American Crime Story : bilan des trois premiers épisodes de la saison 2 où Ryan Murphy déshabille Versace

Simon Riaux | 1 février 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 1 février 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après une première saison remarquée, la nouvelle série de Ryan Murphy se devait de transformer l'essai. Esquisse d'un premier bilan après trois épisodes.

ATTENTION SPOILERS !

 

 

Ryan Murphy, créateur polymorphe et roi de l'excès narratif avait surpris son monde en chapeautant American Crime Story. La première saison, consacrée au procès sulfureux d'O.J. Simpson, nous avait offert une radiographie chirurgicale des tensions raciales américaines et de l'usage qu'en font les élites du pays. En se penchant cette fois sur l'affaire Versace, le show prend une direction radicalement différente.

 

COUSE QUE COUSE

American Crime Story ne se transformera pas en un énième récit policier, ni en chronique de prétoires, autant de sous-genres cadenassés et fabriqués ad nauseam. Ainsi, Versace décide de pulvériser à peu près tous les acquis de sa précédente itération. Si la promo ultra clinquante de ces nouveaux épisodes laissait penser que Murphy allait nous plonger dans le quotidien grandiloquent du grand couturier et de ses proches, après trois épisodes, tout indique au contraire que cette toile de fond va être amenée à disparaître pour permettre au créateur d'explorer un tout autre univers.

Car sitôt après une mise en bouche absolument glaçante, au cours de laquelle Gianni Versace rencontre son assassin et se fait tuer froidement, ce n'est plus tant à l'artiste baroque, ni à sa soeur bien connue, pas même à la traque du tueur, qui intéressent le scénario. Au contraire ce dernier focalise son action sur le psychopathe Andrew Cunanan. Tueur en série que sa paranoïa et une homosexualité difficilement (voire pas du tout) assumée vont contribuer à transformer en véritable bombe à retardement.

 

Photo Ricky Martin, Édgar RamírezEdgar Ramirez et Ricky Martin

 

Un sujet et des thèmes passionnants, qui interrogent le rapport de l'Amérique aux valeurs, aux moeurs, à la notion de secret et de dissimulation. C'est d'ailleurs sans doute là qu'on trouvera le seul point commun évident entre les deux saisons d'American Crime Story : le soin méticuleux apporté à l'écriture des protagonistes, et la capacité du show à manier aussi bien l'analyse sociologique maline que l'autopsie d'une humanité empêtrée dans ses contradictions, vices et névroses.

L'Amérique fabrique des monstres à la violence intériorisée, et se bâtit sur le terreau mortifère d'un malheur normalisé, poussant pêcheurs frustrés et prédateurs affamés à se croiser, jusqu'à ce que les forces en présence explosent. C'est ce jeu de chat et de la souris entre dominants et dominés, chasseurs et proies, pauvres brisés et riches briseurs, que Murphy décortique de plus en plus alors que la saison prend de l'ampleur. 

Cette orientation inattendue contribue à rendre la série assez imprévisible au cours de ces trois premiers épisodes, et on se réjouit de (re)découvrir un objet télévisuel aussi audacieux et désireux de se réinventer.

 

Photo Darren CrissDarren Criss

 

COUTURES APPARENTES

Malheureusement, pour ambitieuse que soit American Crime Story, cette deuxième saison est pour le moment cruellement inégale. Après trois épisodes, on voit mal l'intérêt de prolonger le découpage de la narration, qui s'articule entre plusieurs époques, mais engendre plus de confusion qu'autre chose. Les pièces du puzzle s'emboîtent pour le moment de manière bien trop arbitraire, si bien qu'on a régulièrement du mal à s'investir tout à fait dans ce qui nous est raconté.

Le problème est d'autant plus criant que le casting est moins affuté que par le passé. Manquant cruellement de magnétisme, Édgar Ramírez est transparent en Versace, et Penelope Cruz a beau tenter d'en faire des tonnes, son jeu demeure le plus souvent creux et superficiel. Pour le moment, seul Darren Criss, impressionnant en tueur égotique au bord de la crise de nerfs, sort son épingle de jeu. Le scénario ayant manifestement l'intention de se concentrer presque exclusivement sur lui et le dernier épisode en date proposant deux très beaux numéros d'acteurs (le couple Miglin est extrêmement touchant), on est en droit d'espérer une nette amélioration dans ce domaine.

 

Photo Penélope CruzDonatella Versace

 

Aussi, le scénario paraît vouloir s'affranchir assez nettement des faits avérés pour plonger à corps perdu dans la fiction et l'interprétation des zones d'ombre du dossier. Pourquoi pas, mais en ne donnant pas à ceux qui découvriraient l'affaire une note d'intention claire, on se demande régulièrement ce que veut devenir American Crime Story. Enfin, il faut composer pour le moment avec un rythme distendu, qui a beaucoup de mal à faire naître un tempo prenant au sein de ses épisodes.

Avec encore six épisodes à diffuser, cette saison 2 intitulée The Assasination of Gianni Versace a tout le temps d'affiner sa proposition et de trouver son rythme. On espère que Ryan Murphy n'a pas cédé à la précipitation et à l'imprécision qui ont parfois coûté cher aux excellents concepts qu'il a portés à l'écran (Nip/Tuck ? vous avez dit Nip/Tuck ?). Car si ces nouveaux chapitres peinent à convaincre totalement, ils proposent néanmoins un programme passionnant sur le papier.

 

Affiche

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commentaires
Mammiedegourdie
20/08/2018 à 07:58

Toujours passionnant j’attends la suite

Hank Hulé
01/02/2018 à 17:54

Vu les deux premiers : moins bien (et moins ample) que la saison 1 mais le perso du tueur est effectivement très bien et suffit à emporter le morceau. Pour l'instant...