The Fits : critique spasmophile
The Fits, premier long-métrage de l’Américaine Anna Rose Holmer, est un coup de maître. Un récit d’une maîtrise et d’une maturité surprenantes, qui nous plonge avec justesse dans le désarroi de la prime adolescence.
Du ring au bling
Toni, petite fille de onze ans aux muscles dessinés par une pratique intensive de la boxe, évolue dans un environnement uniquement masculin. Considérée comme une sorte de mascotte asexuée par les boxeurs du club, elle exprime avec son corps tout ce qu’elle ne verbalise pas. Fascinée par les filles du cours de danse de la salle d’à côté, Toni se désintéresse peu à peu de la boxe et tente d’intégrer ce groupe d’adolescentes hautes en couleur. C’est alors que se déclenchent, parmi les danseuses du cours, de curieuses crises d’épilepsie…
Mystérieuses convulsions
Difficile de faire rentrer ce film dans une catégorie préconçue. The Fits, que l’on pourrait traduire par « Les spasmes », n’est pas du tout un film sur la boxe (fists signifiant les poings). Car, si le film s’ouvre sur un ring, il se déroule au rythme de la chorégraphie que tente d’apprendre Toni. Pourtant, The Fits, ce n’est pas non plus un film sur la danse. Car on se soucie finalement bien peu de savoir si les filles vont ou non remporter la compétition pour laquelle elles se préparent. Ce qui intéresse le spectateur, c’est de voir si Toni va ou non réussir à s’intégrer à ce groupe. Si elle va, elle aussi, être victime de ces mystérieuses convulsions.
Horreur adolescente
The Fits, c’est clair, ne ressemble à rien de connu. On peut penser à Take Shelter, de Jeff Nichols, pour la dérive progressive du naturalisme vers le surnaturel ; ou plus encore, à Chronicle, réalisé par Josh Trank, film ultra-réaliste sur une bande d’ados dotés de supers pouvoirs. Ici, l’étrangeté à la lisière du fantastique qui baigne le film n’est que le reflet du mystérieux changement qui habite Toni. Un mélange de peur et de fascination pour ce qu’elle ne connaît pas. The Fits, s’il fallait lui attribuer une thématique précise, est finalement un film sur le passage de l’enfance à l’adolescence, et sur le mélange de terreur et d’envie que cette mutation entraîne.
Un film touché par la grâce
Finalement, The Fits, c’est une histoire très simple d’émancipation, transcendée par la grâce d’une mise en scène sur le fil, et par la justesse de ses interprètes non-professionnels. En tête, la formidable Royalty Hightower, à la hauteur de son glorieux patronyme, avec sa voix grave et son regard qui défie la caméra. On pourrait certes reprocher à ce film d’1h12 d’être un peu court, de ne pas donner à son fascinant sujet l’occasion de se déployer pleinement. Mais c’est paradoxalement cette retenue qui confère sa puissance au film et lui donne des allures d’allégorie. The Fits est la preuve en images qu’avec un budget restreint, on peut faire un grand film.
Lecteurs
(1.5)23/01/2017 à 17:13
Merci pour ce second point de vue.
23/01/2017 à 14:12
Hormis une intrigue linéaire qui étirera l’histoire jusqu’à sa conclusion, il ne faudra pas aller chercher grand-chose dans The Fits. Juste accepter. Accepter de suivre la jeune actrice principale (qui s’en sort plutôt bien vu le rôle qui lui est attribué) qui va frayer cette troupe de jeunes danseuses, déambuler comme poussée par la caméra (qui ne la lache pas et utilise seulement le point de vue de la fille). Accepter des situations minimalistes juste ponctuées par cette mystérieuse épidémie qui n’a de sens et de but que celui voulu par la réalisatrice. Et sans vouloir révéler le mystère entourant ces incidents, on pourra juste dire que leur légitimité scénaristique découle plus d’une vision artistique propre à la réalisatrice (lui attribuant un sens qui tient de l’expression corporelle) que d’une logique véritablement cinématographique.
Ce qui élagué aurait pu donner un court-métrage intéressant, nous donne finalement un film qui synthétise les plus gros défauts du cinéma indépendant américain. 1h12mn de film interminables, où les dialogues sont rares car l’image est censée parler d’elle-même, où l’élément étrange qui perturbe et alimente le récit est en fait une métaphore qu’on doit accepter comme telle. Une œuvre qui se la raconte mais ne raconte pas grand chose, de longs plans sur des personnages n’ayant rien à dire ni à faire véritablement, ponctués d’une musique jazzy horripilante servant à cautionner et générer l’identité arty de l’œuvre. Quand on se permet une telle licence poétique et artistique, il faudrait avoir un sacré talent pour ne pas accoucher fatalement d’un film d’une vacuité aussi plombante.