True Detective saison 3 : on a vu les cinq premiers épisodes de la nouvelle enquête de HBO

Simon Riaux | 7 janvier 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 7 janvier 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après deux saisons,True Detective semblait face à une impasse créative quasi-irrésoluble. Après moult tergiversations, nous découvrons une troisième saison aux airs de rescapée, dont l’intention évidente est d’émuler la réussite de l’enquête menée en 2014 par Mathew McConaughey et Woody Harrelson.

L’article qui suit ne contient pas de SPOILERS, et se base sur les 5 premiers épisodes de la saison.

 

 

DANS LES VIEUX POTS...

Après une deuxième fournée aux audiences calamiteuses et aux critiques implacables, le showrunner Nic Pizzolatto semblait au pied du mur. Volontiers décrit par d’anciens collaborateurs comme difficile, l’auteur était en grande difficulté, paraissant avoir réussi un brillant coup de poker, qui devait peut-être plus au talent du réalisateur Cary Fukunaga qu’à son style propre.

C’est de ce goulot d’étranglement que viennent sans doute quantité de choix créatifs de cette troisième saison de True Detective, dont la structure et les ressorts font clairement du pied à la première itération du show de HBO.

Nous retrouvons donc ici un duo d’enquêteurs, à la relation mue autant par une profonde complicité que d’indicibles tensions, un crime mystérieux, dont les tenants et aboutissants viennent secouer une communauté enclavée, laquelle fera face à ses démons, comme au dévoiement de certaines de ses croyances. L’intrigue s’étale sur plusieurs décennies, et son avancée n’est pas tant le fait des progrès de l’investigation que des zones d’ombres que lève progressivement le montage des épisodes.

Bref, même si le récit a troqué le sud vermoulu et ses tentes de prêcheurs pour la rudesse des Ozarks et les red necks de l’Arkansas, True Detective tente clairement de s’inventer ou de décréter une cohérence, afin de séduire les aficionados de la première heure.

 

photoLa vieillesse est un naufrage...

 

... QU’ON FAIT LES MEILLEURS SOAPS

Et pour l’essentiel, cette nouvelle saison tient ses promesses, où à tout le moins propose une recette à même de séduire ceux qui s’étaient laissés envoûter par les crimes du Yellow King. Si le scénario feint de raconter l’histoire d’un duo d’enquêteurs, en réalité, c’est uniquement Mahershala Ali qui se fait le nœud de l’intrigue.

Il interprète Wayne Hays à trois périodes différentes. Alors que lui est confiée une enquête complexe et macabre de disparition d’enfant. Quelques années plus tard alors que les autorités décident de rouvrir le dossier à la faveur d’un rebondissement inattendu. Enfin de nos jours, alors que sa mémoire se désagrège sous l’effet d’une maladie neuro-dégénérative et qu’une journaliste vient l’interroger sur cette étrange affaire.

 

photo, Mahershala Ali, Carmen EjogoUn couple aux motivations toujours mouvantes

 

Sans surprise, Mahershala Ali, qui fait ici office de héros, d’énigme à lui seul et de ressort dramatique du scénario (ses aléas mémoriaux rythmant et déformant l’enquête qui se déploie sous nos yeux), happe avec génie l’attention du spectateur. Colonne de charisme élevée jusqu’à Jupiter, le comédien, avec une finesse souvent stupéfiante, embrasse la psyché troublée d’un vétéran et traqueur surdoué, qui doit naviguer dans un récit dont il doute perpétuellement.

Personnage fascinant et émouvant, Hays est le cœur palpitant de cette saison 3, dont les meilleurs moments sont toujours connectés aux soubresauts. Dans ses crises de panique, quand le souvenir du Vietnam vient littéralement paralyser sa mémoire, il se transforme alors en une forme de martyr inédit. Un personnage tel que True Detective n'en avait pas encore connu, qui renouvelle avec bonheur ses thématiques.

Il faut dire qu’en déplaçant légèrement la focale du récit, sur son ressenti ainsi que sa famille, plutôt que sur la pure procédure policière, Pizzolato parvient assez efficacement à dépasser les énormes clichés de caractérisation qui ont fait sa marque, et lui ont souvent été reprochés.

Ainsi, au fil des cinq premiers épisodes, malgré certaines grosses ficelles, le doute est permanent. Les faits auxquels nous assistons sont-ils exacts, Hays se rappelle-t-il avec précision ? Ou se dissimule-t-il une partie de la vérité ? Alors que progressent les épisodes, une interrogation existentielle se fait jour, concernant les méthodes du duo d’enquêteurs plus que sur leur réussite à trouver un coupable.

 

photo, Mahershala Ali, Carmen EjogoUne traque qui revêt un sens différent pour chaque personnage

 

Pour la première fois, True Detective donne le sentiment que son personnage principal, malgré l’obsession qui le ronge, craint profondément de trouver la clef d’un mystère que son cerveau a peut-être préféré lui soustraire. Ce questionnement central crée un trouble et une dynamique particulièrement savoureux, qui permettent à la série d’emprunter une nouvelle voie.

Les autres protagonistes ont beau ne pas profiter d’un traitement aussi fin ou travaillé, l’ensemble du casting s’en tire avec les honneurs, navigant plutôt habilement entre stéréotypes et surprises. À nouveau, on ne s’étonnera pas de voir Carmen Ejogo briller, grâce à une partition éminemment trouble, qui fait d’elle un ressort au combien vénéneux de cette histoire.

 

photoCherchez la femme...

