Test Diablo IV : pas loin d'être le pire épisode, et ça fait mal

LE DIABLE PAR LA QUEUE

C'est peu de dire que les fans de Diablo II ont haï Diablo III. Ah ça a gueulé ma bonne dame. C'est-à-dire qu'on ne peut pas transformer un RPG gothique noir et exigeant en gigantesque piñata multicolore de loot fluorescent sans que cela provoque quelques glapissements de putois (et on ne parlera même pas des pratiques commerciales de Blizzard, on manque déjà de place). Tant et si bien que Blizzard l'a promis, juré, craché : les critiques ont été entendues, le gameplay révisé et l'univers retravaillé pour faire revenir un certain esprit de sérieux. Du moins en apparence.

Cette apparence de Diablo IV envoie en effet un message clair : "Revenez les copains, on est revenus au bon vieux temps de Diablo II, d'ailleurs quatre des cinq classes jouables étaient dans l'opus sacré et cette fois-ci on n’a pas oublié d'inclure votre Druide adoré ainsi que de faire revenir certains boss adorés".

Non mais regardez ça et dites-nous que y'a pas un retour en grâce de la direction artistique là

 Exit la direction artistique féérique et bigarrée réminiscente de World of Warcraft, revoilà le sang, la décrépitude, la saleté, et surtout : les ténèbres. Et il faut admettre que, même si certains pourraient faire un procès en fan-servicing, Diablo IV défonce... en apparence, toujours. Les graphismes sont superbes et la direction artistique renoue avec une forme de gravité et de "réalisme".

Dès la cinématique d'introduction absolument dantesque et les quelques premiers pas accomplis, on est heureux de voir le cachet de l'univers de Diablo non seulement restauré, mais sublimé. Les cinématiques qui pissent le sang sont absolument dantesques, et surtout, nous n'avons pas peur de le dire : le travail d'ambiance proprement magistral rivalise sans peine avec celui légendaire de Diablo II. C'est dit. Avec en plus une intrigue dont les prémices très mystérieuses parviennent sans mal à happer le joueur qui s'intéresse à l'histoire, les premières heures de Diablo IV sont absolument jouissives. Mais cette impression est de courte durée, puisqu'une fois le vrai jeu lancé, les ennuis commencent.

Classement dans l'ordre du fun : Druide, Sorcier, Nécromancien, Voleur, Barbare

LA GUERRE DU bouton

Ou plutôt, l'Ennui commence. Ce qui suit sera en partie dépendant de la classe jouée, mais quelle ne fut pas notre déception de voir le premier groupe d'ennemis un peu conséquent imploser après avoir appuyé sur deux touches avec notre petit Voleur niveau 8, avant d'être immédiatement arrosé de loot magique grâce à un système de butin encore une fois absurdement généreux. Et encore, Voleur est une classe "technique" : si vous jouez Barbare il est possible de finir le jeu bourré comme un débile en appuyant sur un seul bouton, l'autre main dans le slibard.

On ira même jusqu'à vous conseiller de jouer une des classes faibles pour le moment pour épicer un peu le jeu, comme Druide ou Sorcier. Gestion des ressources, kiting, tactique et on en passe, tout cela avait disparu avec Diablo III, qui privilégiait le burst et le tabassage frénétique. Malheureusement, ne comptez pas sur Diablo IV pour faire revenir un quelconque esprit stratégique et vous faire lutter pour votre survie. D'ailleurs, Diablo IV aligne la puissance des monstres sur celle du joueur, garantissant la courbe de difficulté la plus plate du monde et la préservation des egos délicats des joueurs qui ne supporteraient pas de ne pas être un über roxxor en moins de vingt minutes.

De toute façon, toutes les classes sont des DPS...

Autre déconvenue, et non des moindres, la durée de la campagne solo. Bien sûr, la carte est absolument gigantesque, mais à cause de cette difficulté ajustée, la motivation d'aller explorer, de sortir du chemin pour aller récupérer un trésor est assez faible, sans parler du fait qu'il est quasi certain de looter un truc meilleur dans la demi-heure. Sauf que si l'on fonce tout droit sans se laisser distraire, le mode histoire se boucle en une vingtaine d'heures et en traversant 30% de la carte. C'est peu, mais quand on sait qu'il est obligatoire de la terminer pour accéder au contenu endgame et aux futurs contenus saisonniers à venir, on comprend mieux.

