Il reste encore demain : critique d'un braquage féministe à l'italienne

Judith Beauvallet | 16 mars 2024
Judith Beauvallet | 16 mars 2024

Il reste encore demain est un véritable raz-de-marée venu d’Italie, pays où il a tout emporté sur son passage depuis sa sortie sur le territoire en octobre 2023. Avec plus de 5 millions d’entrées, il a coiffé au poteau l’un des succès historiques du pays, La Vie est Belle, mais aussi les bulldozers internationaux Barbie et Oppenheimer. Pourtant, l’actrice Paola Cortellesi n’avait que 5 petits millions d’euros pour réaliser ce premier film dans lequel elle tient aussi le rôle principal. De ces quelques allumettes, elle semble avoir réussi à embraser tout un pays : place à la comédie dramatique engagée et pleine d’espoir dont le monde avait besoin, en salles en France depuis ce 15 mars.

L'art et la manière

Il reste encore demain étonne par ses paris formels, aussi riches que référencés. Empruntant largement à la comédie italienne des années 60, autant par son élégante photographie en noir et blanc que par le ton de ses séquences presque vaudevillesques, Cortellesi insuffle aussi beaucoup de modernité dans son film. Non seulement ses cadres et ses mouvements de caméra viennent casser une tendance qui pourrait être trop théâtrale, mais des morceaux de musique actuelle savamment choisis viennent relever l’ensemble avec goût.

À cela, s’ajoutent aussi des séquences chorégraphiées qui racontent avec une ironie cruelle (mais surtout anti-voyeuriste) des moments de violence conjugale. Cette maîtrise de l’art cinématographique serait impressionnante n’importe où et par n’importe qui, mais elle l’est évidemment d’autant plus qu’il s’agit-là d’une première réalisation, menée à bien avec un budget modeste.

 

Il reste encore demain : photo, Emanuela Fanelli, Paola CortellesiUne première échappatoire entre femmes : les pauses clope

 

Pourtant, il y avait beaucoup à faire pour raconter l’histoire de Delia, une femme vivant dans l’Italie fasciste des années 40 qui fait de son mieux pour survivre aux coups de son mari et pour éviter le même destin à sa fille. Entre émancipation féminine individuelle et sociale, peinture des mœurs classistes d’une époque pas si révolue, dénonciation des violences domestiques...

Sous ses airs de joli petit film souvent drôle, Il reste encore demain n’hésite pas à brasser les sujets lourds et gigantesques avec un ton qui fait mouche. Jamais moralisateur, mais toujours politique, le bijou de Cortellesi enfonce les clous, mais avec le sourire. S’il dépeint l’horreur, c’est pour mieux parler d’espoir, et le spectateur en ressort avec l’envie de soulever des montagnes.

 

Il reste encore demain : photo, Romana Maggiora VerganoRomana Maggiora Vergano incarne la fille de Paola Cortellesi

 

Siamo tutti antifascisti

Parce qu’au-delà de ses effets de style, le film décrit avec précision et justesse des relations humaines particulièrement crédibles, auxquelles il est facile de s’identifier. On pense notamment aux séquences qui réunissent Delia et sa fille : entre mépris de la part de cette dernière et amour inconditionnel de la part de la première, les deux femmes vont se soutenir et s’influencer plus qu’elles ne le pensent face à la loi des hommes. Sans niaiserie et sans dialogues fabriqués, leurs personnages représentent avec exactitude et sensibilité deux âges (l’un bouillonnant et l’autre désabusé) de la femme qui doit se battre pour un avenir meilleur.

Car là est bien la question : même si Il reste encore demain se donne de faux airs de comédie romantique par moments, c’est bien un encouragement à l’action politique qui est finalement porté par le film. En déjouant les attentes du spectateur (qui pense que, malgré des épanchements de sororité, le salut viendra d’un homme), le dénouement du film délivre un message beaucoup plus réaliste et émancipateur que ça. Cortellesi a savamment pensé tous les tenants et les aboutissants de son histoire, et ça se sent.

