Ad Astra est (encore) un triste flop pour James Gray

Geoffrey Crété | 27 décembre 2019 - MAJ : 12/05/2023 10:22
Geoffrey Crété | 27 décembre 2019 - MAJ : 12/05/2023 10:22

Le film de science-fiction avec Brad Pitt n'a pas rencontré le public, et rejoint la liste des échecs commerciaux de James Gray.

C'était l'un des films les plus attendus de l'année, et depuis des années puisqu'il a longtemps été retardé et sans date. Et c'est l'un des petits échecs de 2019, puisque le public n'a pas été au rendez-vous. Malgré Brad Pitt en tête d'affiche, Ad Astra n'a pas attiré.

Pour le réalisateur de The Lost City of Z, The Immigrant, Two Lovers et La Nuit nous appartient, c'est encore un flop. Retour sur le box-office du film.

 

 

LE BUDGET d'AD ASTRA

Selon Deadline, Ad Astra aurait coûté entre 80 et 100 millions, en précisant qu'il y a eu 20 millions de reshoots qui ont fait grimper le budget prévu.

C'est de loin le plus gros budget tenu par James Gray, énorme comparé aux 30 millions de Lost City of Z ou aux 20 de La Nuit nous appartient.

Difficile de le comparer à d'autres films, puisqu'il n'a pas grand-chose à voir avec un film de science-fiction à grand spectacle, ou un simple drame. Mais intéressant de noter qu'Interstellar avait par exemple coûté dans les 165 millions, Gravity dans les 120 millions, et Seul sur Mars moins de 110 millions, quand le plus terrien First Man - Le premier homme sur la Lune a coûté moins de 70 millions. En comparaison, et parce qu'il n'est pas aussi axé sur le spectacle, Ad Astra a donc coûté cher.

Aucun mot sur le salaire de Brad Pitt mais à titre indicatif, il a touché 10 millions pour Once Upon a Time... in Hollywood, où il partageait l'affiche avec DiCaprio.

À ce budget s'ajoute le budget marketing, inconnu et pas simple à déduire pour un projet si particulier. Ad Astra a donc sûrement coûté au bas mot 130-150 millions.

À noter que Bona Film Group, une boîte chinoise, couvre 30% du budget selon Deadline, et gère naturellement la sortie en Asie.

 

photo, Brad PittAnalyser les chiffres, en silence

 

LE BOX-OFFICE MONDIAL

127,1 millions. C'est trop peu pour un tel film, et un tel budget. Deadline estimait que le film devait arriver près des 200 millions pour éviter de perdre de l'argent et avec moins de 130, l'opération est forcément dans le rouge.

La comparaison a peu de sens vu les films, mais à titre d'exemple, Seul sur Mars a fini à plus de 630 millions en 2016. Interstellar, plus encore : 677 millions. Gravity, encore plus : 723 millions. Ad Astra fait toutefois mieux que First Man (105 millions).

C'est néanmoins le plus gros succès de James Gray, et de loin, devant La Nuit nous appartient (55 millions), The Lost City of Z (19 millions), Two Lovers (16 millions), The Immigrant (5 millions), The Yards et Little Odessa (environ un million en salles).

 

Photo Brad PittCommission des comptes

 

LE BOX-OFFICE DOMESTIQUE

50 millions. Là encore, plus gros succès de James Gray de ce côté, devant La Nuit nous appartient (28 millions). C'est même une victoire énorme vu les scores habituels de ses films (moins de 9 millions pour Lost City of Z, 2 pour The Immigrant, 3 pour Two Lovers). Mais ça reste peu.

Le film a démarré bien en dessous des projections (environ 7 millions, contre 15-20 prévues). Un début comparable à First Man, qui devait atteindre les 18-25 mais n'a pas dépassé les 16. Sa carrière a donc vite été dans le mur côté domestique, sachant que c'est là que le studio récupère le plus (grossièrement 50%) ; c'est donc un territoire majeur.

La dernière fois que Brad Pitt a si peu intéressé chez lui dans un premier rôle, c'était Alliés en 2016 (environ 40 millions), et bien sûr le naufrage Vue sur mer (moins d'un million).

