La Vie rêvée de Miss Fran : critique dans les nuages avec Daisy Ridley

Antoine Desrues | 10 janvier 2024
Antoine Desrues | 10 janvier 2024

Si on continue de la réduire au rôle de Rey dans la postlogie Star WarsDaisy Ridley a pourtant bien plus à offrir. Oui, certains de ses choix de carrière récents laissent à désirer, mais la sensibilité de son jeu l’emporte et ne cesse de surprendre. A priori, La Vie rêvée de Miss Fran, adapté d’une pièce de théâtre de Kevin Armento, est un écrin idéal pour cette subtilité, alors qu’elle est plongée dans la peau (et les rêves) d’une femme profondément timide. Malheureusement, il n’y a que sa présence qui sauve le film de Rachel Lambert.

Mélocolique ?

Elevée dans le “coin calme” de l’Oregon, Fran n’a pourtant pas de mauvais souvenir de cette enfance solitaire. Ou du moins le prétend-elle. La jeune employée d’une petite entreprise portuaire embrasse la monotonie de son existence et le réconfort qu’elle semble trouver dans ses tableaux Excel. Sans grande originalité (mais avec une tendresse évidente pour son personnage), la réalisatrice Rachel Lambert enchaîne les plans fixes pour refléter cette vie terne et sans folie, s’attardant tour à tour sur une lampe de bureau ou une souris d’ordinateur.

Si ce n’est pour les mouvements plus ou moins discrets de sa protagoniste, cette immobilité globale martèle la sensation de voir des humains se transformer en sujets de nature morte. C’est d’ailleurs ce que fait Fran dans l’un de ses seuls refuges : son imaginaire, où elle fantasme sa propre mort dans des paysages poétiques. L'idée n’est pas sans charme, d’autant que le film profite d’un cadre en 1.33:1 qui enferme le point de vue de son personnage dans sa propre logique.

 

La Vie rêvée de Miss Fran : photo, Daisy RidleyQuand on modère les commentaires sur Ecran Large

 

Néanmoins, la limite du long-métrage tient à ce didactisme stylistique, à la fois évident et bien sage. Fran n’est pas juste une femme dépressive. Sa timidité maladive la rend totalement invisible aux yeux du monde, incapable de tisser des liens sociaux dans cette vie réglée comme du papier à musique du réveil au coucher.

Or, le film est dans l’incapacité d’embrasser la détresse de cette situation. Les séquences oniriques sont finalement peu nombreuses, et leur imagerie jamais bouleversante ou dérangeante. On voudrait se raccrocher au reste du film, et au “cringe” volontaire que ressent et engendre Fran au contact des autres. Mais là encore, les scènes peinent à décoller, la faute à un montage qui saute un peu trop du coq à l’âne, au lieu de développer dans le temps les silences gênants.

 

La Vie rêvée de Miss Fran : photo, Daisy RidleyDe jolies compositions, mais ça ne suffit pas

 

le bal d'une actrice

En réalité, on en vient à se demander dans quelle direction cherche à nous emmener La Vie rêvée de Miss Fran. A vouloir impérativement coller à sa protagoniste mutique, qui passe le film à taire ses émotions ou son histoire, le scénario en fait autant. Bien sûr, il eût été vulgaire de psychanalyser cette femme à la fois si complexe et touchante, alors que sa solitude extrême nous renvoie aisément aux propres doutes de nos vies, au désespoir face au sens de notre présence sur Terre.

Cela dit, le résultat final en vient à ne jamais faire de choix réel de mise en scène, vivotant dans cette apathie cotonneuse en répétant au fur et à mesure ses même motifs. Dommage, étant donné que le long-métrage semble à la base se tourner avec douceur vers la comédie romantique, alors que Fran sort de sa coquille grâce à son nouveau collègue, Robert (Dave Merheje).

 

La Vie rêvée de Miss Fran : photo, Daisy RidleyThe Office, mais en moins cringe quand même

 

D’un autre côté, ce défaut alimente la principale qualité du film, à savoir la performance de Daisy Ridley. Puisque la réalisation change très peu ses variables sur sa durée, on en vient à ausculter le jeu épuré de l’actrice pour saisir l’évolution de son personnage. En s’assumant en toile blanche de cinéma, la comédienne saisit le besoin de son rôle : celui d’un portail vers nos émotions enfouies, qu’on en vient à plaquer sur son corps et ses rares mimiques.

Malgré la lassitude instaurée par le récit, la star du Réveil de la Force ne cesse d’émouvoir, comme si elle portait en elle le désarroi du monde et sa solitude, à la manière d’une allégorie. Au moins, La Vie rêvée de Miss Fran confirme qu’elle est bien une actrice passionnante, capable de sublimer à elle seule des projets au demeurant peu aboutis.

 

La Vie rêvée de Miss Fran : affiche française

Résumé

Trop terne et programmatique pour tenir sur la durée, La Vie rêvée de Miss Fran est sauvé in extremis par une Daisy Ridley fascinante.

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commentaires
Elaphebolos
13/01/2024 à 18:19

Enthousiasmée par le synopsis, j'ai été très déçue par le film. Déjà, il ne s'y passe vraiment pas grand chose et le message compris est plutôt méchant. Le film laisse entendre que les gens introvertis et timides ont des vies malheureuses et sont dépressifs. Je ne sais pas si c'était l'intention de la réalisatrice mais c'est ce que j'ai ressenti. Pourtant, quelques idées sont bonnes : Fran se sent différente, en dehors. Elle ne s'intègre pas aux discussions superficielles de ses collègues égocentriques. Mais être en dehors des normes sociales ne fait pas de nous des gens qui veulent à tout prix mourir et qui ont des vies vides et misérables...

Sanchez
11/01/2024 à 00:03

Quand on regarde la bande annonce on dirait une parodie d’un film sundance. Mais je l’adore , elle

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