Zack Snyder est-il un héros, un rigolo ou le dernier gladiateur d'Hollywood ?

Simon Riaux | 7 février 2023 - MAJ : 07/02/2023 18:07
Simon Riaux | 7 février 2023 - MAJ : 07/02/2023 18:07

300, Watchmen, Justice League... Zack Snyder déchaîne les passions depuis ses débuts. Et pousse fans et cinéphiles à se demander : c'est quoi son style ?

Le Grand Ecran Large : pour approfondir ce dossier et débattre dans la joie et la bonne humeur, venez (re)voir Sucker Punch au Club de l'étoile à Paris le 24 février. Réservations disponibles.

 

Le Grand Ecran Large : photo

 

 

Volontiers caricaturé en gros bourrin adepte des images ultra-signifiantes et des poses iconiques au ralenti, Zack Snyder a bâti, film après film, une grammaire instantanément reconnaissable, même en se basant sur des oeuvres préexistantes. Et comme en atteste la ferveur d’une partie du public, cette dernière ne saurait se limiter à une conception du grand spectacle proche d’une publicité pour gel douche peuplée de culturistes. 

Capable de naviguer entre des hordes de zombies, de sublimer des Amazones de fortune ou de magnifier des blockbusters super-héroïques allergiques à la prise de risque, le cinéma de Zack Snyder divise autant qu’il fascine, et demeure une passionnante anomalie au sein du Hollywood contemporain. 

 

photoUn réalisateur qui a tellement tiré son épingle du jeu, qu'il en a fait une armure

 

L’ÉTOFFE DES HÉROS 

La figure du héros est au coeur des récits qu'affectionne Zack Snyder, à tel point que chacun de ses longs-métrages peut être appréhendé comme une facette à part de cette notion, qu'il ne cesse de questionner, de mettre en perspective, d'exalter. Ou de critiquer. À bien y regarder, dès L'Armée des morts et sa focale sur la protagoniste campée par Sarah Polley, il fut pour lui question d'orchestrer la montée en puissance d'un prototype héroïque, qu'il portera à son point d'incandescence avec Sucker Punch.

Une autre quête initiatique éminemment campbellienne se trouve au centre du Royaume de Ga'Hoole - La Légende des Gardiens, qui s'est lancé comme défi de transformer des chouettes et autres hiboux en purs vaisseaux d'une aventure homérique. Et c'est bien à la naissance du courage, sa part d'irresponsabilité, d'incertitude, mais aussi de romantisme échevelé, que Snyder fait la part belle. 

 

photoSashimi, sauce antique

 

Quant à WatchmenMan of SteelBatman v Superman : L’Aube de la justice ou encore Justice League, l'affaire semble entendue, tant les héros constituent, par définition, l'axe central de ces blockbusters. Mais là aussi, le réalisateur ne les traite pas comme ses concurrents, et peut se permettre de questionner une dimension bien particulière de l'héroïsme. Le XXe siècle américain a peuplé son cinéma de surhommes, et mis en image la volonté de puissance de ses héros avec peut-être plus d'intensité qu'aucune autre civilisation.

Et c'est pour Snyder l'occasion d'un retour en arrière esthétique et historique, puisque la mythologie DC, de par son ADN, lui permet de s'inspirer directement des mythes grecs. Ou, comme cela a d'ailleurs été abondamment souligné à l'occasion de son Snyder Cut, de questionner jusqu'au principe de déité, ses héros étant clairement présentés et iconisés à la manière d'êtres supérieurs, dont la problématique n'est pas de s'élever, mais bien de retrouver en eux, et dans leurs actes, ce qui les raccroche encore à l'humanité.

 

Photo Henry CavillUn héros super

 

FEMMES PUISSANTES 

Le succès de 300 et son choix d'adapter une bande-dessinée de Frank Miller (alors pas le plus intersectionnel des gauchistes) valurent un peu vite au réalisateur d'être taxé de méchant fasciste ultra-viriliste. Pourtant, la filmographie de Zack Snyder parle pour lui en la matière, tant elle déborde littéralement de personnages féminins puissants, travaillés, complexes. Et ce, dès son premier film, ou non content d'offrir un de ses plus gros succès publics à l'excellente comédienne Sarah PolleyL'Armée des morts accordait beaucoup d'attention à son héroïne, son parcours et son évolution.

