Test - Tunic : une perle indé à ne surtout pas manquer
Né sous le nom de Secret Legend sous la forme d'un one-man-show en 2015, Tunic a fini par rapidement faire parler de lui sur la scène indé, puis sur la grande scène JV internationale. Hommage complètement assumé à la saga Zelda et aux jeux d'aventures de l'ère 8-16 bits, le titre développé par Andrew Shouldice s'est révélé bien plus riche qu'un simple aveu d'adoration pour ses aînés, au point d'attirer tous les regards, et de presque voler le show de la scène indé lors de l'E3 202. Caché dans un emballage tout mignon, le titre montre des trésors d'inventivité, doublé d'une profonde réflexion sur le deuil et le souvenir. Disons-le sans détour : Tunic est une petite merveille.
Amour, Gloire et beauté
Au son d'une douce mélodie aux accents délicats, un jeune renard anthropomorphe s'éveille sur une plage. Ses pattes presque dans l'eau, il jette un coup d'oeil rapide aux alentours. Le soleil couchant teinte de couleurs automnales le paysage, et recouvre l'escalier d'un éclat cuivré. Sa présence sonne comme un appel : l'aventure débute par une première marche franchie.
Dès les premiers instants, impossible de ne pas penser au cultissime The Legend of Zelda : Link's Awakening. De la mise en scène à l'accoutrement de ce jeune Vulpes Vulpes, tout renvoie au titre inoubliable de Nintendo. Tunic connait ses racines, et les assume. Les habitués de la saga de Nintendo ne seront pas dépaysés : collecte d'items, attribution aux boutons de son choix. Certains objets permettent d'atteindre des zones auparavant inaccessibles...
L'exploration d'un monde qui parait de plus en plus vaste, le combat en temps réel, la découverte de trésors : les briques de gameplay essentielles de la saga phare de Nintendo sont bel et bien présentes. Et pourtant, Tunic ne se contente pas de citer ses pairs, et ne s'encombre jamais d'un quelconque passéisme. La grande odyssée de ce petit renard est éminemment moderniste.
Un début d'aventure aux accents Zeldaesques
Afin de réactualiser son propos et son approche du jeu d'aventure, Andrew Shouldice, le concepteur de Tunic, est allé piocher quelques ingrédients chez les ténors du jeu d'aventure-action moderne, et de l'action-RPG contemporain. Ainsi, le combat et le level-design se sont enrichis de mécaniques et structures tout droit venues de la série des Souls de FromSoftware. Sans avoir à faire avec un véritable Dark Souls, un feeling "Souls-lite" est bien présent, particulièrement lors des affrontements avec la nécessité d'avoir une bonne gestion du timing et de ses déplacements pour remporter la victoire.
Quant au game-design, sans jamais parodier ni même piller cette solide référence, il renvoie à FromSoftware par son intelligence, sa conception qui joue avec la verticalité des structures à explorer, à ses points de sauvegarde avec système de respwan d'ennemis intégré, et par la présence de très nombreux raccourcis qui sont à découvrir lors de l'exploration du monde qui nous est offerte. Et quel monde ! Difficile d'énumérer les moments d'émerveillement tant ils sont nombreux.
Quand on met trop d'huile sur le feu (de camp)
Le Diable dans les détails
Outre la beauté graphique du titre, née d'une splendide présentation low-poly chiadée au possible, sublimée par une 3D isométrique soignée, c'est la direction artistique merveilleuse du titre qui emporte totalement le joueur dans un autre monde. Qu'il s'agisse de caves humides, de jardins en ruines évoquant les jardins suspendus de Babylone, ou des étendues enneigées menant à d'étranges carrières souterraines, tout coexiste dans un monde organique, cohérent, et magique. Chaque instant d'enchantement est suivi par une insatiable soif de découverte.
Une fois la manette en main, l'envie de découvrir tous les secrets de Tunic est inarrêtable. Cette boulimie de découverte est en permanence stimulée par une foule de détails subtilement disséminés autour de l'avatar du joueur. De sa bande-originale somptueuse composée par le génial Lifeformed (on veut cet OST en vinyle immédiatement), aux designs des vestiges architecturaux, tout a été soigné dans les moindres détails, afin de produire une ambiance quasi magique, voire mystique.
La libération ressentie à la sortie d'un donjon sombre et humide
La magie est tout autant visuelle qu'auditive, mais aussi dans le gameplay du soft d'Andrew Shouldice. Rarement une boucle de gameplay aura été aussi bien conçue. Sans atteindre la maestria d'un titan comme Elden Ring, l'équilibre entre exploration, combat et récompense relève d'une maitrise exceptionnelle. Tunic ne s'avère jamais trop frustrant, et sait rétribuer à la persévérance à la hauteur de l'attente et de l'effort fourni.
