Invincible saison 1 : critique de la pépite super-héroïque d'Amazon

Arnold Petit | 30 avril 2021 - MAJ : 30/04/2021 20:34
Arnold Petit | 30 avril 2021 - MAJ : 30/04/2021 20:34

Il y avait de quoi être sceptique lorsque l'adaptation d'Invincible a été annoncée tant le comics de Robert KirkmanCory Walker et Ryan Ottley a acquis un statut d'oeuvre culte et pouvait s'avérer difficile à porter à l'écran, autant pour sa violence débridée que pour son univers extrêmement riche. Néanmoins, la série animée d'Amazon Prime Video s'est admirablement bien débrouillée et s'impose déjà comme une des séries de l'année.

LOVE & MONSTERS

Rien ne laissait présager à l'époque qu'Invincible deviendrait un tel chef-d’œuvre. Et après un rebondissement que personne n'aurait pu anticiper, ce qui démarrait comme une origin story assez basique inspirée par Ultimate Spider-Man s'est mué en un récit complexe et mature teinté d'une violence débridée, bâtissant alors une mythologie de plus en plus complexe et fascinante.

Amener sur petit écran ce comics de 144 numéros (25 tomes en France) qui a marqué l'histoire de la bande dessinée américaine et le genre super-héroïque représentait donc un défi en soi, mais Robert Kirkman, Ryan Ottley et Cory Walker ont fait preuve d'une grande intelligence pour mener à bien leur adaptation et ont aussi pu compter sur l'expérience d'Evan Goldberg et Seth Rogen comme producteurs exécutifs. Un duo qui a déjà adapté les comics Preacher et The Boys en séries avec un talent certain. Le scénariste, les dessinateurs et toute la bande sont clairement attachés au matériau d'origine et l'amour qu'ils lui portent se ressent à chaque instant.

 

photoMars Attack

 

Fidèlement, la série reprend l'ambiance des comics et cette esthétique pop rétro qu'on retrouvait dans les planches de Cory Walker, puis de Ryan Ottley quand il a pris la relève, avec un monde lumineux et coloré qui rappelle l'Âge d'Argent, en plus des costumes extravagants. En se tournant vers l'animation, les créateurs ont pu totalement préserver le contraste brutal entre cette atmosphère légère et les gerbes de sang qui fusent lors des affrontements. Une discordance qui incarnait l'esprit de l’œuvre originelle et qu'on retrouve de manière encore plus graphique.

Cependant, ils ont aussi su prendre suffisamment de recul pour retoucher l'histoire de Robert Kirkman (qui a écrit le premier et le dernier épisode) et la faire évoluer. De sorte à accélérer le rythme pour éviter que le spectateur de 2021 s'impatiente là où le lecteur d'autrefois pouvait être maintenu en haleine chaque mois, des intrigues sont mélangées entre elles, là où d'autres sont tout simplement supprimées. 

Invincible avançait avec des retournements de situations, un univers de plus en plus intéressant, des personnages forts, et c'est exactement ce sur quoi s'appuie la série. Ces légers changements viennent moderniser le récit et le tonifier en enlevant certains éléments qui le surchargeaient, mais permettent surtout de donner plus d'ampleur à la fabuleuse galerie de héros, d'humains et de méchants sur lequel repose le scénario. La série ne ressemble alors plus vraiment à une adaptation, mais bien à une version améliorée et donc nouvelle d'Invincible.

 

photoLa pub, ça coûte cher de nos jours

 

GRANDS POUVOIRS, GROS PROBLÈMES

Mark se retrouve rapidement confronté à la réalité du monde des super-héros après avoir découvert ses pouvoirs et les passages au lycée sont beaucoup moins présents, mais le scénario parvient à garder cette relation pleine de sincérité avec son ami William, ouvertement homosexuel dans la série, là où le comics mettait un moment à le dévoiler après plusieurs allusions lourdes. La visite à la fac de l'épisode 6 prend alors une tournure encore plus tragique.