Dès sa longue et éreintante introduction, la caméra et le scénario faisaient preuve d'une acuité et d'une empathie qui devaient rendre caduques les accusations surréalistes souvent accolées au flanc de l'artiste. Jusque dans le traitement, sensible et mesuré du sentiment amoureux chez sa protagoniste, Snyder faisait montre d'une finesse rare dans le cinéma de genre hollywoodien.

Et il ne s'arrêta pas en si bon chemin, comme en témoigne un des blockbusters les plus radicaux, voire expérimentaux, des années 2010. Dans Sucker Punch, il choisit pour Amazones un groupe de guerrières broyées par un monde masculin, toutes mises au rebut, oppressées et possiblement destinées à être lobotomisées, auxquelles la pop culture et l'imagination servent de planche de salut symbolique. Un geste aussi fort que malin, qui s'amuse de quantité de représentations sexuées, voire sexistes, pour en détourner les codes et en proposer une relecture complète. On a connu plus macho.

 

Photo Sarah Polley, Ving RhamesSarah Polley, première Walkyrie de Zack Snyder

 

Enfin, après avoir été un objet de moqueries pendant des décennies, Wonder Woman a retrouvé ses lettres de noblesse de super-héroïne imbibée de mythologie grâce à la direction qu'il aura donnée au personnage dans Batman v Superman, direction inchangée jusqu'à aujourd'hui. De nombreux spectateurs ont d'ailleurs noté que le Snyder Cut l'avait restaurée dans toute sa dimension épique, amputant le nouveau montage d'ajouts probablement Whedoniens.

Bref, jusque dans le super-héroïsme, Snyder aime à traiter de personnages féminins passionnants, et jamais des icônes superficielles pensées pour décorer l'image ou flatter la concupiscence du spectateur, et ce jusqu'à Army of the Dead.

 

photo, Zack Snyder"Et donc là, j'égorge le dragon nazi ?"

 

ÉLOGE DES RALENTIS 

On aura beaucoup glosé sur le format "carré" du Snyder Cut, qui aura engendré autant de fantasmes que d'incompréhension et de trollage impénitent. Mais pour le comprendre, peut-être faut-il revenir sur la mise en scène du Snyder Cut, qui use, plus qu'aucun autre film du cinéaste avant lui, d'un effet de style bien particulier : le ralenti. Dans chaque séquence, la caméra est tentée de ralentir le mouvement, d'étirer l'action jusqu'à la figer. Comme si l'enjeu était non pas d'esthétiser, ou de simplement iconiser, mais bien d'atteindre une sorte de point de réunion entre différents arts, un espace où le cinéma n'a plus besoin du mouvement pour narrer, et aboutir à une autre pratique, picturale cette fois.

Les ralentis de Snyder ne se veulent pas de simples effets d'épate ou de pause, mais bien des tentatives de se mesurer à une autre pratique, à une forme de création, et peut-être dans un geste à la fois désespéré et candide, d'en siphonner la noblesse pour en oindre à la fois le cinéma et les sujets qu'il aborde. Cette ambition se retrouvait déjà dans 300, où on pouvait légitimement regretter que le metteur en scène ne s'affranchisse jamais du découpage de Frank Miller, mais dont il serait un peu abusif d'interpréter l'overdose de ralentis sous le seul angle d'une défaillance de réalisateur.

 

photo, Jeffrey Dean MorganLa pause syndicale, ou la pause héroïque ?

 

Plus que reproduire à tout prix le rendu de cases de la création qu'il adapte, il cherche ici à sortir du cadre traditionnel du cinéma. Et ce n'est donc pas un hasard s'il expérimente à cette occasion une méthodologie de tournage alors radicale et révolutionnaire. En effet, son usage de décor, et donc la création d'une image, presque intégralement virtuelle, le sort de facto de la conception traditionnelle du 7e Art, pour le ramener vers des rivages picturaux bien plus anciens.

Est-ce à dire que le résultat est toujours à la hauteur ? Non. 300 a terriblement vieilli, et Justice League, en systématisant cette même grammaire, finit par tout annuler, ramener à un même niveau, plutôt que de sublimer. Pour autant, on aurait tort de désespérer du père Zack, plus que capable de remettre le métier sur l'ouvrage, de continuer d'explorer son geste jusqu'au-boutiste, et de parvenir à lui donner une forme à la hauteur de ses ambitions formelles.