 

Il reste encore demain : photo, Paola CortellesiL'union fait 

 

C’est pour cette raison qu’il reste aussi efficace et marquant, bien après son visionnage. Et s’il fallait encore s’interroger sur la faculté d’Il reste encore demain à mettre dans le mille sur des sujets importants au travers d’un langage populaire, il suffit de se référer au phénomène qu’il a créé en Italie. En effet, peu de temps après la sortie du film en salles, c’est un énième féminicide (celui de Giulia Cecchettin, une jeune femme de 22 ans assassinée par son ex-compagnon) qui permit de mettre sur le devant de la scène la persistance des violences faites aux femmes décrites dans le film.

À partir de là, Il reste encore demain fut montré dans les universités à travers le pays comme une forme de réponse, de moyen de sensibilisation et d’appel au changement. Pas loin d’être un phénomène de société, donc, mais surtout et avant tout, un excellent film.

 

Il reste encore demain : photo

Résumé

Terriblement politique, terriblement joli, parfois terriblement drôle, Il reste encore demain est le film qui réunit dans sa modestie la poésie du cinéma et la puissance de l'engagement. Que tout le mode coure voir cette réussite !

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Lecteurs

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commentaires
nadou
26/03/2024 à 18:06

je ne comprends pas comment ce film peut être qualifié de chef d'oeuvre.
En sortant du ciné je me suis dit heureusement que je n'ai payé que 5€ ( fête du cinéma)

Maria
24/03/2024 à 18:24

Film magistral
Un bijou!!
À tous points de vue!
On en ressort bouleversé mais heureux!
Un film qui marque
C’est plutôt rare!

EspritErrant
21/03/2024 à 23:54

Bon j'arrive après la bataille (mais vu certain message précédent, c'est pas plus mal) :une belle réussite ce film avec une mise en scène vraiment cool, un drame entremêlés de comédie... j'ai passé une très bonne séance de cinéma.

Domo
19/03/2024 à 22:56

Assez ahuri par les retours globaux sur le film. L'intention est louable c'est sûr, mais j'ai trouvé ça raté à tous les niveaux perso.

Geoffrey Crété - Rédaction
17/03/2024 à 15:14

@Mouais

Ah mais je sais très bien que la susceptibilité fait partie de la longue liste des remarques qu'on nous fait. Ca fait partie du jeu ;)

Mouais
17/03/2024 à 15:02

@Geoffrey : Ok dont acte, et merci pour votre réponse quoi qu'il en soit.

Si vous l'êtes quand même un peu ;) , mais je suis d'accord que vous devez aussi avoir un cuir épais..
Je suis parfois critique, mais trouve que vous faites en général du bon boulot, par ex cet article (et et il faut le dire aussi dans ce sens :))

Geoffrey Crété - Rédaction
17/03/2024 à 14:04

@Mouais

Oh que non. J'ai encore modéré pas mal de messages dégueulasses de week-end (et tout le monde aura son mot à dire sur ce qui devrait être ou ne pas être modéré, on nous fait des reproches dans les deux sens). Quant à notre susceptibilité... franchement si on était réellement sensibles à tout ça, on aurait déjà tous démissionné vu ce qu'on se prend au quotidien depuis des années.

Le système actuel est défaillant (de toute évidence votre message en a été victime), on le sait et j'en ai parlé à de nombreuses reprises. C'est pour ça qu'on a hâte que le nouveau site arrive !

Mouais
17/03/2024 à 13:52

Euuuh pourquoi mon commentaire en réponse au premier, fort problématique (, ridicule) et toujours présent lui à été supprimé ? ^^

Vraiment ya un sérieux problème avec votre modération ^^ ... Vous êtes quand même pas cyniques au point de penser que les commentaires fachos sont nécessaire pour faire tourner votre petite boutique j'espère ^^
(ou vous l'avez pris pour vous, vu votre susceptibilité je comprendrais mais je pense que je faisais assez clairement référence au sien ^^)

Schtroumpfette
17/03/2024 à 12:28

Rintintin, vous êtes vraiment de mauvaise foi.

Rga
17/03/2024 à 08:24

.Un papier récent de "Marianne", sur le climat actuel. "De l’autre côté des Alpes, l'été a été marqué par plusieurs affaires de viols collectifs perpétrés par de jeunes Italiens sur des adolescentes. Cruel et terrifiant rappel de la condition féminine en Italie",. tapez "100 chiens sur une chatte" Francesca avait 19 ans.

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