Alors qu'elle n'était qu'une potiche blonde qui s'affirmait au fur et à mesure du récit, Amber est immédiatement présentée comme une jeune femme avisée, confiante et dégourdie. Et la voix de Zazie Beetz convient parfaitement à ses remarques cinglantes quand elle exprime sa frustration à Mark concernant leur relation. Contrairement à sa version sur papier, qui est toute excitée à l'idée d'avoir un super-héros comme petit ami lorsqu'il lui révèle la vérité pour excuser ses absences, la Amber de la série animée lui explique qu'elle l'avait déjà compris depuis un moment et que ça ne change rien à ce qu'elle ressent depuis qu'ils sont ensemble.

Cette fois, Mark ne peut pas simplement s'en sortir grâce à son beau costume ou sa force surhumaine et doit encore apprendre à concilier sa vie d'adolescent et son existence de super-héros, mais les choses ne vont pas s’arranger après ce qu’il a vécu.

 

photoTu ne t'en sortiras pas aussi facilement

 

Omni-Man, qui profite d'un excellent doublage de la part de J.K. Simmons, devient bien cet être froid et calculateur, mais la série montre quand même à quel point il reste attaché à sa famille et son humanité malgré ses obscures motivations. Sa relation avec sa femme, Deborah, est également exploitée davantage et la mère de famille a le droit à un traitement digne de ce nom par rapport à son incarnation des comics.

Plutôt que de subir les événements et d'apprendre la vérité en même temps que tout le monde, elle poursuit l'enquête de Damian Darkblood (devenu un croisement entre Hellboy et Rorschach) et prend directement part à l'intrigue. À mesure qu'elle découvre les secrets que cachent son mari, elle s'enferme dans un déni déchirant et Sandra Oh réalise un travail assez remarquable pour transmettre le désemparement du personnage. 

Art Rosenbaum, Allen l’Alien, Rex Splode… Les personnages secondaires occupent également un rôle à part entière et possèdent tous une personnalité unique, à laquelle il est difficile de ne pas s'attacher tant ils peuvent être drôles, comme les jumeaux Mauler, ou attachants, à l’image de Monster Girl et Robot, qui partagent la même souffrance. À ce niveau, Cecil Stedman tient une place toute particulière et la voix de Walton Goggins lui correspond parfaitement, affectueuse, méfiante ou pleine de gravité quand la situation dégénère.

 

photoVous n’en avez pas un peu marre d'attaquer la Terre ? 

 

DU SANG ET DES LARMES

C'est à travers ces petites modifications aussi insignifiantes que subtiles que la série tire le meilleur de l’œuvre originale et de ses personnages, ô combien touchants, qu'ils aient des capacités surhumaines ou non. Que ce soit au niveau de la tension, de l'émotion ou du rythme, tout est fait pour être encore plus impressionnant et surprenant, mais toujours avec une véritable affection sincère pour les comics.

Cette envie de bien faire transpire à tous les niveaux, autant dans l'écriture que dans l’élaboration des scènes d'actions. Les combats sont assurément les moments les plus intenses de la série et la générosité ne manque pas lorsqu’il s'agit d'exploiter les pouvoirs de ses super-héros et déverser des litres de sang. Malheureusement, tout n'est pas aussi parfait qu'on le voudrait.

Si l'action ne déçoit pas, l'animation n'arrive pas forcément à suivre et les scènes de dialogues, où réside pourtant une grande partie de la charge émotionnelle du scénario, souffrent d'une rigidité flagrante, tandis que certains décors manquent de détails ou de perspective.

 

photoMan on the Moon

 

La série est loin d'être affreuse (au contraire, le dernier épisode l’a bien prouvé) et ces imperfections graphiques ne viennent certainement pas entacher le reste, mais on ne peut que regretter que les animateurs n'aient pas disposé d'un budget assez grand pour porter la même attention à toutes les séquences, même celles qui ne contiennent pas de têtes qui explosent ou de membres arrachés.

