La Poursuite impitoyable : le film parfait pour détester l'Amérique

Arnold Petit | 3 septembre 2023
Arnold Petit | 3 septembre 2023

Quand Marlon Brando tente de protéger Robert Redford d'une foule hystérique, ça donne La Poursuite impitoyable d'Arthur Penn, un film puissant et mémorable.

À l'annonce de l'évasion d'un prisonnier accusé de meurtre joué par Robert Redford, des habitants a priori tranquilles d'une petite ville du Texas se changent en une foule déchaînée face à un Marlon Brando dépassé par la folie des citoyens. Dès lors, la haine et la peur prennent le pas sur la raison et la justice, et une chasse à l'homme improvisée s'organise pour faire retrouver le prisonnier.

Dans son quatrième long-métrage, La Poursuite Impitoyable, réalisé en 1966, Arthur Penn fait une description au vitriol de l'Amérique et de ses vices dans une tragédie qui prend la tournure d'un cauchemar éveillé dont les États-Unis ne sont toujours pas sortis.

 

La Poursuite impitoyable : photoLa nuit va être longue

 

LA LOI ET L'ORDRE

Au fil de ses oeuvres, Arthur Penn n'a cessé de mettre la société américaine face à ses propres contradictions. Déjà en 1958 dans son premier film, Le Gaucher, le réalisateur reprenait l'histoire de Billy the Kid pour livrer une vision décapée de l'Ouest américain et montrer les fêlures de ce jeune hors-la-loi analphabète que la presse et les livres ont érigé au rang de légende.

Ce regard en surplomb du cinéaste sur l'histoire des États-Unis et la violence sur laquelle elle s'est écrite trouve son point d'orgue dans Bonnie & Clyde, qui a lancé une des plus grandes périodes de l'histoire du cinéma américain. Mais La Poursuite Impitoyable, qu'il a réalisé un an plus tôt, contenait déjà tous les signes précurseurs de cette révolution.

 

La Poursuite impitoyable : photoTraqué

 

Pourtant, des années après la sortie du film, Arthur Penn a clairement renié le film dans un entretien face aux critiques Jan Aghed et Bernard Cohn, déclarant que "tout dans ce film était une déception". Et pour cause : La Poursuite Impitoyable est son premier film réalisé pour un gros studio hollywoodien, et un des derniers exemples de ce système de l'âge d'or où les majors régnaient sans partage sur la production et la fabrication du cinéma.

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commentaires
Hocine
08/09/2023 à 21:28

@Wooster

Je comprends l’aspect de l’American way of life que tu évoques: une petite communauté, représentant l’Amérique puritaine, où tout le monde connaît tout le monde et où tout semble lisse et parfait en apparence. Derrière ce tableau idyllique, se cachent des horreurs ou des secrets qu’on ne soupçonnerait pas. Un peu comme chez David Lynch (Blue Velvet par exemple): vu de loin, le tableau de l’Amérique est propre et rassurant. Plus on se rapproche, plus on fouille, plus ce tableau est sale et inquiétant. Je pense aussi à ce film magnifique, The Last Picture Show de Peter Bogdanovich. La Poursuite Impitoyable fait partie des films qui annoncent le Nouvel Hollywood. D’ailleurs, c’est le même Arthur Penn qui réalisera Bonnie and Clyde, perçu souvent comme le point de départ du Nouvel Hollywood, avec Le Lauréat de Mike Nichols. C’est vraiment une période passionnante du cinéma américain.

Wooster
08/09/2023 à 18:07

@Hociné
Je comprends tes arguments, et d’ailleurs j’y souscris.
Mais mon commentaire visait un aspect très particulier de l’American way of life, à savoir l’exaltation de la vie dans une petite communauté, là où les voisins se réunissent autour de barbecues, où les habitants appellent le shérif par son prénom, où les voitures sont garée dans l’allée devant des maisons proprettes sans clôture, où tout le monde est allé dans la même High School… Ce modèle qu’on a vu mille fois (à tel point qu’il nous est très familier à nous européens) est le plus souvent célébré (de la série Happy Days aux téléfilms Hallmark), surtout par opposition à la grande ville (New York, San Francisco…) qui est nécessairement inhumaine, pervertie par l’argent, le sexe et l’ambition.
C’est dans ce sens que je trouve La poursuite impitoyable novateur : il fait de ce modèle un enfer. Je ne vois pas d’autres films qui le précèdent sur ce meme thème. A la rigueur La Fureur de Vivre, mais il s’agit davantage d’aborder l’émergence de la figure du teenager dans la société d’après guerre.

