La romance qui nous a tous bernés : The Crying Game, par le réalisateur d'Entretien avec un Vampire

Axelle Vacher | 25 janvier 2024
Axelle Vacher | 25 janvier 2024

Deux ans avant son iconique Entretien avec un Vampire, Neil Jordan surprenait le public avec The Crying Game, une romance hitchcockienne sur fond de guerre civile.

Si les questions d’identité, de genre et par extension de transidentité n’ont rien de bien nouveau sous le soleil, Hollywood a gentiment pris son temps avant de songer à les aborder concrètement. C'est que le chemin à effectuer depuis le slogan "I changed my sex !" du docudrame Louis ou Louise dirigé par Ed Wood en 1953 n'a rien eu d'une promenade de santé ; pourtant, et comme le mentionne très justement Traci B. Abbott, dans son ouvrage The History of Trans Representation in American Television and Film Genres, la figuration de tels personnages n'a rien d'un "phénomène récent" dans le monde merveilleux du cinéma américain..

Mais ce n'est pas tant l'idée selon laquelle ces personnages se manifestent ou non au sein de divers récits que leur portrait qui importe. Dans un entretien accordé à Refinery29 en 2017, l'acteur, réalisateur et scénariste Jake Graff a par exemple argué que les femmes transgenres ont trop longtemps été représentées comme "des travailleuses du sexe, des meurtrières, des corps traînés dans une civière, ou encore l'objet de moqueries diverses".

Une observation juste, dont les avancées en dents de scie ont notamment été rendues possibles par quelques figures de proue considérées, en leur temps, comme progressistes. Parmi elles, l'oeuvre oscarisée de Neil Jordan, The Crying Game ; avec tout ce qu'il implique de qualités, de défauts, et d’entre-deux.

 

The Crying Game : photo, Jaye DavidsonThe guessing game

 

she's the man

Au vu des discours générés par les tenants et aboutissants de l'intrigue, il n'est guère nécessaire d'avoir vu The Crying Game pour être au fait de son désormais célèbre bouleversement narratif. Néanmoins, à sa sortie en 1992, le film fait l'objet d'un véritable tapage médiatique. Initialement présenté au public comme une romance juxtaposée au conflit nord-irlandais, ce synopsis dissimule un tout autre récit.

Peu après la diffusion du film dans différents festivals internationaux, les colonnes spécialisées prennent un malin plaisir à faire mention d'une supposée scène-choc, laquelle changerait drastiquement la tonalité globale du film. Fort de cette opportunité marketing, Miramax décide d'en exploiter franchement le filon, et construit toute sa promotion autour du secret, tout en prenant soin de réclamer au public d'en taire les détails.

 

The Crying Game : photo, Jaye Davidson"Spoilers, darling"

 

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commentaires
Eomerkor
25/01/2024 à 14:34

"supposée scène-choc, laquelle changerait drastiquement la tonalité globale du film."
A l'époque oui. Et en relisant certaines critiques datant d'il y a dix ans on peut voir que cette scène était encore considérée comme choc quand le terme "Transgenre" était marginal. En fait le choc de l'époque vient finalement plus du fait qu’on s’attend à ce que Fergus rencontre la femme du soldat britannique - qu’on imagine « cisgenre » - que de la scène en elle-même (on commence à voir des indices dans le bar). Le ton du film change bien à partir de ce moment en passant d'un film policier dans un contexte de tension en Irlande du Nord à un film plus axé sur la tolérance et l'acceptation de l'autre. Le fond de lutte entre membres de l'IRA accentue encore le parcours de Fergus qui se retrouve de nouveau en rejet des ses valeurs passées et ses à priori. Si Entretien avec un Vampire reste culte pour son ésthétique et son casting, je lui préfère Crying Games et la Compagnie des Loups (ce dernier étant subtilement dérangeant et provocateur). Un film à revoir en prenant en compte son contexte tant il serait impossible de le refaire aujourd’hui sans entraîner un flot de réaction.