Désobéissance : critique pas très orthodoxe

Geoffrey Crété | 10 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 10 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Révélé sur la scène internationale avec Une femme fantastique qui l'a porté jusqu'aux Oscars, où il a remporté la statuette du meilleur film étranger, le réalisateur Sebastián Lelio est logiquement porté jusqu'aux sphères hollywoodiennes. Alors qu'il a déjà emballé un remake de Gloria, avec Julianne Moore, il filme l'histoire d'amour interdite entre deux femmes dans le cadre de la communauté juive, avec Rachel Weisz et Rachel McAdams.

JEWISH CONNEXION

Peut-être est-ce le discours du rabbin, l'enveloppe sonore envoûtante, le montage d'une délicatesse infinie, ou le regard d'une Rachel Weisz qui parvient à imposer la sensibilité d'un personnage sans dire un mot et en quelques plans. Toujours est-il que Désobéissance happe en quelques minutes, accroche le regard et engage le cœur avec une économie de moyens remarquable.

Le film débute dans un New York vu mille fois, pour une histoire bien plus rare et précieuse. Celle de Ronit, une jeune femme juive-orthodoxe qui a fui la communauté où elle a été élevée et étouffée, pour poursuivre ses rêves et devenir celle qu'elle était au fond d'elle. La mort de son père, rabbin très apprécié, la pousse à revenir vers ses racines, et réapparaître comme un fantôme parmi ses anciens proches. Notamment une personne en particulier : Esti, meilleure amie de jeunesse désormais mariée à leur ami Dovid. Et si les deux femmes ont enterré leur amour réciproque, chacune à sa manière, ces retrouvailles vont faire renaître leur passion interdite.

 

Photo Rachel Weisz Rachel Weisz, formidable 

 

CALL ME BY HER NAME

Quelques mois après le sublime Call Me by Your Name, célébré jusqu'aux Oscars, Désobéissance n'aura vraisemblablement pas le même écho médiatique, et auprès du public. Il n'a pas la puissance et la profondeur du film de Luca Guadagnino, ni la lumière chaude qui en faisait une parenthèse enchantée. Il semble moins charmeur, avec son paysage grisâtre d'Angleterre, et le décor de la communauté juive moins mignon que des vacances d'été en Italie.

Désobéissance parle moins de rêveries et fantasmes, que de réalité. Celle de Renit et Esti les a empêchées de vivre leur amour, les a forcées à mettre plusieurs milliers de kilomètres entre elles, et c'est également la réalité brutale qui les réunit. Dans sa manière de filmer et observer les traditions juives orthodoxes, le réalisateur Sebastián Lelio adopte pourtant une belle délicatesse.

S'il questionne évidemment les dogmes et les prisons invisibles créées par la foi et l'éducation, le film ne tombe pas dans le pamphlet caricatural et déshumanisant. Le personnage d'Alessandro Nivola, lui aussi excellent, en est la plus belle preuve. Co-scénariste avec Rebecca Lenkiewicz de cette adaptation du roman de Naomi Alderman, le cinéaste prend soin de dessiner ses personnages avec finesse, par couches successives, pour révéler leurs failles, leurs ambiguïtés et leur beauté au fil des épreuves. Qu'une perruque soit enlevée ou portée, qu'un baiser soit donné ou évité, et Désobéissance donne à voir son sens.

 

Photo Rachel McAdams, Lasco Atkins, Lasco AtkinsAlessandro Nivola dans un très beau second rôle

 

QUAND RACHEL RENCONTRE RACHEL

Bercées par la musique discrètement magnifique de Matthew Herbert, qui officiait déjà sur Une femme fantastiqueRachel Weisz et Rachel McAdams ont bien évidemment un matériau en or pour briller. Et si l'actrice versatile de Spotlight et Game Night est solide, quoiqu'un peu trop dans la démonstration parfois, c'est bien Weisz qui illumine le film. Productrice et actrice, elle irradie l'écran dès ses premiers regards. Brûlante, courageuse, lâche, fragile, féroce, elle déploie un jeu d'une finesse et d'une subtilité renversantes. 

Relativement discrète ces dernières années, la faute à une série de films passés inaperçus, l'actrice oscarisée pour The Constant Gardener trouve dans ce rôle et ce film le terreau idéal pour son talent. Sans souligner quoi que ce soit, avec une assurance toujours impressionnante mais jamais forcée, elle interprète en creux une femme aux multiples nuances.

 

Photo Rachel McAdams, Rachel WeiszUne Rachel a gagné, laquelle ?

 

Si Désobéissance perd un peu de sa force dans sa dernière partie, la faute à quelques soubresauts dans le récit, il frappe aussi par sa manière de filmer le désir féminin. La scène de sexe entre les deux femmes est aux antipodes des habituels clichés, et refuse à la fois la brutalité et la niaiserie. L'image n'est pas là pour embellir la réalité ou répondre aux fantasmes, mais pour montrer la simple passion de deux êtres un peu maladroits et hâtifs. C'est dans ces moments, et dans le regard silencieux mais fiévreux de Rachel Weisz, que le film de Sebastián Lelio impressionne le plus.

 

Affiche française

Résumé

Porté par une Rachel Weisz renversante, Désobéissance raconte une histoire d'amour impossible avec une infinie délicatesse mais également une volonté de déniaiser la romance.

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commentaires
Zanta
10/06/2018 à 16:48

La bande-annonce est franchement ratée.. Elle est non seulement grandiloquente mais raconte presque le film.

Claudia
10/06/2018 à 15:22

Sebastián Lelio est un chilean nait en Argentina!

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