Riddle of Fire : critique du vrai Stranger Things

Antoine Desrues | 17 avril 2024 - MAJ : 17/04/2024 11:41
Antoine Desrues | 17 avril 2024 - MAJ : 17/04/2024 11:41

Il avait trouvé sa place d’office parmi nos 10 meilleurs films du Festival de Cannes 2023. Véritable coup de cœur issu de la Quinzaine des cinéastes, Riddle of Fire a prouvé, aux côtés de The Sweet East, le renouveau exaltant d’un certain cinéma indé américain. Sous ses airs de Stand By Me arty, le premier long-métrage de Weston Razooli est une merveilleuse surprise, portée par l’énergie communicative de sa troupe de héros enfantins. En salles le 17 avril.

Rejetons & dragons

Par ses premiers plans lointains sur les paysages envoûtants du Wyoming, Riddle of Fire s’amuse déjà d’un trompe-l'œil. Des corps entrent dans le champ sur des moto-cross, avant que l’échelle indistincte ne se dévoile : les trois personnages sont des enfants. Cette miniaturisation soudaine de l’environnement et de ses acteurs révèle bien où nous sommes, à savoir dans un terrain de jeu.

Malgré les décors dépouillés, visions de campagnes ensoleillées ou de zones industrielles rouillées, on sent tout de suite qu’une empreinte magique est en train de se dessiner. Est-ce dû à l’énergie juvénile d’Hazel, Alice et Jodie, ou à la malice que Weston Razooli glisse dans son montage ? Sans doute un peu des deux. À coups d’inserts qui transforment ses héros en pros de la gâchette (de paintball) et de plans fixes qui soulignent une cohésion de groupe génialement chaotique, le film se démarque tout de suite au travers d’un vol de console de jeu dans un entrepôt.

 

Riddle of Fire : photoLes Mille et une Prouesses de Pépin Troispommes (les vrais auront la réf)

 

Cette “Otomo Angel”, qui prend la forme évocatrice d’un donjon de château fort, ne sert pas seulement de point de départ à une intrigue improbable à base de contrôle parental. Alors que la mère d’Hazel est alitée des suites d’une mauvaise grippe, cette princesse n’attend que d’être "sauvée” par une tarte aux myrtilles, en échange du précieux sésame qui permettrait aux gamins de jouer.

À la recherche de la recette et de ses ingrédients, la troupe se retrouve malgré elle embarquée dans une suite de péripéties, où sa vision fantasmatique du monde transite vers un merveilleux assumé. Dans un premier temps, on pourrait trouver ce rejet du jeu vidéo quelque peu vieillot, surtout lorsque la maman incite les enfants à jouer dehors dans une diatribe qu’on a tous déjà entendue (“the world is your sandbox” en VO, “le monde est votre bac à sable”).

 

Riddle of Fire : photoLa princesse et la grenouille

 

Course épique

En réalité, c’est là que Riddle of Fire tisse sa singularité. Nous voilà autant dans une partie de Donjons & Dragons que dans son héritage vidéoludique, martelé par l’emploi récurrent (et entêtant) de morceaux de dungeon synth – de l’électro aux accents médiévaux, qui a vu le jour du côté des RPG. Le pixel, ou plutôt son absence, n’est pas envisagé comme l’antithèse du grain de la pellicule 16mm, utilisé ici pour le charme de ses couleurs pastels et sa lumière diffuse aux accents fantasmatiques.

Les deux s'accordent dans la création d’un nouveau champ des possibles, comme si le goût aventureux des personnages et leurs jets de dés plus ou moins heureux se matérialisaient sous nos yeux. Bien sûr, Weston Razooli se met à hauteur d’enfant, et sa tendresse évidente pour ses acteurs transpire de chaque cadre. Mais ce serait insuffisant. La réussite de Riddle of Fire réside dans la porosité entre son univers filmique et ce qu’il nous laisse entrevoir de sa fabrication, elle aussi tournée vers un sens du ludique.

 

Riddle of Fire : photoPeinture de paintball en plein coeur

 

Impossible de ne pas craquer pour Phoebe Ferro, Charlie Stover et Skyler Peters (plus tard rejoints par Lorelei Olivia Mote), justement parce qu’ils s’amusent de ce jeu de rôles sans contraintes, où la caméra laisse leur alchimie faire des étincelles. Le film embrasse leur vision du monde, leur innocence qui entremêle le réel et l’épique d’un conte médiéval.

Le résultat pourrait souffrir d’un trop-plein, d’une boulimie créative trop récurrente dans les premiers longs-métrages. Pourtant, Riddle of Fire impressionne par sa progression d'équilibriste, qui ferait presque mine de se casser la gueule pour mieux dissimuler sa maîtrise. On pense forcément à Stranger Things (et à leurs référents communs, de Stand By Me aux Goonies), mais sans le boulet nostalgique que la série Netflix se traîne depuis ses débuts. Loin d’être un “livre dont vous êtes le héros” poussiéreux, le coup d’essai Weston Razooli est un vent de fraîcheur drôle et charmant, qui réussit à capter une magie de l’enfance communicative. Nous aussi, on a envie d’avoir à nouveau 10 ans.

 

Riddle of Fire : affiche française

Résumé

Dans cette partie délirante de jeu de rôle à hauteur d'enfant, Weston Razooli sublime autant ses jeunes acteurs qu’un imaginaire juvénile débridé. Riddle of Fire redéfinit à sa manière le terme “revigorant”.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.1)

Votre note ?

commentaires
Pierre_Oh
20/04/2024 à 17:12

Vu ce matin, y a plein de trucs sympas dedans mais je n'ai pas du tout adhéré au jeu d'acteurs, je trouve que ça faisait un peu film d'aventure pour enfants de hipsters. Après je n'ai pas passé un horrible moment non plus même si le passage de la danse m'a terriblement gêné.

Ghost Leopard
17/04/2024 à 22:15

Vu en festival, vraiment sympa.

Ça fait inévitablement penser aux Goonies (entre autres), le film étant clairement un exercice de style très marqué par le style visuel des films pour adolescents des années 80.
J'ai bien aimé. Cela reste un petit film qui exploite avec succès la nostalgie pour tout un pan du cinéma de la décennie 80. Il ne faut pas s'attendre à plus mais j'ai passé un bon moment.

Fox
17/04/2024 à 12:51

N'y aurait-il pas un petit clin d'oeil à Knightriders sur l'affiche ?

Malheureusement, encore une fois, la distri est pas folle pour ce film...
Mais je vais quand même tenter de me trouver une séance ce week-end !

votre commentaire