Tout Guillermo del Toro : Hellboy, le démon mal-aimé

Simon Riaux | 5 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 5 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Retour sur toute la filmographie magique et horrifique de Guillermo Del Toro.

 

DE QUOI ÇA PARLE ?

Hellboy est un démon, sorti des enfers par les nazis dans une ultime tentative de repousser les alliés. Recueilli et élevé dans le plus grand secret par le professeur Broom, il est le membre éminent d'une équipe d'intervention spécialisée dans la neutralisation de menaces supernaturelles. Amoureux de sa partenaire de longue date, une jeune femme plus embêtée qu'autre chose par ses dons de pyrokinésie, il vit une relation compliquée avec son père adoptif, fraternelle avec Abe Sapiens, collègue amphibien et philosophe et adore ses chats.

Ce fragile équilibre va voler en élat quand Raspoutine ramène une poignée de nazis à la vie, dans le but d'ouvrir à nouveau la faille infernale dont est issue Hellboy. Notre héros devra se confronter à sa nature démoniaque, choisir son destin, taper du nazi et ultimement présider au devenir de l'humanité. Un programme chargé comme on dit.

 

Photo Ron PerlmanEt laissez bronzer les cadavres hein

 

LES COULISSES

Adapter l'oeuvre graphique démente de Mike Mignola comptait parmi les projets de longue date chers au coeur de Guillermo del Toro. A première vue, l'amour des monstres, l'univers démonologique et la puissance accordée à une esthétique virtuose font des deux artistes des cousins éloignés. Et si Mignola n'a pas hésité ces dernières années à poignarder un chouia dans le dos le cinéaste, il aura longtemps été un soutien total de sa vision. Gageons que le dessinateur a surtout envie que Hollywood confie sa création à un faiseur qui n'aura l'heur de proposer sa propre interprétation.

Pourtant, Guillermo del Toro est loin de saccager l'oeuvre originale, et Hellboy doit énormément à son abnégation. Les producteurs demanderont par exemple, au prétexte que le public ne pourrait d'identifier à un protagoniste rouge et méconnaissable, que Hellboy ait une apparence humaine classique, puis qu'il devienne une sorte de "démon-garou" ne retrouvant son apparence maléfique que lors des scènes d'action. Le projet est mal compris par ceux qui lui en confient la direction, et Guillermo del Toro doit en permanence lutter pour que son film ne se transforme pas en cauchemar comparable à Mimic (voir notre dossier) dont il avait été totalement dépossédé.

 

Photo Ron Perlman, Selma BlairRon Perlman et Selma Blair

 

En termes d'ambiance et d'esthétique, il y parviendra. Mais le faux personnage principal, bleusaille censée nous aider à nous identifier et nous offrir des repères dans cet univers délirant, porte tous les stigmates du jouet de producteurs frileux et pas franchement géniaux. Mais quand on sait que Vin Diesel faillit être imposé à Guillermo del Toro dans le premier rôle, on se dit qu'il y a de quoi être reconnaissants envers le cinéaste mexicain.

Il va puiser dans plusieurs récits de Mignola et leur apporter son grain de sel pour lier le tout. On retrouve ainsi une intrigue qui reprend des pans entiers de Seed of Destruction, Right Hand of Doom, Box Full of Evil, tandis que certaines histoires courtes, telles The Corpse, sont citées très clairement. A tout cela, Del Toro ajoute une grosse louche de Lovecraft, dans ce qui demeure à ce jour une des tentatives d'adaptations cinématographiques les plus littérales (et réussies) du mythe de Cthulhu.

 

Photo Doug JonesAbe Sapiens

 

POURQUOI C'EST MEILLEUR QUE DANS VOTRE SOUVENIR

Alors que la mode des super-héros était encore (très) loin de battre son plein, que Hellboy était connu des fans de Mignola mais aucunement du grand public, Guillermo del Toro s'avançait sur un terrain bien plus glissant qu'il n'y paraît. Alors que Hollywood a depuis totalement entamé sa mue en faveur de l'Internationale Geek, en 2004, la majeure partie des spectateurs ainsi que la presse n'ont pas la plus petite idée des univers que convoquent le cinéaste. 

Il en irait sûrement autrement aujourd'hui, ou tout un pan de la sous-culture d'hier est venue s'emparer des liminaires et des réunions de production au sein des studios. Mais lorsque débarque le métrage, il est accueilli avec le scepticisme poli d'une foule qui n'entend rien à ce qu'on lui raconte. Gageons qu'il y aurait aujourd'hui beaucoup plus d'excitation autour des ingrédients rassemblés par le metteur en scène.

 

Photo Guillermo del ToroGuillermo Del Toro

 

Plus embêtant, Guillermo del Toro n'a cure de respecter les canons du divertissement hollywoodien, il obéit aux deux principes fondateurs de son cinéma, la focale permanente sur le parcours émotionnel de personnages forcés de s'accepter pour avancer et profère son amour pour les monstres, dont il prend toujours le parti. Autant dire que pour de la SF cheap bourrée d'action sans envergure, on repassera.