 

Photo Donald Sutherland, Brad Pitt, Sean BlakemoreLe public américain pas charmé par la séance

 

LE BOX-OFFICE ÉTRANGER

Dans les 77 millions. À nouveau, c'est un record pour James Gray, loin devant les 26 millions de La Nuit nous appartient, des 13 de Two Lovers, des 10 de The Lost City of Z.

Ad Astra a surtout intéressé en France (8 millions), Royaume-Uni (7 millions), Russie (5 millions) et Espagne (5 millions).

Il est sorti début décembre en Chine, et n'a pas brillé : avec moins de 3 millions pour son démarrage, le film n'ira pas très haut. Et ce territoire ne sauvera pas le score final (même si de toute façon, c'est là où un studio américain récupère le moins, grossièrement 1/4 des recettes).

 

photoDéception en territoire étranger : le vide

 

LE BOX-OFFICE FRANÇAIS

Plus d'un million d'entrées. C'est le plus gros succès du cinéaste, devant La Nuit nous appartient (863 000 entrées), et Two Lovers (835 000 entrées). Et c'est beaucoup plus que ses derniers puisque The Immigrant et Lost City of Z n'ont pas atteint les 400 000 entrées.

C'est également plus que First Man (environ 807 000 spectateurs).

 

Photo Ruth Negga, Brad PittAu moins quelques compagnons de voyage

 

LE BILAN

Un film qui a coûté dans les 130-150 millions, en a rapporté 50 côté domestique et 77 dans le reste du monde, pour un total de 127 au box-office : l'opération est forcément dans le rouge.

Deadline estimait une perte d'environ 30 millions si Ad Astra arrivait à 150 millions en salles. Autant dire que ce sera plus dans les 50-60 millions là. Tout ça va donc coûter cher aux financiers, notamment Regency Enterprises, Bona Film Group et Plan B Entertainement (la boîte de Brad Pitt).

 

photoLes responsables fuient les responsabilités

 

LES RAISONS

La première : Ad Astra n'est pas un film "facile" à vendre et consommer. Il y a Brad Pitt certes, mais c'est un Brad Pitt esseulé, quasi muet et lancé dans une mission mélancolique dans l'espace. Peu, voire pas d'action véritable, mais une quête existentielle. Ce type de programme est celui d'un film d'auteur, pas d'un film à 80-100 millions. Par nature, c'était un gros pari. Surtout avec un réalisateur si peu suivi en salles. Un peu comme Blade Runner 2049, autre coup osé qui n'a pas été à la hauteur côté business, Ad Astra n'avait donc rien de facile.

La deuxième : comment vendre ce film si inhabituel sans perdre le public qui aimera ce conte presque philosophique, sans énerver ceux qui pourraient être bernés par la promesse d'un gros film de science-fiction ? Le marketing est souvent blâmé en cas d'échec en salles, mais difficile de ne pas imaginer le casse-tête des équipes pour placer Ad Astra dans sa promo. Le visage de Brad Pitt a été utilisé dans tous les sens comme principal argument, mais même avec ça, l'opération n'a pas été simple.

L'évolution des affiches est à ce titre très parlante : un premier poster abstrait avec un astronaute perdu dans le noir de l'espace... puis un gros plan très impersonnel de Brad Pitt dans son casque... puis la même, mais avec plus de couleurs, une grosse fusée et de gros rovers en pleine poursuite. Ne manquait plus que le visage de Liv Tyler comme promesse d'une romance pour aller jusqu'au bout de la blague.

Ils ont pourtant essayé d'attirer l'attention, avec notamment un appel de 23 minutes entre Brad Pitt et un astronaute sur la Station Spatiale Internationale, en direct sur la chaîne YouTube de la NASA.

 

Photo Brad PittObjet marketing dans son élément naturel

 

Enfin, un autre facteur a pu jouer. Ad Astra est un film New Regency, qui avait un deal avec la Fox pour la distribution. La Fox a été récupérée par Disney, qui a donc eu un rôle à jouer dans la sortie. X-Men : Dark Phoenix et Wedding Nightmare sont d'autres films pris dans ce tourbillon de business.

