Uma Thurman - Portrait

Audrey Zeppegno | 25 août 2008
Audrey Zeppegno | 25 août 2008

Les films dans lesquels elle s'illustre ne méritent pas toujours le coup d'oeœil (loin de là), et pourtant Uma Thurman incarne toujours cette nymphe, dont l'aura semble pouvoir sortir indemne de n'importe quel carnage cinématographique. À quels trésors de magie la « Black Mamba » de Tarantino a-t-elle recours pour être ainsi épargnée par le temps, les navets et la sélection féroce qui fait rage à Hollywood ?

 

Miroir, mon beau miroir …

 

 

Une paire de gambettes interminables, deux yeux turquoise liquides, de ceux – revolver – qui vous dégomment en un battement de cils, un long nez aquilin, une bouche en cœur et un halo blond incandescent pour couronner le tout. Non, ces signes physiques distinctifs d'une bénédiction divine ne détaillent pas la dernière playmate mitraillée dans tous les shootings de la mappemonde trendy (quoique l'élue en question vante les mérites de Lancôme et d'autres marques prestigieuses à ses heures perdues). Le sujet de cette description à peine croyable, un modèle non-conformiste de beauté diaphane, illuminé par de savantes imperfections, est aussi l'objet de l'affection d'un certain Quentin Tarantino. 1m82 au garrot, du charme à foison, une carrière en dents de scie, pas mal de navets pour une poignée de prestations mirifiques, et un patronyme empruntant ses consonances envoûtantes à l'exotisme d'une déesse hindoue : Uma Thurman.

 

 

La bohème

 

 

Aussi bizarre que cela puisse paraître, ce mélange du feu de Dieu a mis un certain temps à brûler la surface de la pellicule. L'obstination, la certitude d'être vouée à taquiner l'œil de la caméra, Uma Thurman les a pourtant eues dès sa plus tendre enfance. Une vocation née de la réaction épidermique à cette cruauté puérile qui pousse les gosses à rejeter, avec force sobriquets et humiliations, ceux qui ne se fondent pas dans la masse. Canard boiteux Uma ? Plutôt grande gigue raillée à l'adolescence pour sa ligne planche à pain, devenue créature céleste... Outre son ascendant plastique, éminemment complexant à cet âge où un rien fait l'effet d'un tremblement de terre indice 7 sur l'échelle de Richter, la gamine élevée entre New Delhi et Boston mène très tôt une vie de bohème, désapprouvée par le plus grand nombre mais fortement encouragée par la fougue parentale. Car chez les Thurman, la transgression et l'indépendance se transmettent de génération en génération. De sa mère, une mannequin suédoise reconvertie en psychologue, et de son paternel, illustre théologien qui fut le premier Américain à officier en tant que moine bouddhiste aux côtés du Dalaï Lama, Uma a hérité d'une libre-pensée qui exalte son exubérance. C'est bien simple, à choisir entre la voir se dévergonder dans les nippes d'une vulgaire chearleader, et consentir à ce qu'elle quitte les bancs du lycée, Mr et Mrs Thurman optent pour la déscolarisation, préférant la voir voler de ses propres ailes direction « Big Apple », a l'idée qu'elle se galvaude dans un schéma dégradant typiquement yankee.

 

 

La poupée qui accepte de faire tapisserie

 

 

C'est alors, qu'à tout juste 15 ans, Uma taille la route vers la jungle urbaine, et fait ses premiers pas sous les projecteurs en embrassant la carrière de top model. Mais cette solution de facilité alimentaire lui joue des tours. Car en empruntant les chemins détournés du « sois belle et tais-toi », la future muse tarantinesque s'est collé à la peau l'étiquette de la jolie plante verte, cantonnée aux rôles de fantasme ambulant. Aussi, après deux apparitions dans Kiss daddy goodnight et Johnny be good, tombées aux oubliettes dans l'indifférence générale, Uma attise l'intérêt des hommes de tout poil, en incarnant la Vénus de Terry Gilliam dans Les Aventures du baron de Münchhausen. Grimée en Déesse de l'amour, l'actrice s'y illustre dans un tableau Boticcellien qui l'expose, émergeant d'un coquillage géant, cernée d'un essaim de chérubins qui s'affairent autour d'elle pour masquer sa tenue d'Eve. Du Kitch pure souche qui titilla Stephen Frears au point de discerner en cette figurante lascive la vierge effarouchée de ses Liaisons dangereuses. Quoique nettement plus présente à l'écran, Uma s'y fera surtout remarquer en prêtant à John Malkovich sa chute de reins, afin qu'il s'en serve comme d'un pupitre vertigineux… Enième flambée de libido masculine… sans l'ombre d'une retombée artistique. Sous l'égide de Gary Oldman, premier mentor et source d'inspiration avec qui elle convole en justes noces le temps d'une idylle express et chaotique, Uma décide donc de remiser sa panoplie de pin-up au placard pour camper des personnages qui impliquent un peu moins d'effeuillage et beaucoup plus de composition.