Terminer le premier épisode sur ce qui avait fait basculer le comics dans une autre dimension et disséminer des indices tout au long de la saison était un choix osé. Cependant, les scénaristes ont parfaitement géré cette montée en puissance d'épisode en épisode, jusqu'à cette conclusion dans un déluge d'hémoglobine.

Le format de 45 minutes peut paraître un chouïa forcé au départ, mais prend toute sa signification dans les deux derniers épisodes, points culminants de ce que la série avait patiemment et habilement mis en place. Avec sa diffusion hebdomadaire, Invincible est parvenu à recréer l'excitation de l'attente du prochain épisode qui a fait de chaque vendredi un rendez-vous, comme à l'époque où les lecteurs patientaient chaque mois pour avoir leur nouveau numéro.

 

photoImage d'un fan après le dernier épisode

 

Dans le dernier épisode, Mark vit le moment le plus perturbant et traumatisant de toute son existence. Un événement qui, comme dans le comics, remet absolument tout en question. Maintenant que la série a mis en place ses intrigues et que le mystère a été éclairci, il est désormais temps pour elle d'évoluer vers un autre stade dans la prochaine saison et de voir comment les personnages vont réagir à ce retournement de situation, brillamment mené. Pour le moment, cette adaptation d'Invincible est un bel hommage à l'oeuvre originale et promet plein de belles choses.

La série ayant été renouvelée pour une deuxième et une troisième saison, le succès semble confirmé. Il ne reste plus qu'à attendre et espérer que la série disposera d'un budget plus important pour qu'elle corrige ses quelques défauts en matière d'animation et soit encore plus plaisante qu'elle ne l'est déjà.

La saison 1 d'Invincible est disponible en intégralité sur Amazon Prime Video depuis le 30 avril 2021

 

affiche

Résumé

Cette adaptation d'Invincible en série d'animation est une belle réussite et propose un divertissement drôle, touchant et efficace, qui promet plein de bonnes choses pour la suite, en espérant que la série puisse dépasser ses limites techniques afin d'aller au bout de ses ambitions.

Autre avis Alexandre Janowiak
Plus qu'une adaptation du comics de Robert Kirkman, la série Invincible est finalement une version 2.0 plus ramassée et tout aussi riche. Violente, bouleversante, drôle, tragique... la série Amazon est probablement ce que le genre super-héroïque a offert de mieux sur le petit écran (et plus) depuis des années. Un uppercut dont on ressort K.O.
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Lecteurs

(3.8)

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commentaires
Ozymandias
26/05/2021 à 14:30

J'ai juste bien aimé perso. Le premier et le dernier épisode sont excellent et m'ont beaucoup plu, par contre le reste n'est pas exceptionnel. Bien envie de voir la suite évidemment, mais j'espère que les intrigues secondaires seront plus intéressantes car je n'ai pas été emballé.

fredmick
22/05/2021 à 16:06

C'est pas mal du tout, j'ai passé un bon moment dans l'ensemble, l'intrigue principale est plaisante, parfois téléphonée mais d'autres fois agréablement surprenante et vicieuse, et les scènes d'action sont souvent réussie.
Certaines critiques élogieuses me semblent toutefois bien exagérées... L'animation est assez dégueulasse par moment, mais je peux faire abstraction. En revanche, j'ai beaucoup plus de mal à excuser cette platitude dans l'écriture des dialogues et dans le doublage (et je parle bien de la VO) malgré la qualité des acteurs. L'émotion transmise par la doubleuse de Debbie? Désolé, mais je n'ai pas ressenti grand chose. Il faut dire que le manque d'expressivité du dessin n'aide pas, mais quand même...
Je trouve aussi douteux que pour une saison aussi courte, nous ayons plusieurs épisodes one-shot parfois longuets. D'accord, ils ont parfois un lien avec l'intrigue principale et servent à enrichir l'univers, mais ça alourdit encore davantage le rythme.
Ce n'est donc pas une grosse claque pour moi, juste un bon divertissement.

