Cruising : le polar-porno gay renié par Al Pacino

Axelle Vacher | 8 janvier 2023
Axelle Vacher | 8 janvier 2023

Après French Connection et L'Exorciste, William Friedkin se lance dans la réalisation de Cruising (ou La Chasse, en français), un polar gay porté par Al Pacino, hué à sa sortie en 1980.

Considéré comme l'une des pierres angulaires du Nouvel Hollywood entre les années 70 et 80, William Friedkin accède initialement à la renommée grâce à son adaptation du livre écrit par Robin Moore, French Connection. Après avoir remporté quelque cinq Oscars – dont celui du meilleur réalisateur – ce fils d'immigrants juifs ukrainiens continue de révolutionner le cinéma, et propose en 1973 le non moins culte Exorciste. Prétendant à 10 statuettes et lauréat de deux d'entre elles, le film jouira surtout des aléas tragiques survenus lors de son tournage pour nourrir sa propre légende.

À la fin des années 70 toutefois, l'image de Friedkin n'est plus au beau fixe. L'échec commercial de sa revisite du Salaire de la peur de Clouzot a lourdement plombé sa carrière. Désireux de renouer avec les lauriers de French Connection, le cinéaste souhaite se replonger dans une fiction policière, et décide pour cela d'adapter un roman de George Walker paru en 1970. Pour incarner son personnage principal, Friedkin choisit initialement l'acteur Richard Gere. Néanmoins, Al Pacino, qui a découvert le script entre temps, demande à jouer le personnage, ce que la production approuve vivement. Rapidement toutefois, l'un et l'autre déchantent, et le tournage se tourne en véritable enfer.

 

Cruising : La Chasse : photo, Al PacinoLa performance la plus étrange de la carrière de Pacino

 

Insertion progressive dans les annales

Friand d'intrigues provocatrices, Friedkin mêle à l'histoire de Walker une série d'homicides réellement perpétrés à l'encontre de la communauté homosexuelle new-yorkaise de l'époque. Six victimes ont ainsi été retrouvées mutilées, démembrées, les diverses parties du corps emballées dans des sacs plastiques et jetées dans l’Hudson River entre les années 1962 et 1979. Dans une approche quasi documentaire, le cinéaste implante avec un plaisir non dissimulé son dispositif au sein des leather bar, les "bars cuirs" de la ville, et y filme son personnage évoluer à tâtons dans ce milieu qui lui est alors inconnu.

Mais les ambitions honorables de Friedkin et la présence de la star du Parrain ne suffisent pas à assurer le succès du film, lequel accuse un tôlé critique retentissant à sa sortie. Considéré comme une farce pour les uns et un nanar inutilement provocant pour les autres, Cruising s'est surtout attiré les foudres d'accusations homophobes.

 

Cruising : La Chasse : photo, Al PacinoLe relou moyen en soirée

 

Si le passage du temps n'a pas toujours été clément avec le cinéma, il profitera néanmoins au film de Friedkin. Sa démarche authentique et le traitement de la communauté cuir homosexuelle, principal motif d'attaque dont le film a souffert à sa sortie, sont justement devenus les chevaux de bataille de ses défenseurs les plus aguerris. De l'aveu du cinéaste lui-même, il cherchait uniquement à diriger une intrigue policière, et non à réduire l'homosexualité à des conduites débridées et sadomasochistes. Le milieu dépeint dans le film n'est jamais que cela : un milieu, une toile de fond sur laquelle se déroule un récit aux retors méconnus des spectateurs de l'époque.

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commentaires
Pat Rick
09/01/2023 à 21:16

Un excellent film de Friedkin.

alulu
09/01/2023 à 18:29

De Montanus à Montana, il est très fort ce Pacino :)

Boddicker
09/01/2023 à 12:13

Même daté et un poil inégal ça reste un film fascinant et marquant parmi les meilleurs Friedkin.
Le salaire de la peur n'est pas un revisite du film de Clouzot mais une adaptation du roman de Georges Arnaud... Comme le film de Clouzot :)
Cheers.

warriors
09/01/2023 à 01:06

Du trés grand Friedkin

galetas
08/01/2023 à 19:38

FRIEDKIN raconte dans ses mémoires qu'il a modifié au cours du montage ses intentions au sujet de l'identité du/des assassin(s) et PACINO ,qui a basé tout son travail d'interprétation dans une autre direction à l'origine, s'est effectivement senti trahi. Ca n'empêche qu'il boude le film depuis malgré ses énormes qualités.

Ray Peterson
08/01/2023 à 19:14

Pas le meilleur Friedkin mais effectivement la fin ambiguë mérite le visionnage de ce film qui a pris cher pour son sujet alors que bon....
Karen Allen est formidable et Joe Spinell trimballe sa belle carcasse.
E

Kyle Reese
08/01/2023 à 12:48

Découvert très tardivement, il y a 5 ans, car l’ambiance cuir moustache très peu pour moi … Mais comme c’est Friedkin fallait bien que j’y fasse un tour et puis il y a le très grand Al.
Donc petit tour dans ce macho-man land et finalement pas mal du tout avec cette ambiance faite de mâles en rut aux muscles saillant, à la peau luisante et aux regards de braises (baises?) avec un Pacino complètement perdu sûrement autant sur le tournage qu’à l’écran. Il y est très touchant. Le film est assez sulfureux et semble correspondre pas mal à l’idée que l’on se fait de l’ambiance de ces boites gay « cuir » (en version soft) avec ses back rooms bien sombres remplis d’effluves et de moiteurs masculines. Je n’ai pas été vérifié, le film m’aura suffit. ^^

Pacino ne devrait pas renier le film. Il est excellent dedans.

Sanchez
08/01/2023 à 12:23

Excellent souvenir et une fin magnifique

Flash
08/01/2023 à 11:23

Cuir, cuir moustache !
Il faudrait que je le revois à l’occasion.
Je me souviens même plus du dénouement.
Par contre je me souviens bien de Power Boothe expliquant à un Pacino largué, la signification de la couleur des foulards que les gays cuirs portaient à leurs jeans.
A revoir, mais ça a sans doute pris un coup de vieux.