Most Dangerous Game : critique du mauvais Squid Game d'Amazon

Camille Vignes | 30 septembre 2021 - MAJ : 30/09/2021 14:52
Camille Vignes | 30 septembre 2021 - MAJ : 30/09/2021 14:52

Pendant que Squid Game bat des records sur Netflix, un autre jeu sadique est arrivé. Disponible sur Amazon Prime Video, Most Dangerous Game avec Liam Hemsworth mise sur ce concept rincé de la chasse à l'homme, prenant comme théâtre de sa bataille la ville de Detroit. Conçu à l'origine come une série pour Quibi aux Etats-Unis (15 épisodes de moins de 10 minutes), remonté en un film pour arriver sur Amazon, ce jeu dangereux est pourtant très inoffensif et oubliable.

UN JEU MORTEL-LEMENT ENNUYEUX

Qu’est ce qui aujourd’hui peut encore motiver les réalisateurs, les scénaristes et les producteurs à adapter cette fameuse histoire de chasse à l’homme qui a plus de 100 ans ? Depuis la première parution en 1924 du Plus dangereux des gibiers (The Most Dangerous Game dans sa version originale) de Richard Connell, combien de films l’ont racontée, plus ou moins littéralement ?

Les Chasses du comte Zaroff en 1932, A Game of Death en 1945, Bloodlust en 1961, Confession of a Psycho Cat en 1968, The Woman Hunt en 1973, The Hunt en 2020, ou même des versions plus librement inspirées comme Hunger Games : le concept de l’homme chasseur d’homme a été quand même déjà bien essoré, et plusieurs fois repensé et modernisé. Que ce soit par l’action, l’horreur ou le thriller, dans de petites séries B ou des blockbusters, le cinéma se lampe de cette histoire depuis environ 90 dix ans. Difficile alors d’évoluer sur un terrain aussi miné sans tomber dans le simple plagiat, ou l’attendu et le convenu.

Pour y échapper, il faut faire dire quelque chose de nouveau à cette histoire, ou à défaut, quelque chose d’un minimum intéressant et amusant. Mais encore faut-il investir son scénario, sa réalisation, sa photographie, son montage ou encore la caractérisation de ses personnages. Alerte spoilers : ce n'est absolument pas le cas de ce Most Dangerous Game, adaptation ratée de Richard Connell supervisée par Nick Santora (notamment passé sur Prison Break et co-scénariste de Punisher: War Zone)

 

photo, Liam HemsworthPowerpoint sur le nombre de films sur le sujet

 

CHASSE D'EAU

Most Dangerous Game fait d’emblée montre d’une mollesse et d’un manque frappant de savoir-faire dans la gestion du suspense, et la mise en place de l'histoire. Rendez-vous en flashforward entre un homme désespéré et un chef d’entreprise cliché dans un building de grand vilain business man ; argumentaire axé sur le pognon, le pognon, encore le pognon ; whisky hors de prix à la main... la présentation de notre héros et de son antagoniste n’a rien d’innovante, ou même d’intéressante, surtout quand s’affiche à l’écran le classique "Quelques jours plus tôt" à la fin de la séquence.

S’ensuit la réelle introduction de notre bon héros, américain modèle incarné par Liam Hemsworth, qui s’adonne à une course sportive quotidienne (comme c'est pratique, lui qui va devenir une proie, chassée dans les rues de Detroit). Sa femme (pauvre Sarah Gadon) est enceinte, mais il est fauché comme les blés, notamment à cause d'un immeuble en construction qu'il a sur les bras après un mauvais concours de circonstances. Et en plus, le pauvre découvre qu'il a une tumeur au cerveau, et va rapidement passer l'arme à gauche.

Le destin met néanmoins sur sa route la mystérieuse société Tiro Fund, censée pouvoir l'aider à gérer ce cauchemar grâce à un jeu tordu de survie de 24 heures dans la ville. Avec à la clé, une grosse somme d'argent.

 

photo, Liam Hemsworth, Christoph WaltzWaltz, change d'agent

 

Une caractérisation aux petits oignons, d’une originalité renversante, et qui annonce en toute subtilité le lieu du grand final. Le casting de Christoph Waltz en bad guy était certainement un indicateur de l'imagination à l'œuvre ici.