 

photo, Ben AffleckNon, le chauve ne sourit pas

 

LA POLITIQUE DU FOUTOIR 

Avec son amour de l'héroïsme, son premier degré absolu, son éloge perpétuel de valeurs traditionnelles telles que la force, le courage, l'abnégation, le salut par le combat, ou encore la figure des hommes et femmes d'élite (voire carrément divins) apportant le salut aux masses apeurées, on a très vite fait de catégoriser ce bon vieux Zack sur l'échiquier politique, d'un côté bien droitard et conservateur, voire franchement réac. Sauf que c'est un peu plus compliqué que ça. Et nettement plus intéressant.

 

photo"Mais du coup, je suis fasciste ou juste dépressif ?"

 

Tout d'abord, étant entendu que ne pas être un fieffé gauchiste n'a jamais interdit de réaliser de bons, voire de grands films (coucou Clint Eastwood et S. Craig Zahler), on se gardera bien ici de toute moraline un peu facile. Ensuite, vu l'orientation, fréquemment opportuniste, d'Hollywood en faveur d'une certaine vision du progressisme, qu'une vision concurrente puisse elle aussi s'exprimer au sein de la production de blockbusters est plutôt rassurant. Mais surtout, catégoriser Snyder comme un simple réalisateur "de droite", a fortiori un héraut du conservatisme, revient à opérer une simplification qui ne permet pas de bien saisir le sens de ses films.

Parce que pour une adaptation de Frank Miller, obsédée par les attributs virils et la sacralisation du conflit, on trouve aussi un Watchmen, adaptation passionnée et passionnante d'Alan Moore, dont le positionnement nihilo-anarcho-cosmique est évident. Certes, le réalisateur apporte des modifications substantielles, et ne colle pas totalement à la vision politique du matériau originel, mais il serait hypocrite d'oublier combien il en adopte des traits, des discours, et in fine, combien il s'est investi corps et âme dans l'adaptation de ce chef-d'oeuvre de la bande-dessinée.

 

photoChouette, des Vikings !

 

Son Rorsach est-il le paranoïaque pathétique de la bande-dessinée ? Pas vraiment, et là où Moore critiquait ouvertement le justicier psychotique, pour en faire un symbole de vertu dévoyée et un motif d'effroi, on sent bien que l'empathie de Snyder lui est acquise. Pour autant, c'est ultimement à un autre qu'il donnera le dernier mot, comme si le réalisateur était bien conscient que l'enquêteur masqué représentait un monde irrécupérable, dont la vision systémique ne pouvait aboutir qu'à la mort.

On évoquait plus haut le traitement du féminin chez Snyder, et là aussi, force est de constater qu'il traite ses héroïnes avec intérêt et en fait souvent les moteurs de l'action. Autant d'éléments, de pistes, qui nuancent considérablement le positionnement idéologique de l'artiste, et en font un vaste foutoir puissamment sympathique, plutôt que bourrin trop souvent décrié.

 

photoPrends ça McGyver

 

ICONOGRAPHIE MAOUSSE 

Que dire d'un cinéaste qui aura réussi à armer des chouettes et leur faire enfiler des casques entre trip viking et fantasme de gladiateur, sinon que l'iconographie le démange ? Les créations qui ont fondé sa mise en scène sont d'abord les comics, et c'est donc avec un certain naturel qu'il s'en empare. Peu importe finalement qu'il duplique ou non les cases des maîtres qu'il adore, Snyder crée un nouvel espace, qui souligne autant la stérilité de la reproduction telle quelle des cases, qu'il donne naissance à une imagerie nouvelle. Un constat évident dans Watchmen, lorsqu'il se penche sur le Dr Manhattan, peut-être la réussite la plus évidente du film.

 

photoThis is une pub pour du parfum

 

Mais ces origines graphiques ne sont pas la seule grille de lecture des compositions snyderiennes. L'iconographie chrétienne, catholique en particulier, est peut-être son plus puissant moteur créatif. Une influence toujours présente au sein de ses longs-métrages, dès 300, qui plaçait ici et là des passerelles avec le Parnasse, ou le néo-romantisme de bénitier. Mais c'est véritablement avec Sucker Punch, puis Man of Steel que ces motifs deviendront consubstantiels de son travail.

Qu'il cite la Piéta à la fin de Batman v Superman, ou crible son image de croix et autres symboles christiques, allant jusqu'à faire de Clark Kent un pur être messianique, c'est bien dans ces images que bat le coeur de Zack Snyder. Une imagerie que d'aucuns qualifieront de pompeuse, pompière, épaisse, mais qui est ici assumée avec une telle sincérité qu'elle décuple par instants l'impact des séquences où elles surgissent.

