Veep : la satire politique tire sa révérence dans une saison 7 qui prouve qu'elle est une des meilleures séries de l'Histoire

Alexandre Janowiak | 6 juin 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Alexandre Janowiak | 6 juin 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Pendant que certains avaient leurs yeux rivés sur le final de Game of Thrones au printemps et ressortaient extrêmement déçus de la fin de la série, d'autres profitaient des dernières heures d'une autre série phare de HBO : Veep. Avec sa saison 7 de sept épisodes, la série politico-comique tirait sa révérence après sept années d'existence.

Ecran Large a bien évidemment suivi les derniers instants jubilatoires de Selina Meyer et cie. Verdict.

ATTENTION SPOILERS !

 

 

ON EN ÉTAIT OÙ ?

A la fin de sa saison 6 diffusée entre avril et juin 2017, Veep annonçait la couleur en teasant les événements de son ultime saison. L'épisode revenait sur les débuts de l'équipe de Selina tout en préparant l'annonce de sa candidature à l'élection présidentielle américaine de 2020. L'ancienne présidente ne se déclarait pas clairement candidate dans le final de cet épisode 10, mais sa soif de pouvoir le présageait.

Cependant, un autre personnage phare de la série continuait sa montée en puissance. En effet, Jonah Ryan, l'ancien chargé des communications entre la Présidence et la Vice-Présidence devenu Représentant du 2nd district du New Hampshire, lançait sa campagne pour 2020 dans les derniers instants de la saison, après la rémission de son cancer des testicules.

Ironie du sort, le tournage de la saison 7 a longtemps été repoussé après l'annonce du cancer du sein de l'actrice Julia Louis-Dreyfus (interprète de Selina Meyer). Après la victoire de la comédienne contre le cancer et deux ans d'attente, la série est finalement revenue encore plus forte dans cette ultime saison.

 

photo, Julia Louis-Dreyfus, VeepSelina est de retour

 

LA MEYER D'ENTRE NOUS

A une époque où le président des Etats-Unis est devenu un gros bourrin qui tweete tout ce qu'il pense et où la politique américaine est devenue un show télévisé à part entière, difficile de réussir à devenir encore plus absurde. Et oui, comment surpasser fictionnellement ce qui ne semble plus si improbable réellement ? David Mandel, showrunner de la série depuis la saison 5 (dont on disait déjà le plus grand bien à sa diffusion) a trouvé la solution : rendre son personnage principal, et ceux qui l'entourent, encore plus cruels et avides de pouvoir.

Selina Meyer n'a jamais été une politicienne juste ou une personne simplement sympathique. Au contraire, elle a toujours détesté le peuple dont elle convoite tant les voix. Depuis son ascension à la présidence et sa défaite impensable à la fin de la saison 5, elle est devenue encore plus hargneuse et méprisante envers tout le monde.

 

PhotoUne scène qui en dit long dès la reprise de Veep

 

Les premières minutes de cette saison 7 annoncent d'ailleurs la couleur. Dans son jet privé, l'ex-présidente est claire sur son discours : « Je dis vouloir être "la présidente de tous les Américains" C'est vraiment ce que je veux ? ». Sa plume lui propose alors de remplacer "tous les Américains" par "les vrais Américains", ce à quoi elle répond : « Oui, c'est bien. On décidera qui c'est plus tard ».

Moins d'1'30" après son retour, l'objectif de Selina Meyer (Julia Louis-Dreyfus) est donc clairement présenté : l'Amérique et son peuple ne seront qu'un moyen de retrouver le pouvoir auquel elle est addict. Le reste de la saison ne cessera de le démontrer ou de l'accentuer comme lorsqu'elle demande s'il vaut mieux, lorsqu'une tuerie est annoncée, que le tueur soit musulman ou blanc pour gagner des points dans les sondages ; puis qu'elle saute de joie lorsque l'origine du tueur lui profite.