Dès lors, Most Dangerous Game se meut en un florilège de clichés gênants. A commencer par les personnages féminins aussi fades qu’inutiles, incapables de passer le test de Bechdel (test reposant sur trois critères pour mettre en évidence la sous-représentation des personnages féminins dignes de ce nom dans une œuvre de fiction). Et sans oublier les énormités de type l’asiatique douée en arts martiaux, l’anglais tiré aux quatre épingles, l’américain beauf et le noir sauvage, littéralement mis en cage.

Ce Game est un bond d’une bonne vingtaine d’années en arrière. Et, rassurez-vous, jamais rien ne vient rattraper l’ensemble pour aller vers la satire ou pour apporter un regard intéressant sur tout ça. Mais ce n'est même pas ça le vrai problème de Most Dangerous Game.

 

photo, Liam HemsworthComme un coup d'épée dans l'eau... ou de tournevis dans la vitre 

 

COURS FOREST COURS

Ce qui aurait pu aider (peut-être pas sauver non plus) Most Dangerous Game : un peu plus de poigne et de maîtrise côté scénario. Après deux bons tiers d’un film passablement mauvais et même pas mémorable dans ses ratés, il faut bien trouver un moyen de garder l'attention de son public, alors au bout du rouleau. C’est là que Most Dangerous Game plonge définitivement vers la nullité, avec des retournements de situation malheureux et grossiers.

Ainsi, l’homme derrière toute cette machination se retrouve propulsé au rang de grand manitou, capable d’investir toutes les arcanes de la vie de ses potentielles victimes. La tumeur soi-disant inopérable du héros se transforme donc en machination retorde, faite pour manipuler ce dernier et l’influencer dans son "choix" de consentir à devenir du gibier humain. Et un doute lancé sur un meilleur ami tourmente le personnage cinq bonnes minutes, avant d’être balayé d’un revers de la main.

 

photo, Liam HemsworthLiam quand il retrouve son agent

 

En étant de très bonne humeur, il y a des choses à ne pas jeter d'exaspération dans ce Most Dangerous Game. Le film s'en tire relativement bien côté action, sans jamais sortir des sentiers les plus balisés du genre. Et visuellement, ça reste dans les clous, exeptées certaines incrustations ou une scène de chute digne de celle du meilleur démon de Charmed renvoyé aux enfers. Mais il n'y a vraiment que ça qui tient la route pour séduire le public.

Prendre une ville pour théâtre d'une chasse à l'homme ne devrait pas être un choix hasardeux. D'autant plus que derrière la caméra, il y a Phil Abraham, vétéran des séries (Mad Men, Weeds, Ozark, Jack Ryan) qui a réalisé des épisodes de la série Netflix Daredevil., où la ville jouait un rôle central. Mais ici, rien. Aucun discours sur le désenchantement, l’anonymat, l’indiviualisme, la déshumanisation… pourtant tous évidents vu l'histoire et le cadre choisi. Demeure finalement le simple et triste sentiment d'avoir revu un film déjà vu (et oublié) mille fois, et que même Christoph Waltz ne peut sauver.

Most Dangerous Game, disponible sur Amazon Prime Video depuis le 27 septembre

 

photo

Résumé

Énième et molle réadaptation d'une histoire géniale de chasse à l'homme par des hommes, Most Dangerous Game n'apporte rien au genre. Sitôt vu, sitôt oublié.

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commentaires
Makhanda
30/09/2021 à 21:19

Chance valide!

tricopull
30/09/2021 à 18:47

@Manu21: ah non, the infinite est très bien, surement le meilleur rôle de Matt Damon.
La scène dans laquelle il découvre des dinosaures est extraordinaire.
Et je ne parle pas de celle où il doit récupérer du ciment pour réparer un pont.
Quoi?
Je parle pas du même film?
Ce film n'existe même pas?
Ben c'est toujours mieux que the infinite, non?

Geoffrey Crété - Rédaction
30/09/2021 à 17:28

@Manu21

Oh que oui.
Mais rendons à César...
Most Dangerous Game n'est pas made in Amazon, mais Quibi. Et Infinite est un film Paramount, diffusé sur Paramount+ aux USA. Amazon est "seulement" diffuseur chez nous.

Manu21
30/09/2021 à 17:23

Si vous voulez encore du navet made in Amazon Prime, je vous conseille aussi "Infinite" avec Mark Wahlberg (J'ai tenu que 30mins). Une critique de prévue ?

Fab1
30/09/2021 à 16:11

Ça se regarde mais effectivement c'est mou du genou. Dommage.

Aquarium
30/09/2021 à 15:37

vu, ce film est d'une mollesse, on dirait que cela a été tournée au ralenti.

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