 

Photo guillermo Del ToroGuillermo et ses monstres

 

Au contraire, Hellboy est l'histoire intime d'un anti-héros partagé entre ses aspirations, ses origines et son romantisme contrarié, nimbé dans un univers à la richesse thématique à peu près inépuisable. D'où une enfilade de séquences toutes plus belles les unes que les autres. Qu'on invoque les Grands Anciens, qu'une nazillonne rase Raspoutine, qu'un nazi zombie fan de couteaux joue de la découpe, que Hellboy affronte des démons dans les sous-sols de Londres ou qu'il taille le bout de gras avec un morceau de cadavre russe, le film enchaîne les vignettes plastiquement démentielles.

Revoir aujourd'hui Hellboy, c'est mesurer combien s'est écroulé depuis le blockbuster hollywoodien, incapable de se penser comme une expérience visuelle audacieuse, puisque seulement inquiet de devenir un produit exploitable simultanément par tous les publics partout dans le monde. Avec une facilité déconcertante, Guillermo del Toro impose un modèle de créativité absolument bluffant, et ce malgré un rythme un peu plan-plan, des dialogues pas toujours assez affutés et une construction extrêmement classique.

Mais la performance ultra-charismatique de Ron Perlman, l'expérience acquise dans la mise en scène de bébêtes ultra-mobiles sur son Blade, et des décors souvent miraculeux font du film une des créations les plus sous-estimées de Guillermo del Toro. Autant de singularités et de valeur que le futur reboot, actuellement en tournage, semble désireux d'abandonner.

 

affiche

 

Tout savoir sur Guillermo del Toro

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commentaires
Opale
06/05/2019 à 11:29

Je me souviens de ma relative déception à la sortie du ciné pour le premier, je l'ai revu depuis et j'ai un peu de mal à l'apprécier vraiment, en revanche je trouve le deuxième génial, foisonnant d'idées, de poésie et de morceaux de bravoure. Pas vu le remake, pas envie...

Richter
06/05/2019 à 09:15

J'ai beaucoup aimé le premier, un peu moins le deuxième. Je n'ai pas encore vu le reboot mais il ne me dit trop rien surtout avec Milla jovovich dans le coin....

pator
05/05/2019 à 23:56

Comment peut on dire que Del Toro a pondu deux navets?
Des navets comme ces deux Hellboy, j'aimerai en avoir plus à l'écran.
Del Toro Vs Neil Marshall. 2 . 0

Zanta
05/05/2019 à 22:52

Le reboot bien raté se prend actuellement une raclée au box-office, notamment à cause de Avengers 4. Un peu ce qui était arrivé au Hellboy II de Del Toro à l'époque avec The Dark Knight... Comme quoi, y'a une justice.
Bon, allez Universal, reconnaissez votre erreur et rappelez Del Toro. Sony a bien fait marche arrière avec Ghostbusters, après tout.

Mx
01/12/2018 à 13:37

Le film n'est pas un navet, néanmoins je lui préfère le 2, qui lui est un film 100% del toro, autant dans ses thématiques que sur le plan visuel!

Quand à marshall, il a du chemin à faire, car c loin d'être un "auteur" dans le monde de l'horeur!

Number6
01/12/2018 à 07:21

Del Toro a fait ce que Sam Raimi a fait sur Spidey. Et tout comme Singer sur X-men et Nolan sur la trilogie Dark Knight, ils se sont reappropriés les comics sans pour autant les trahir. Et cela a donné de belles œuvres alors si c'est pour avoir des films de ce calibre, je dis oui à la trahison. Bon même si Watchmen reste mon film préféré et que lui c'est du case par case. Quoique la fin...

Decker
01/12/2018 à 05:08

L'article oublie de dire que del Toro a inventé la roue, et qu'il chie des diamants... Non mais sérieux, faut être à coté de la plaque pour affirmer que ce navet (sympatique mais c'est un navet) : "demeure à ce jour une des tentatives d'adaptations cinématographiques les plus littérales (et réussies) du mythe de Cthulhu "... J'en ai entendu des conneries sur Lovecraft mais là si l'auteur en a déjà lu... Pour rappel dans la BD, Hellboy ne sort quasi jamais un mot, ici c'est un gros mongol qui dit que de la merde... Le seul truc réussi du film c'est le Dr Kroener, personnage complétement réinventé mais qui vise juste, le reste étant d'la confiture pour geek ignare.

Babar77
01/12/2018 à 00:10

Les films sont exceptionnels. Ayant lu les comics rien n'est vraiment dénaturé. Del Toro a sublimé les comics tout aussi bons en se les appropriant et en rendant hommage à un certain cinéma et en le faisant renaitre.

Karlito
05/02/2018 à 10:12

Skill33. Vous oubliez que Mignola est derrière et en tant qu'artiste, son graphisme est superbe. Del Toro l'a sublimé certes, mais il a aussi pas mal dénaturé les comics. Quand je lis un commentaire qu'il n'attend rien, que ce sera calibré et patati et patata, Hellboy 2 est était bien calibre avec son comique de situation débile, mais on attend p-e de voir ce que le nouveau film va proposer? Et puis les anglais ont toujours fait des films assez noirs. Si c'est du niveau de Judge Dredd, alors cela risque d'être assez sombre. Si seulement ils arrivent ne serait-ce qu'a respecter les comics, ce sera un bel effort.

Kiki
04/02/2018 à 15:06

Une oeuvre qui réussie à prendre du recul sur le matériau d'origine tout en le respectant et de plus un réalisateur qui nous donne sa propre vision du comic, perso c'est tout ce que je demande et je trouve que Del Toro nous à fait de l'excellent boulot de ce côté là.

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