie 16mm d'Equation à un inconnu et saupoudré d'un peu de Les Yeux sans visage, de Psychose et d'Amore. Le vrai intérêt du film, son coeur battant, c'est que toute cette abondance de style est signifiante en soi.

Au fond d'Un couteau dans le cœur, il y a une idée magnifique, qui ne trouve sa réalisation concrète qu’à la fin au coeur d'une scène dans une salle de cinéma, mais qui innerve toute l'oeuvre : le sentiment et l’amour du beau sont un refuge contre un réel qui tranche, qui tue ou produit tragiquement des tueurs. Par là, avec un geste purement esthétisant et sans jamais en avoir l’air un seul instant avant sa conclusion, Un couteau dans le cœur démontre en creux avec un panache rare combien les puissances normatives, en l’occurrence, osons le dire, l’homophobie, empêchent d'aimer et brisent des vies et des rêves.

 

photo, Vanessa Paradis, Nicolas MauryVanessa Paradis et Nicolas Maury

 

En résulte une déconcertante alternance entre de formidables élans passionels du coeur et horribles tueries au couteau, comme si plus ces personnages cantonnés à la marge par leur « style de vie » (comprenez, parce qu’ils sont homosexuels) aspiraient à jouir de leur vie, plus une force extérieure risquait de s’abattre sur eux injustement. C’est cette mécanique qui donne à Un couteau dans le cœur toute son énergie vitale et le rend attachant... malgré quelques petites choses.

 

photo, Kate Moran, Vanessa ParadisVanessa Paradis et Kate Moran

 

FEND LE COEUR

Tout d’abord, si la plus grande partie du film impressionne visuellement, certaines séquences forestières font en revanche méchamment cheap et peinent à convaincre plastiquement (à part sur le quai d'une gare campagnarde), ce qui crée un très drôle d’écart avec le soin apporté aux séquences urbaines et en intérieur, comme si les coutures du budget apparaissaient tout à coup à l’écran. C’est doublement dommageable car en plus de cela, toute cette partie d’enquête en dehors de Paris à tendance à piétiner, et le rythme du film marque assez dangereusement le pas pendant une vingtaine de minutes, malgré un début de romance fugace et mysterieuse.

Mais le plus gros souci que nous pose Un couteau dans le cœur, et ça fait assez mal de le dire, c’est que son programme est plus alléchant que le film à l’arrivée. Cela ne fait pas du long-métrage une mauvaise oeuvre, très loin de là, mais il est toujours un peu frustrant de sortir d’un très bon film atypique en se disant qu’il aurait pu se permettre encore plus de choses, plus de folies grandioses. Pourtant, les fulgurances ne manquent pas, mais si le film touche régulièrement, il a du mal à transpercer.

Cela étant, que cela ne vous dissuade pas d’aller voir Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez, vous passeriez à côté d’un beau moment.

 

Affiche

Résumé

Après Les Garçons sauvages du copain Bertrand Mandico (ici acteur), assisterions nous au début d'une remontée à la surface de cinéastes radicalement différents jusqu'ici cantonnés à des cercles quasi-underground ? On l'espère, tant voir un film aussi particulier qu'Un Couteau dans le coeur nous réjouit, même s'il échoue de peu à nous convaincre totalement.

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Lecteurs

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commentaires
Satan LaTeube
11/11/2018 à 00:28

Casper555 t'es vraiment qu'une grosse derme, retourne voir Transformer et laisse les amateurs et connaisseurs entre eux, va plutôt sur un forum de gameboy, bouffon !!

FloHill
27/06/2018 à 12:26

Comme dirait les Inconnus " vive le cinéma français " !!!..... Mince je viens de voir leur filmographie respective et en fait on s'est planté c'était pas une vanne ! Sic

Jonibigood
25/06/2018 à 11:16

Détends-toi STEVE tu as encore une majorité de films avec des hétéros si tu es trop sensible.

Sakis
25/06/2018 à 02:43

A voir mais l'intérêt doit etre justement vanessa paradis dans un film horreur .

A voir

Casper555
23/06/2018 à 11:44

Alors vu à Cannes... Ce film est un étron fini. Autant Mandico est un réalisateur extraordinaire avec son propre univers autant Gonzalez est un poseur sans talent dont la seule qualité est d'avoir fait les clips de son frère et d'avoir eu la carte auprès de Weintraub et des gens de la Quinzaine quand il faisait du court. Ses court-métrages étaient indigestes et stupides et ses long-métrages nous font saigner les yeux. Franchement ce n'est pas possible de défendre à ce point un tâcheron finit dans le seul talent et de pomper allègrement ses prédécesseurs sans jamais avoir réfléchi un tant soit peu au pourquoi du comment de la mise en scène...

STEVE
22/06/2018 à 17:31

Encore sur des lesbiennes ????

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