Au moins les boss sont chouettes et les antagonistes très vilains

Illa divina insana

À force de transformer ses jeux en services, Blizzard a ravalé la campagne au rang de formalité qu'il faut finir pour accéder au vrai jeu. D'ailleurs, une fois terminée, il n'est plus obligatoire de la refaire quand on recrée un nouveau perso. Aussi excellente soit sa narration (et elle l'est), on ne peut que ressentir une forme d'amertume en imaginant ce qu'elle aurait pu donner si Blizzard en avait fait la composante principale de son jeu.

Au lieu de cela, l'éditeur préfère plaquer bêtement des mécaniques de MMO sur Diablo IV pour essayer de faire croire que le jeu est encore jouable après sa fin. Mais en l'état, l'endgame est l'un des plus pauvres et des plus ennuyeux qu'il nous a été donné de tester.

Ah oui au fait, on est obligé d'être en ligne avec d'autres joueurs et il est possible de se faire tuer par le lag, top

Il n'y a pour ainsi dire rien à faire. Un World Boss par-ci, une région envahie par-là. À moins d'être vraiment passionné par l'optimisation de personnage, il faut s'accrocher pour trouver des raisons de continuer à jouer à Diablo IV. Il y a à l'évidence un manque criant de direction dans cet épisode, tant le manque de variété plombe le jeu. Le hack'n'slah a toujours été un genre critiqué pour son aspect répétitif et la brièveté de sa boucle de gameplay, mais Diablo IV est probablement à ce titre le pire de tous à cause de son manque de variété. Les donjons sont un peu tous les mêmes et ne proposent jamais de nouvelles mécaniques, mais surtout, le gamefeel des cinq classes proposées est le même.

On pourrait même dire que Diablo IV est une forme de recul par rapport à Diablo III, un opus bas du front, mais qui avait le mérite d'avoir des classes distinctes. Nécromancien, Druide, Barbare, Voleur ou Sorcier, ici tout le monde joue DPS comme un gros décérébré, avec pour seul variant le degré d'ablation du cerveau. Impossible en plus de finasser : le tant attendu arbre de compétence a beau faire son retour, son fonctionnement très verrouillé limite plus encore la personnalisation des builds que Diablo III, pourtant très critiqué sur ce plan. Pire encore, certaines classes ne proposent rien de nouveau depuis Diablo III, notamment le Barbare qui n'a juste pas bougé d'un iota.

C'est l'heure du Garen-spin infini

C'est beau mais c'est chiant

Ce n'est pas la moindre des contradictions : ce Diablo IV trop uniforme et trop vide ne vaut le coup que pour son mode histoire et son ambiance, mais tourne son business model vers la frange des joueurs qui s'en foutent le plus. Ceux-là préfèreront sans doute retourner à un Diablo III plus nerveux, tandis que ceux qui détestent Diablo III prendront cet opus comme une friandise et retourneront vite sur Diablo II Resurrected. Le monde ouvert et sa quantité astronomique de sidequests ne sauraient en rien être un argument convaincant à lui seul, car le manque de variété continue de poser problème.

Certes, les décors sont très jolis et proposent une certaine diversité cosmétique, mais il prend à peine le temps d'impliquer le joueur dans des récits secondaires comme savait le faire The Witcher 3 : Wild Hunt, et se donne encore moins la peine de donner une couleur particulière à ses quêtes. Là où ce monde ouvert apparaît le plus comme une fausse bonne idée, c'est qu'il tue la génération aléatoire de niveaux, composante pourtant essentielle de l'identité de Diablo depuis le premier jeu. Mais qu'on se rassure ! Ce n'est pas grave s'il n'y a pas de danger, pas de variété, pas de gameplay, pas de endgame, puisque tout cela sera résolu avec le DLC et les battle pass... payants.

Pour citer un Nathrezim : "doooonne-moi ton oooooooor !"

En dehors de sa campagne beaucoup trop courte, Diablo IV est encore un jeu-service vide sorti parce qu'il fallait bien faire un nouveau Diablo pour à la fois marquer le coup des dix ans et remplir la boutique de produits frais. Un brouillon sans idée neuve vendu 80€ alors que tout reste à écrire, avec la promesse que le "vrai jeu" arrivera plus tard. Imaginez que vous ayez commandé une pizza à livrer, et qu’en plus d’arriver une heure en retard, le cuisinier à juste mit les olives sur la pâte : vous refuseriez de payer le livreur non ? Alors, pourquoi payer pour Diablo IV ?

Test réalisé sur PC et PS5. Diablo IV est disponible sur PC, Xbox Series X/S, Xbox One, PS4 et PS5.