Le Remplaçant : critique du seul bon épisode récent de Black Mirror sur Amazon

Moins supernova-teur qu'envoûtant

Dans Le Remplaçant, la Terre se meurt. Surprenant ? Pas tellement : ce point de départ tout droit extrait d'un rapport du GIEC est une figure récurrente de la SF. L'humanité doit se trouver une échappatoire au-delà de son atmosphère, de la même manière que dans Interstellar (dont on reprend ici la tempête de sable), Elysium et bien d'autres.

Junior (épatant Paul Mescal) est convoqué pour faire partie des pionniers, à la faveur d'un tirage au sort plus proche de la conscription que de la tombola. Sauf qu'on ne suivra pas sa découverte de la station orbitale, mais la façon dont il va appréhender l'imminence de sa séparation avec sa compagne (Saoirse Ronan). Le nez au ras du sol plutôt que braqué sur les étoiles, le film s'intéresse moins aux précurseurs qu'à ce qu'ils doivent laisser derrière.

Good Cop28 ou bad Cop 28 ?

Avatar, IA... Le Remplaçant moissonne du côté des thèmes en vogue. Son pitch n'est d'ailleurs pas sans évoquer certains épisodes emblématiques de Black Mirror (Mon cœur pour la vie, l'un des plus accrocheurs de la dernière fournée, mais aussi bientôt de retour dans la saison 2).

L'intrigue est ainsi resserrée autour d'une dynamique de quasi-huis clos anti-spectaculaire. Certes, il y a bien quelques extérieurs soignés et une poignée de plans futuristes, mais l'écrasante majorité des scènes se déroule au cœur d'une ferme isolée, entre quatre murs enduits d'un papier peint défraîchi.

À l'exception de quelques silhouettes floues en arrière-plan, le casting se résume aux deux tourtereaux et à l'homme chargé du recrutement. Un dispositif en or pour mettre en valeur le talent de ses interprètes : épaulé par deux acteurs au diapason, Paul Mescal ne rate pas l'opportunité d'y déployer l'étendue de sa palette avant d'aller enfiler les jupettes de Gladiator 2.

The Leftover

La science-fiction de l'intime

Cette épure conceptuelle sert l'étude psychologique du couple. La perspective du grand départ force Junior et Hen à se réajuster, que ce soit pour se souder ou acter la séparation. Et l'arrivée annoncée d'une version robotique du futur absent n'est pas de nature à simplifier ce maelstrom émotionnel.

Étirant les fils de son postulat SF, Le Remplaçant appuie certaines problématiques par la métaphore. Altérée par la figure du double, la réalité devient incertaine, questionnant in fine la manière dont on se construit individuellement, dans et (partiellement) par le couple. Confrontation directe, jeu de dupe manifeste, interrogatoires séparés et découverte d'enregistrements sont autant d'occasions propices au dévoilement... ou à l'accentuation des non-dits.

Les sanglots longs des violons

Dans le rôle du tiers perturbateur, Aaron Pierre se montre tour à tour avenant et inquiétant. En instillant l'altérité au cœur du couple, il génère un trouble puissant et esquisse un ménage à trois aux interactions mouvantes. Aimantée par l'alchimie de ses interprètes, la caméra prend le temps de scruter leurs visages et leurs silences.

En découle une certaine langueur, une atmosphère ouatée enveloppée de nappes mélancoliques. Si ce rythme pourra décontenancer ceux qui s'imaginaient une aventure spatiale trépidante, elle entretient une délicieuse confusion qui nous laisse, à l'image des personnages, toujours à un souffle de perdre pied.

Le Remplaçant (aussi appelé Foe) est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 5 janvier 2024