Tunic est une substance vidéoludique hautement addictive, qui ne se limite aucunement à son gameplay ou à son monde, aussi riche et vaste soit-il. Au-delà de l'habillage naïf et bon enfant du titre, sans aucune notion négative associée, le jeu recèle un propos mûr, réfléchi et une poésie mélancolique inattendue.
Après une première partie de jeu qui aurait pu se suffire à elle-même tant elle est dense et conçue avec amour, la seconde partie de l'aventure montre une maturité insoupçonnée, et amène un récit qui peut sembler n'être qu'un prétexte à l'aventure à une tout autre portée. Alors que l'on croit approcher de la fin du titre, après une aventure déjà réjouissante, le jeu assène un grand coup dans sa structure narrative, et redéfinit au passage son level-design. On le croyait moribond, mais non, il se redresse et adresse un message au joueur : "La mort n'est pas la fin".
Un clin d'oeil au Château dans le Ciel ?
Une oeuvre (t)unique
Tunic révèle ses trésors d'items au joueur qui explore son monde de fond en comble, mais son véritable trésor est la réflexion poignante sur le deuil et sur le souvenir offerte à celui qui persévère dans son aventure. Loin de se vautrer dans une quelconque tristesse qui s'auto-alimente de la douleur de la perte des êtres aimés, le jeu de Shouldice fait le choix de donner le secret de l'immortalité : le souvenir. Par-delà la perte et la disparition, un autre monde existe : celui du souvenir des êtres chers, qui assure leur subsistance au-delà du trépas.
À l'instar d'un Spiritfarer, le soft construit son propos avec finesse et sobriété, sans jamais verser dans le larmoyant, malgré des instants forts en émotion. Car c'est ce qu'est Tunic : le véhicule d'un panel d'émotions fortes, allant de la joie d'avoir terrassé un adversaire faisant dix fois la taille du héros, à l'attendrissement déroutant provoqué par certaines scènes. Il s'agit bien là de la marque des grands jeux.
Le puits des âmes, version renard
Avec une économie de moyen incontestable, puisqu'il s'agissait tout d'abord d'un jeu développé par une seule personne avant d'avoir le soutien de l'éditeur Finji, Andrew Shouldice a réalisé un tour de force. Le titre fait partie de ces belles oeuvres portées par la vision d'un grand créatif. Il a une identité forte, et est bourré de trouvailles géniales jamais vues ailleurs.
Sans trop en révéler, car cela serait gâcher l'expérience, Tunic s'affranchit d'un tutoriel pour proposer aux joueurs de reconstituer un livret de jeu virtuel, en récupérant les pages perdues d'un mode d'emploi qui servira tout autant de guide que de nouvelle énigme à résoudre. De même, le concepteur a fait le choix de concevoir un alphabet composé de glyphes mystiques pour le jeu, qui ne livreront leurs secrets qu'au prix d'un investissement personnel des joueurs.
Le souvenir des livrets déchirés trainant au fond des boites de jeu
Last but not least, si on ne peut que saluer le level-design de Tunic, celui-ci ravira plus encore les joueurs de la scène speedrun. Le jeu est en effet taillé pour le stream et plus encore pour les amateurs de records de courses. Regorgeant de raccourcis en tout genre, de possibilité de cheeser certains boss, et de skipper des pans entiers de donjons en empruntant des portes ou des couloirs dérobés, son avenir semble déjà assuré sur cette scène vidéoludique.
Malgré ses atours qui peuvent sembler fragiles, à l'image de son héros si frêle de prime abord, Tunic est une oeuvre puissante et solide, qui tient sa propre identité, bien au-delà de ses maitres et inspirations. On lui pardonne aisément ses petits défauts. Parfois il perd un peu ses joueurs, et cette 3D isométrique, aussi belle soit-elle, sert parfois un peu trop à cacher des sentiers dérobés, on aurait préféré pouvoir faire pivoter la caméra librement. Mais tout cela n'est que détail. On a qu'une hâte : voir jusqu'où Shouldice va aller, car il a tout pour être le prochain Fumito Ueda ou Jonathan Blow.
Ce test a été réalisé à partir d'une version fournie par l'éditeur. Tunic sera disponible à partir du 16 mars 2022 sur Xbox One et Series X|S, ainsi que sur PC
Lecteurs
(1.4)17/03/2022 à 11:12
Pas sur Switch ??? Quel dommage....
17/03/2022 à 10:32
Sans oublier qu'il est dispo day One dans le Gamepass