Raphaël
17/05/2021 à 23:05

Bof, rien de neuf au pays des séries, l'idée scénaristique ne tient même pas 2 épisodes (le premier et le dernier) les autres c'est du grand classique de la micro-story résolue en un épisode. Aucun personnage attanchant....et la violence n'apporte rien au récit, alors que clairement elle meurtri/grave chaque action des personnages dans le comics... Passons sur le placement de minorité qui à part proposer de la diversité n'apporte rien de plus... Bref j'ai perdu mon temps

Stavos
03/05/2021 à 11:42

D'accord sur le fait que l'anim laisse la désirer. C'est clairement l'aspect le plus faible de la série...

Mention spéciale à la VF d'excellente facture. On y retrouve de nombreuses voix qui font également les doublages de série d'animation pour enfants, le contraste avec la violence en est encore plus incroyable.

Guéguette
02/05/2021 à 18:50

J'adore le dessin du comics d'origine...mais j'ai du mal avec Kirkman. Un genre de petit malin qui se cache derrière ses twists et la violence pour se faire mousser...mais quand on prend un peu de recul, son écriture ne tient pas la route. C'est foutraque et les persos n'ont aucune assise psychologique, vu qu'ils doivent continuellement surprendre/choquer le lecteur. Ça ne dit rien, à rapprocher d'un Tarantino des vieux jours.

Fky
02/05/2021 à 10:36

J'ai particulièrement apprécié le traitement du désastre de Chicago, les impacts pour la population ne sont pas zappés.


01/05/2021 à 21:23

Par contre vraiment je ne comprends pas qu'on puisse trouver ça aussi bien que The Boys, qui lui marquait vraiment les esprits.

Même si j'ai beaucoup apprécié les Comics, le scénario ne casse pas 3 pattes à un canard, et le suspens est totalement absent.


01/05/2021 à 21:19

J'ai lu tous les comics il y a un moment, et je dois dire que les modifications apportées à l'histoire originale me laissent un peu perplexe.

Amber qui devient noire, l'accent porté sur le L G B T (Wiliam par exemple, alors qu'il a une histoire avec Eve dans les Comics), ça fait très "j'impose les minorités". La scène dans les égouts avec Robot-Rick est juste ridicule.
Et puis Gray qui devient asiatique, c'est quand même marrant.

Pas que ça me gêne mais ça n'apporte pas grand chose à l'intrigue et c'est un peu gratuit.

Sinon les différences en terme de scénario sont assez bienvenues, le rythme est différent, mais il y 1 quelques intrigues intéressantes laissées de côté pour le moment.

J'attends de voir la suite mais pour le moment c'est vraiment très consensuel.

Pseudo
01/05/2021 à 20:19

C'est une bonne série, que je mets au niveau d'autres séries animés super héroïques ni plus ni moins. C'est pas mieux que justice league en animé ou d'autres, c'est du même niveau.

Dur de la comparer avec des séries live ou des films quand même.

Je préfère un my héros academia en terme de baston épique en animé, même si le premier combat d'omniman contre vous savez qui était ouf, ça ne vaut pas les bastons d'all might ou le final contre overall par exemple.


Bref, invincible c'est validé

Franken
01/05/2021 à 17:28

Je ne regarde pas vraiment de séries animées mais la B.-A. m’avait intrigué, surtout grâce à la note d’intention qui se devinait dans la qualité du doublage.
Je m’y suis collé, méfiant, pas convaincu, focalisé sur quelques errements, et pourtant la série m’a bien chopé au fil des épisodes. Les deux derniers mettent une méchante claque.

Et je regrette aussi que le cinéma n’ait jamais eu le courage de traiter aussi frontalement le sujet.
En série, The Boys, tout aussi sympa qu’il soit, ressemble à côté à une pitrerie d’élèves rigolards.
Snyder a sans doute dû fantasmer réussir quelque chose comme ça, mais c’est Snyder… (cela dit, il est sans doute convaincu avoir réussi). :D

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