 

Si la mise en scène se montre globalement beaucoup trop sage pour nous maintenir perpétuellement en haleine, on appréciera de retrouver ici et là la patte de Jeremy Saulnier, qui n’assura malheureusement pas l’intégralité de la réalisation, officiellement à cause de problèmes d’agendas. Officiellement, le cinéaste s’est penché sur les deux premiers épisodes, mais certaines séquences des 5 premiers chapitres portent clairement sa marque, notamment une scène qu’on retrouve quasiment à l’identique dans Aucun homme ni dieu, et qui fait ici office de tournant dans l’enquête.

Plus généralement, on appréciera le gros travail effectué par le réalisateur sur les transitions, qui maintient une tension, une angoisse et une ambiguité (souvenirs, fantasmes ou véritable déroulé de l’investigation ?) alors que la mémoire de Hays s’atomise progressivement. Ces éléments confèrent à certains chapitres une dimension terriblement funeste et inquiétante, aussi appréciable que douloureusement absente quand Daniel Sackheim prend les commandes.

 

photo, Mahershala Ali, Stephen Dorff A droite, une perruque qui vous hantera longtemps

 

TROU DETECTIVE

Pour autant, les deux premiers tiers de cette saison 3 sont loin de retrouver l’exemplaire harmonie narrative qui présidait à la première saison, où les ténèbres envoûtantes qui sublimaient la deuxième. De toute évidence, le format (8 épisodes d'environ une heure chacun) n’est pas adapté au récit concocté par Pizzolato.

Les dialogues pensés pour meubler s’accumulent, et quand ils s’avèrent signifiants, le sentiment d’assister à une version dilatée d’un film de trois heures revient souvent perturber le plaisir de visionnage. Par conséquent, et en dépit d’une paire de bonnes idées, la série a énormément de mal à maintenir la tension le long de ses copieux chapitres. La faute à une dispersion des indices, qui, à trop vouloir attendre le dernier moment pour surprendre, prend le risque de vider l'enquête de mystère. Ainsi, on met bien trop longtemps à comprendre ce qui cloche dans cette petite communauté pour véritablement s'en inquiéter.

 

photo, Mahershala AliUn vétéran au bord du gouffre

 

Ainsi, à vouloir sans doute conserver ses cartes pour les abattre dans ses trois derniers épisodes finaux, True Detective prend le risque d’enchaîner deux chapitres (les 3e et 4e) dont on ressort essoré d’ennui, tant le scénario, à se concentrer trop directement sur les affects de ses anti-héros, a du mal à nous faire saisir l’obsession qui découle de cette enquête.

Un constat particulièrement évident dans le 5e épisode. Ce dernier a beau être riche d’excellents rebondissements, plusieurs nous sont livrés avec une mollesse étonnante, quand ils devraient permettre de secouer l’intrigue, avec une intelligence redoutable. Enfin, on se demande ce qui a bien pu se passer du côté du département maquillage. Si le vieillissement de Mahershala Ali est exemplaire et souvent bluffant, les postiches de Ray Fisher ou Stephen Dorff sont d’un embarras cosmique.

 

photo, True Detective saison 3 Mahershala Ali

 

True Detective saison 3 est très loin d’être parfaite. Mais après 5 épisodes menés à coup de bonnes idées, d’interprétations solides et de promesses sanglantes, on se dit que cette saison parviendra sans mal à faire oublier ses quelques défauts si elle soigne sa conclusion.

La saison 3 de True Detective sera diffusée à partir du 14 janvier 2019 sur OCS en France.

 

Affiche

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commentaires
Alex33
05/02/2019 à 19:28

C'est vrai que la saison 1 était exceptionnelle mais elle le devait aussi à son duo d'acteurs, Matthew Mcconaughey et Woody Harrelson. Les audiences de la seconde saison sont bonnes car la saison est bonne ( un peu moins que la première quand même) jusqu'au deux derniers épisodes qui sont complétement ratés. Je suis navré de le dire mais la saison 3 est un ratage total, une pale copie de la saison 1. Les personnages manquent de charisme et de profondeur, la réalisation est loupée, j'ai décidé de ne plus la regarder, c'est un calvaire.

did
15/01/2019 à 21:44

Les épisodes de la saison 2 ont été injustement décriés: ils étaient excellents et portaient sur des sujets aussi brulants que la corruption, le pouvoir.
J'ai adoré la saison 2.
Et la saison 3 s avère remarquable.

Baneath88
14/01/2019 à 22:56

Petite erreur sur les audiences en effet
La deuxième saison avait une bonne moyenne : à peu près 2,4 millions de spectateurs (et 3,17 millions pour le premier épisode).
Plutôt bonnes ces audiences au contraire. Ce sont les critiques (à mon goût injustes) qui ont été effroyables

nico14
10/01/2019 à 10:08

Cary Fukunaga a fait un boulot monstrueux sur la saison 1, mais oser dire que la réussite relève peut être plus de son talent que de celui de Pizzolatto...
Pour ma part, ce qui est original et très réussie dans la saison 1, ce sont la narration, la richesse des personnages, et l'histoire. La réalisation est brillante, mais sans le fond, c'est une coquille vide.

Zanta
08/01/2019 à 11:31

Les "audiences calamiteuses" de la saison 2
Non. Elles étaient inférieures à celles de la S1, mais restaient très bonnes !
C'est la raison pour laquelle HBO n'a pas lâché trop vite la marque.

MirZa
07/01/2019 à 17:49

Soit l'on est au pied du mur, soit l'on est dos au mur, mais être pied au mur ça n'existe pas!