Tout savoir sur Zack Snyder's Justice League

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commentaires
Marc en RAGE
09/02/2023 à 23:09

C'est quoi votre problème avec Zack Snyder ? Il a réaliser de très bon films .

300 ( 2007)
Watchmen les gardiens ( 2009)
Man of Steel ( 2013)
Et en Décembre 2023 REBEL MOON sur Netflix j'espère ne pas être déçu.

La haine a zack
09/02/2023 à 17:32

Zack snyder est un trouduc

Galawar
09/02/2023 à 07:42

@Le Don

Ok. Bah... Je peux juste espérer que dans l'avenir, tu parviennes à te forger un esprit critique un peu (très vachement) plus élaboré. Je te le souhaite vraiment.

Le Don
08/02/2023 à 17:57

@ beerus

Et ta mère...
S'en est pas?
C'est pire meme...

Beerus
08/02/2023 à 17:44

@Le Don : bah ton commentaire c'est de la merde donc je ne vais pas perdre mon temps à répondre, hormis le faux pas Army Of The Dead, je n'ai rien à reprocher au reste de la filmographie de Zack Snyder. Allez ciao.

Le Don
08/02/2023 à 17:35

@ galawar

Ben voyons mon gars, la plupart des gens maintenant si ils se rendent compte qu'un film a une note toute pourrie sur rotten tomatoes et ben ils ont 9 chances sur 10 de pas aller le voir.

Et si par exemple sur 10 journaliste 7 le juge mauvais c'est qu'il y a clairement des raisons.


Par exemple je n'ai jamais vu le parrain, mais pour moi c'est un chef d'oeuvre.

Prends l'exemple de terminator, toutes les suites au deuxième sont considérés comme mauvaise, si quelqu'un dit le contraire et bien tu as de grandes chances pour que tout le monde se foute un peu de sa gueule. Alors oui il n'y a pas de mal a se plier aux conventions, aux normes, si une chose est généralement perçu comme bonne il faut dire la pareil.

Galawar
08/02/2023 à 14:42

@Le Don @Le Don

"il faut se plier aux conventions, si un film est jugé mauvais par par exemple 75 % des gens c'est que c'est MAUVAIS !"

Bah non, en fait. Pas du tout. Et je suis clairement pas un gros Fan de Snyder, mais cette remarque me fait sauter au plafond.

En gros, tu dis que tes d'accord avec tout le monde, tant qu'ils sont majoritaires ? C'est triste...

Le Don
08/02/2023 à 02:11

@ beerus

Balance tes arguments et dis moi sur quoi tu n'est pas d'accord plutot que de venir m'insulter ou de cracher ton venin a tout va. Moi je n'ai insulter personne encore moins l'Avis des autres.

Beerus
07/02/2023 à 23:08

@ Le Don Et ta connerie elle en fait de la merde ?

Le Don
07/02/2023 à 22:17

Zack snyder ne fait que de la m**** ce n'est pas mon avis, c'est la réalité, il faut se plier aux conventions, si un film est jugé mauvais par par exemple 75 % des gens c'est que c'est MAUVAIS ! Essayez de le défendre n'aura pas de sens, batman v superman est un mauvais film, ce n'est pas seulement mon opinion, c'est l'avis général, on ne peut pas être credible en essayant de faire croire qu'un film comme BvS est "un bon film" C'est un mauvais film dans tout les sens du terme, je crois que les gens place des adjectifs pompeux a tout et n'importe quoi, un bon film on en verra pas des masses, en revanche un film plaisant, beaucoup plus, par exemple, je prends plaisir a regarder un thor ou un shazam mais au fond ce sont de tres mauvais films (scenario incoherent, jeu d'acteur aux pâquerettes, dialogues idiots ect), vous voulez des grands films ? Regardez 2001, l'Odyssée de l'espace, le parrain, the dark knight, pulp fiction, psychose la vous aurez du geand cinéma. Alors pour en revenir a zack snyder, il ne fait ni des bons films, ni des films plaisant a regarder, BvS est hyper mauvais, son JL est incohérent, son man of steel est bancal (trop long a demarrer, acteur execrable, effets speciaux écoeurant) et le reste de sa filmo est encore pire.

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