Le chemin jusqu'à une sortie en salles n'a pas été aisé. Censé sortir en janvier 2019, puis en mai, il a finalement été repoussé à fin septembre après avoir été présenté à Venise à la fin de l'été. James Gray en parlait clairement avec The Los Angeles Times en août dernier : « Je ne vais pas mentir, c'est étrange de faire un film de science-fiction pour adulte et que ce soit l'entreprise Disney qui le sorte. Mais ceci étant dit, ils ont été fantastiques. Ils adorent le film, ils l'accueillent vraiment avec enthousiasme. Ce que les gens ne comprennent pas quand ils demandent : "Où est ton film ?", c'est que mon film est une broutille dans un deal à 71 milliards entre deux géants. Et je ne pense pas que les gens comprennent ça. C'est une situation bizarre. »

 

Photo James GrayJames Gray lost dans sa city of Zéro peanuts en salles

 

Cathleen Taff, présidente de la distribution de Disney, déclarait à Deadline que le film n'était certes pas pour tout le monde, mais qu'il était excellent et méritait d'être vu sur grand écran. D'où les écrans IMAX sur une partie du circuit, là encore pour insister sur le spectacle.

Conséquence du deal entre Disney et Fox, ou banale négociation avec les producteurs : plusieurs éléments ont été changés pour arriver à la version sortie en salles. Notamment la fin, qui devait arriver dès que le héros se crashe sur Terre, et qu'il attrape une main tendue vers lui. Une conclusion jugée trop sèche et dure, ce que Gray a entendu. Il a donc rafistolé avec quelques scènes pour terminer le récit de manière plus douce. Le cinéaste insiste pour dire que ce sont de compromis classiques sur un film - et d'autant plus logique pour un tel budget. Certains seraient d'avis que pas mal d'autres éléments semblent avoir été incorporés de force dans le film, pour lui donner un peu d'action et de spectacle. Aucun mot officiel sur ça.

 

Photo Tommy Lee JonesTommy Loin Jones

 

LES CONSÉQUENCES

Où va aller James Gray après ça ? Ad Astra était un gros pari, et difficile de croire qu'il aura une nouvelle occasion de décrocher un tel budget après cet échec commercial. D'autant que le film a jusque là été parfaitement ignoré des cérémonies prestigieuses, histoire d'enfoncer le clou - à noter que Brad Pitt avait déclaré ne pas vouloir participer à une quelconque campagne en ce sens, pour ce film ou Once Upon a Time... in Hollywood... ce qui ne l'a pas empêché d'être nommé aux Golden Globes pour le Tarantino.

Actuellement dans une parenthèse opéra à Paris, puisqu'il met en scène Les Noces de Figaro au théâtre des Champs Elysées, le réalisateur a déjà d'autres projets sur le feu : Je suis Pilgrim et Armageddon Time.

Annoncé en avril 2018, le premier est étonnant puisque c'est un thriller d'espionnage, adapté de Terry Hayes. Il suit un ancien agent secret qui sort de sa retraite parce qu'un fou furieux menace de déclencher une épidémie de variole aux États-Unis, en s'inspirant d'un livre qu'il avait écrit sur la criminologie. Un projet développé par la MGM, qui y verrait une future franchise d'espionnage à la James Bond.

 

Photo Joaquin Phoenix, Eva MendesUn petit succès type La Nuit... serait bienvenu

 

L'autre, annoncé en mai 2019, est parfaitement dans ses cordes. Il s'agit d'une histoire semi-autobiographique, sur son éducation dans le Queens des années 80, lorsqu'il était dans l'établissement privé de Kew-Forest School. RT Features, la société derrière Ad Astra, est censée le produire... même si tout ça a été annoncé avant le bide du film de science-fiction.

Le non-succès d'Ad Astra va-t-il créer des doutes chez RT Features ou MGM ? Armageddon Time et Je suis Pilgrim vont-ils se concrétiser, et si oui, lequel en premier ? Affaires à suivre.

