Festival Cinespana de Toulouse : Sotabosc, Viaje al cuarto de una madre, Lo que diran

Christophe Foltzer | 11 octobre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 11 octobre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après le petit coup de coeur que fut La maladie du dimanche hier, on se demandait bien ce que le festival nous gardait en réserve. Et on peut dire qu'on n'a pas été déçus.

 

photo SotaboscSotabosc

 

SOTABOSC

Avec Sotabosc, second film de David Gutiérrez Camps (après The Juan Bushwick Diaries en 2013), c'est un visage plutôt inhabituel de l'Espagne qui nous est présentés. En l'occurrence celui de Musa, jeune mauritanien, vivant tant bien que mal dans les environs de Gérone. Un quotidien fait de cueillette et d'attente, dans l'espoir de décrocher un travail qui ne viendra probablement jamais.

Ce qui frappe d'emblée, c'est l'ambiance post-apocalyptique qui se dégage du film, avec son brouillard épais, sa grisaille, ses rues désertes et ses humains qui ne sont que figures fantomatiques. Et cela fonctionne plutôt bien, ça installe tout de suite l'ambiance. Malheureusement, le film se perd quasi immédiatement. Dans sa volonté de coller au plus près de son sujet, Sotabosc oublie qu'il doit aussi raconter une histoire et nous concerner avec de vrais personnages.

Cette approche quasi documentaire ne poserait aucun problème s'il se passait autre chose que Musa qui grimpe aux arbres, Musa qui fauche en forêt, Musa qui fait ses courses, Musa qui attend. Bien sûr, tout cela veut dire quelque chose et le propos de fond sur le rapport à l'étranger et à la misère est très intéressant, mais il est totalement handicapé par une forme qui oublie les codes primaires de la narration. A moins qu'il s'agisse d'une réelle volonté du réalisateur et que nous n'ayons rien compris. Ce qui est tout aussi possible.

 

photo Viaje al cuarto de una madreViaje al cuarto de una madre

 

VIAJE AL CUARTO DE UNA MADRE

Par un effet d'ironie saisissant, le film suivant nous montre que ce que l'on pouvait reprocher à Sotabosc est loin d'être impossible. Premier long-métrage de Celia Rico Clavellino, Viaje al cuarto de una madre nous invite dans le quotidien d'une mère et de sa fille. Encore marquées par le décès du père, les deux femmes vivent en vase clos, dans leur appartement alors que la jeune Leonor arrive à un âge où elle souhaite partir de la maison. C'est en décidant de devenir jeune fille au pair à Londres qu'elle va remuer le fragile équilibre entre elles.

Que voilà un film tout simple sur la forme mais tellement riche dans le fond. En effet, s'il ne paye pas de mine de prime abord, Viaje al cuarto de una madre se révèle être une excellente étude sur la dépendance affective et le rapport fusionnel entre parents et enfants. Il possède d'ailleurs cette grande intelligence de ne jamais surligner le trait, de ne jamais forcer le propos, tout en permettant aux personnages d'exister dans leur cadre étouffant. Se passant presque exclusivement dans un appartement, il utilise la géographie de son décor avec une grande intelligence, enrichi d'un souci du détail assez impressionnant. Il est servi qui plus est par deux extraordinaires comédiennes : la magistrale Lola Dueñas et l'excellente Anna Castillo.

Tourné à l'économie, Viaje al cuarto de una madre prouve à qui en doutait que ce n'est pas la grandiloquence formelle qui fait les bons films et se conclut en toute simplicité sur un adage bien connu : "Less is more".

 

 

photo Lo Que DiranLo que diran

 

LO QUE DIRÁN 

Changement de registre pour le dernier film de la journée puisque nous sommes allés voir ce qui se passait du côté de la compétition des documentaires pour y découvrir Lo que dirán, premier film de Nila Núñez. A l'occasion d'un travail de fin d'études, deux lycéennes musulmanes d'un établissement de Barcelone décident de se poser la question du voile. L'une porte le hijab et est issue d'une famille pakistanaise traditionaliste tandis que l'autre, marocaine, s'est rebellée contre son éducation pour vivre comme n'importe quelle occidentale.

Dans ce film remarquable, la réalisatrice laisse la part belle à ses intervenantes et dévoile une intimité loin des clichés. Ce très beau film évite ainsi l'écueil de la critique de religion. Bien sûr, l'Islam est au centre mais n'est traité qu'en toile de fond. Il s'agit plus en effet ici de comprendre les deux points de vue, à hauteur d'adolescente, de comprendre les choix de vie et que, évidemment, cette histoire de voile est beaucoup plus complexe que ce que les médias veulent bien nous en dire.

Toujours sur le fil, ambivalentes dans leurs discours, ces deux adolescentes représentent à elles seules le nouveau rapport au hijab et à la religion, empreint de modernité, influencé par les réseaux sociaux et qui a du mal à se faire accepter par la génération précédente. Si l'on y voit un discours libertaire évident, le film a la grande intelligence d'également mettre en lumière le poids inconscient de l'éducation et du discours matraqué depuis l'enfance. Nous nous retrouvons avec des personnages dans une situation contradictoire qui aspirent à la liberté tout en se conditionnant déjà à ce que l'on attend d'elles. Troublant et passionnant, soulevant une vraie réflexion qui plus est nécessaire. Un très beau film.

 

A suivre...

 

photo Cinespana

 

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