Il y a quelque chose en cela de jubilatoire et de proprement hilarant à voir ce personnage si odieux, si hautain et si hypocrite se débattre pour gagner son propre trône de fer et être soutenu par tant de conseillers. Et il y a quelque chose de profondément inquiétant, déprimant et sinistre à imaginer que l'absurde de la série ne le soit pas tant que ça.

 

photo, Julia Louis-DreyfusUn visage doux et souriant qui cache tant de cruauté et de mépris

 

LE VICE CONQUÉRANT

En effet, nul doute que nombre de personnages de cette ultime saison sont inspirés de figures politiques actuelles. Les scénaristes n'ont pas caché s'être inspirés en grande partie de Hillary Clinton au fil des saisons pour le personnage de Selina (l'évolution de sa coupe de cheveux n'était qu'un petit signe), avant qu'elle ne se transforme en une sorte de Donald Trump au féminin.

Le personnage de Jonah Ryan, lui, ressemble également à Trump, capable d'un populisme sans pareil et de provocations en tout genre. Mais plus que Trump, l'interprète du personnage, l'excellent Timothy Simons, a expliqué s'être largement inspiré du Républicain ultra-conservateur (voire fanatique) Ted Cruz pour Jonah. Amy Brookheimer (hilarante Anna Chlumsky), quant à elle, sonne comme l'évidente clone de Kelyanne Conway (conseillère de l'actuel président des Etats-Unis mais ancienne directrice de campagne de son concurrent Ted Cruz).

 

Photo Timothy SimonsLe personnage le plus flippant et le plus drôle de la série à la fois

 

Au delà même des figures politiques de la série, Veep s'inspire évidemment de faits réels à bien des niveaux. C'est peut-être ici que la série HBO se révèle la moins pertinente. Dans cette dernière saison, elle se contente trop souvent de simplement copier certaines situations. Quel dommage de seulement substituer la Chine à la Russie pour mettre en place une campagne électorale influencée par une puissance étrangère, au lieu de trouver quelque chose d'impensable et inattendu.

Alors que la série de David Mandel a longtemps eu un train d'avance sur la réalité, elle est largement dépassée depuis l'arrivée dans la sphère politique de Trump et l'élection présidentielle de 2016. Et si le showrunner a parfois de sublimes idées pour détourner ou parodier la réalité (ce fameux #NotMe balancée par une fausse victime de harcèlement dans l'épisode 2, en opposition au fameux #MeToo), elle n'arrive plus vraiment à concurrencer la réalité dans cette ultime saison.

La série a d'ailleurs peur de la redite, de s'engouffrer dans quelque chose de trop attendu ou trop peu novateur, et accélère son rythme. Les fans de Game of Thrones ont beaucoup critiqué la hâte de la saison 8, et Veep subit parfois les mêmes ressorts avec sa dernière saison. Elle utilise beaucoup les ellipses, et si elles sont toutes très bien menées, elles laissent un goût amer tant on aurait aimé voir la série prendre un peu plus son temps dans son grand final.

 

photo, Tony Hale, Julia Louis-Dreyfus, Gary Cole, Anna ChlumskyUne équipe de branquignole à mourir de rire

 

Heureusement, David Mandel a plus d'un tour dans son sac et les péripéties ou retournements de situations de plusieurs personnages permettent à cette saison 7 de rester une des meilleures de la série. Pour tous les passionnés de politique, suivre les primaires d'un parti est des plus jouissifs. En découvrir donc ici les arcanes et les rouages qui mènent certains à soutenir d'autres candidats, les punchlines de débats préparées au dernier moment et les coups bas orchestrés pour faire tomber ses adversaires, est réjouissant.

Evidemment, la série House of Cards le faisait admirablement à son apogée (ses saisons 3 et 4) mais Veep, de par son cynisme et son ton satirique comique, rend l'ensemble beaucoup plus attrayant et provocateur. Pour ces hommes et ces femmes politiques, le pouvoir n'est qu'un jeu, et la réussite, la pérennité ou le bonheur des concitoyens qui les élisent est plus que secondaire.