 

Tout savoir sur Ad Astra

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commentaires
T-Rex
02/01/2020 à 11:40

Très beau/bon film mais effectivement mal vendu, moi-même je pensais aller voir un film d'action dans l'espace et ai été surpris de découvrir ce film-ci. Pour ma part, agréablement surpris mais ce n'était apparemment pas le cas de la plupart des spectateurs présents...

Lili124
01/01/2020 à 07:13

À lire les commentaires, on se rend bien compte que ce film n'est pas pour les neuneus. Ce qui réduit dramatiquement son potentiel commercial. La dimension symbolique d'un parcours passe mal auprès d'un public qui ne comprend plus très bien ou va un film de SF lorsque les personnages n'utilisent pas La Force, ne volent pas, ne lancent pas des éclairs ou ne terrassent pas un gros méchant tout bleu à la fin (des films où les "incohérences techniques grossières" ne dérangent personne )

Omaire
31/12/2019 à 08:46

Il y a des incohérences techniques grossières et les scènes rapportées sont grossièrement rapportées. Les pirates sortis de nul part, etc..
Dommage ça aurait pu etre un bon film

greg67
30/12/2019 à 12:00

J'ai adoré Ad Astra.
Quelques scènes ont certainement été ajoutées à la demande du studio (singes de l'espace) mais ça reste dans l'esprit quête spatiale.

MystereK
30/12/2019 à 11:57

THIERRY A, bien que 'ai beaucoup aimé le film, certains points que vous souvelez me semblent très pertinents. Par exemple, la voix OFF est trop présente et quelque fois redondante, par contre, je n'ai pas trouvé que tout ce que vous mentionnez devrait forcéement être expliqué comme la piraterie, cela existe, pas besoin de plus de détail, comme les pirate existent au large de la Somalie et joue leur rôle de pirate sans que j'en sache tous les tenant géopolitiques... L'autre point oû je diverge d'avec votre analyse, c'est la réflexion du père sur la non existence d'autres formes de vie, c'est une conclusion que beaucoup ont dans la réalité pusque nous ne pouvons observer depuis la Terre aucune autre forme de vie, elle n'engage que lui comme elle n'engage que ceux qui sur Terre pensent cela aujourd'hui, elle n'est pas plus illogique que ce que pense ces personnes ici, il a juste exploré l'espace un peu plus loin que ceux qui l'affirme les pieds rivés sur notre planète. D'ailleurs il y a plein de nouvelles et roman où l'on imagine une planète vide parce qu'on a attérit dans un endroit déesert ou parce qu'on a pas réussi à reconaitre une forme de vie différente, ela peut être aussi dû à la lassitude de la recherche, à la démotivation, à la dépression. Mais il y a beaucoup de choses cousues de fils blancs, vous avez raison, ce qui empêche le film d'être génial.

Je vous ai lu jusqu'au bout parce que ce que vous aviez à dire était intéressant :) Bone journée.

MystereK
30/12/2019 à 11:44

MYSTEREWC non, juste à remettre l'église au milieu du village et à rappeler à des gens comme vous que les goûts des uns et des aurtes cela se repscte parce qu'aucun de nous ne possède la science exacte de ce que doit ou pas aimer l'autre. Mais apparement, vous ne comprenez pas ce que signifie le mot respect en regarde de votre réponse.

Madolic
30/12/2019 à 10:50

J'ai adoré lost city of Z, celui là je l'ai trouvé très chiant avec un vrai problème de rythme.

bit2boule
30/12/2019 à 10:27

James Gray ou le réalisateur de nanars le plus bankable d'hollywood. Il fait des mauvais films, des bides aux box-office mais arrive toujours à se vendre et à faire des films. C'est un roi du nanar comme on en fait plus. C'est le Uwe Boll américain et ça c'est un exploit. Hâte de voir les prochains nanar en puissance.
Sa filmographie force le respect. Well done mon Uwe Boll américain.

sylvinception
30/12/2019 à 00:22

"Où va aller James Gray après ça ?"

Sur Netflix pardi !!

Alyon
29/12/2019 à 15:04

@thierry A je t'ai lu et suis d'accord sur tous les points. J'aurais pas dit mieux.
Quel ennui, une fin qui laisse pantois dans son traitement.

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