Hocine
07/09/2023 à 22:37

@Wooster

C’est d’ailleurs ce qui est fascinant avec le cinéma américain: cette aptitude de rendre universel, ce qui est typiquement américain. Ainsi, les spectateurs du monde entier peuvent être touchés par des films américains et s’identifier à leurs personnages.

Pour revenir à l’American way of life: certes, cette expression est devenue populaire au XXème siècle, avec notamment l’émergence de la société de consommation, soit après la conquête de l’Ouest. Cependant, l’American way of life trouve son origine dans les idées élaborées par la Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique, publiée le 4 Juillet 1776, soit avant la conquête de l’Ouest: ces idées étant la vie, la liberté et la recherche du bonheur. En cela, il est évident que le cinéma américain, dont les westerns, participe pleinement à la promotion de l’American way of life. De plus, le cinéma américain s’est développé au XXème siècle: ainsi, même les films dits historiques ou d’époque comportent des anachronismes liés à l’époque où les films ont été tournés.

Pour finir, un film sorti en 1936, soit bien avant La Poursuite Impitoyable, et qui dénonce, en grande partie, l’American way of life: Les Temps Modernes de Charlie Chaplin.

Wooster
06/09/2023 à 22:05

@Hocine
Les américains ont cette force de savoir dénoncer dans leur films (et dans leur littérature) leurs propres travers, autant qu’ils savent célébrer leur propre culture par ailleurs. Les westerns ne dénoncent pas l’American Way of Life, et pour cause, cela n’existait pas au temps des westerns. Les westerns montrent une société en construction, tantôt célébrant des valeurs comme le courage et la loyauté, tantôt dénonçant les massacres des indiens ou la cupidité.
Ce qui distingue La poursuite Impitoyable, c’est qu’il s’en prend directement à L’American way of life : et je ne vois pas d’équivalents qui le précèdent.

Hocine
05/09/2023 à 17:55

@Wooster
Bien avant La Poursuite Impitoyable, plusieurs autres films remettaient en cause l’image idyllique de la ville (société) américaine. Je n’ai pas de liste exhaustive mais je pense par exemple à Un Homme est passé de John Sturges avec Spencer Tracy.
Sans compter les villes pleines de vices décrites dans plusieurs westerns et films noirs. De manière générale, Hollywood va tantôt promouvoir l’American way of life, tantôt regarder l’Histoire en face et dénoncer le péché originel à partir duquel la société américaine contemporaine s’est en partie bâtie: le génocide des autochtones (tribus indiennes). Ce sujet sera abordé dans Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese.

Wooster
05/09/2023 à 09:45

Je me souviens avoir vu ce film, probablement au début des années 80. Cela avait été un choc.
Je pense (mais je peux me tromper) que c’est le premier film qui prend à revers de façon aussi frontale l’idéal de la petite ville / banlieue américaine. Quant à Brando, il est comme toujours impérial.

Hocine
04/09/2023 à 21:11

La Poursuite Impitoyable d’Arthur Penn est un très bon film, construit comme un western et servi par un excellent casting, mené par Marlon Brando, perçu alors comme has-been. C‘était avant son retour en grâce dans Le Parrain.

RobinDesBois
04/09/2023 à 00:17

Un film magnifique. Robert Redford bouleversant, Brando impressionnant de justesse dans ce rôle de flic droit, impuissant face à une ville de fous inhumains. On est aussi écœuré que déprimé après avoir vu ce film qui ne peut laisser personne indifférent.

Ray Peterson
03/09/2023 à 22:42

Masterpiece. Intemporel, magnifique et prodigieux. Fonda, Brando, Redford, Penn, Barry....
Un petit flop certes mais un immense film. Et ça, avant Bonnie & Clyde! Arthur Penn rules!

Ringo
03/09/2023 à 22:27

Ah, ce film est immense. Un véritable choc lorsque je l'ai découvert pour la première fois. Jusqu'où la folie des hommes peut aller, aidée par l'esprit de groupe. Reste hélas d'actualité, il n'y a qu'à regarder les infos de temps en temps.

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