 

photo, Clea DuVall, Sarah SutherlandLa fille de Selina en subira les conséquences (encore et toujours)

 

FICTION CRUELLEMENT RÉELLE

Par conséquent, la saison 7 de Veep conclut-elle avec brio cette sublime série comico-politique ? Sans hésitation, un grand oui. Car si la saison connaît quelques stries et accélérations narratives regrettables, elle a de vrais moments forts à tous les niveaux.

Les sorties totalement dingues du personnage de Jonah Ryan, l'agacement perpétuel de Selina Meyer, la médiocrité de son équipe de campagne, les vindicatives de Amy, les agissements mystérieux (et meurtriers) de Keith Quinn, l'absurdité du monde présenté (ces maths terroristes)... la série nous offre une ribambelle de gags tordants.

Plus sérieusement, elle pointe également du doigt avec brio le danger qui guette chaque américain (et chaque citoyen du monde) face au populisme et à cette télé-réalité politique de plus en plus féroce, tout en s'inquiétant des possibles retours politiques sur les acquis sociaux (le mariage homosexuel ici, l'avortement demain ?).

 

Photo Sam Richardson"C'est notre Richard à nous, un grand homme, il marquera l'Histoire"

 

Dans son grand final, elle offre cependant une petite touche d'espoir grâce au personnage de Richard Splett (Sam Richardson). Son ascension permanente depuis son arrivée dans la saison 3 (et décuplée dans cette saison 7) le mènera sur la plus haute marche dans un concours de circonstance désopilant, mais surtout grâce à son honnêteté légendaire. Un peu d'optimisme au milieu de ce monde cruel, ça ne fait pas mal.

Enfin, si la série plonge le spectateur dans la mélancolie, ses personnages idiots, cruels ou tordus devenus attachants au fil des années disparaissant pour toujours du petit écran grâce à une ellipse qui balaye d'un revers de main un possible retour, Veep reste, jusqu'à son ultime générique, noire et sardonique. Selina Meyer n'aura pas marqué les esprits du monde entier comme elle l'imaginait. La postérité tant espérée n'aura pas lieu et le monde se souviendra avant tout d'elle comme une des pires présidentes du pays, jetée aux oubliettes par un acteur hollywoodien.

Elle aurait sans doute détesté ça mais quand on repense à tout ce qu'a fait Selina Meyer à son équipe (cette dernière trahison ignoble) et au monde, on se dit que c'est finalement tout ce qu'elle méritait. De quoi nous faire sourire une dernière fois tout en adressant un joli clin d'oeil aux fans de la première heure. La boucle est bouclée.

 

photo, Tony Hale, Julia Louis-Dreyfus, Gary ColeGame Over

 

Avec sa saison 7, Veep se conclut admirablement. Si la série est toujours aussi vicieuse, drôle, cynique et satirique, elle se pose aussi en cri d'alarme, et au coeur d'une Amérique dépassée par la folie de ses dirigeants et l'opportunisme des prétendants au pouvoir. Cette dernière saison se presse sûrement un peu trop ici ou là mais cela ne l'empêche pas de se conclure avec une vraie maestria.

Ainsi, Veep se place définitivement comme une des meilleures séries comiques et politiques de l'Histoire et Julia Louis-Dreyfus comme l'une des meilleures actrices de son époque. Un immanquable du petit écran.

Les sept saisons de Veep sont disponibles en intégralité sur OCS Go en France.

 

Affiche

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commentaires
Pat
07/06/2019 à 12:05

J'ai bien aimé VEEP, perso je n'irais pas jusqu'à pousser le bouchon en la qualifiant comme l'une des meilleurs séries de l'histoire.
J'apprécie l'humour cynique de cette série mais elle était parfois répétitive.

Greg
07/06/2019 à 11:09

Sans aucun doute, l'une des séries les plus drôles et joyeusement cyniques de ces 10 dernières années. Impatient de voir cette saison 7 !