 

 

« Le Corps de Jayne Mansfield avec un cerveau à sa démesure »

 

 

Et la blonde un peu trop lisse de tenter la reconversion arty en simulant tout un éventail d'outcast. Successivement épouse bisexuelle et névrosée d'Henry Miller dans Henry and June, frangine psychotique de Kim Basinger dans Sang chaud pour meurtre de sang-froid, proie d'un serial killer chassant de jeunes aveugles dans Jennifer 8, call-girl aux faux airs de barmaid dans Mad Dog and Glory et auto-stoppeuse aux pouces démesurés dans le désastreux Even cowgirls get the blues, Uma décline la gamme trash et n'en finit plus d'accumuler les fausses notes à mesure qu'elle change de partition… Tout y passe, tout ou presque va à la casse, l'amertume la gagne, le découragement menace et l'incite fortement à replonger le nez dans les bouquins estudiantins au cas où Hollywood la répudierait faute de succès public, et qu'en dernier recours le recyclage s'imposait. Prudence est mère de vertu.

 

 

Mia Wallace « multi passe »

 

 

L'histoire aurait pu s'arrêter là, et l'escapade sous les feux de la rampe refermer sa parenthèse illusoire en se bornant à marquer l'égarement passager d'une midinette créative qui aurait pris ses désirs pour des réalités. Mais c'était sans compter sur l'intervention inespérée de l'excentrique Tarantino, chevalier frappadingue qui, d'un coup de baguette magique, transforme cette abonnée aux échecs cuisants en Mia Wallace, l'icône glam rock de sa Pulp Fiction. Affublée d'un casque de jais à la Louise Brook, pantalon pattes d'eph' et chemise blanche qui ne se déboutonne qu'au gré d'une scène d'overdose, où la ténébreuse se fait administrer une piquouse d'adré en plein cœur, Uma se déhanche sur la piste de danse, réveille la fièvre du samedi soir qui couvait en John Travolta, et s'impose comme la dernière pépite exhumée du no man's land par le défricheur de talents indépendants. Il n'en fallait pas plus pour sortir du tunnel et marquer le début d'une collaboration amicale longue durée. Voilà donc la « presque - inconnue - au - bataillon - des - actrices - bankable » plébiscitée par les gros studios en quête de chair fraîche, soit dit en passant : une semi consécration qui, si elle ne garantit pas l'Oscar, lui permet de vivre grassement de son art.

 

 

Une girouette virevoltant au vent de choix branlants

 

 

Galvanisée par ce facteur chance, comme irradiée d'un sixième sens qui lui fait entrevoir l'audace talentueuse tapie sous le futuriste Bienvenue à Gattaca, la comédienne aurait pu se tailler une carrière prestigieuse et prendre du galon en continuant sur cette lancée auteuriste exigeante. Au lieu de cela, la belle tombe sous le charme d'Ethan Hawke, s'adonne corps et âme aux joies de la maternité, tout en trouvant le temps d'ensorceler Batman dans la combi acidulée de Poison Ivy et d'enfiler les talons hauts d'Emma Peel dans l'adaptation de Chapeau melon et bottes de cuir, deux blockbusters dont les coefficients d'attente n'ont eu d'égal que leurs capotages dantesques… Décidément, l'Uma s'impose comme un alien, une espèce en voie de disparition qui s'enrôle avec l'insouciance d'une collégienne dans des tournages brinquebalants (des fresques historiques momifiées Vatel et La Coupe d'or à la comédie pataude Be cool, sans oublier Paycheck, thriller incompréhensible et mal ficelé) et se rappelle à notre bon souvenir en se ralliant aux lubies iconoclastes de quelques illuminés qui n'ont de cesse de raviver son culte. Dernier exemple en date : le phénoménal Kill Bill, ou comment une œuvre aussi monumentale que déviante remet sa Grâce dégingandée au goût du jour, en lui attribuant le rôle d'une mariée revancharde, revenue des limbes pour hacher menu le gang des vipères assassines. Rien de tel qu'une histoire à dormir debout, doublée d'une mise en scène vaporisant l'hémoglobine au karscher, pour réveiller l'intérêt des directeurs de casting, gommer son deuxième divorce (Hawke ayant été pris en flagrant délit de flirtouillage extraconjugal intensif), doper sa cote et… reprendre une tournée de quelques projets mainstream, alternant comédie vintage s'inspirant du music-hall des années 1940 (Les Producteurs) et romance contemporaine assez bien vue (Petites Confidences à ma psy). Soit un condensé de la touche Uma qui cristallise tout à la fois son inconstance et son esprit volage et spontané qu'aucun bide ne saurait entamer.

 

Aujourd'hui, après son rôle musclé dans le dyptique KillBill, Uma Thurman se "spécialise" dans deux catégories derôles : héroïne au fort caractère pour comédies romantiques plus ou moinsréussies (Ma super ex et Un mari de trop) ou mère au foyerpour drames pas finauds (La vie devant ses yeux). Voire parfois les deux, avec les prochains Motherhood, où elle interprète unemaman qui organise un anniversaire pour sa fille de 6 ans qui va virer aucauchemar (avec Minnie Driver et Anthony Edwards) et Eloise in Paris, adaptationdu très célèbre livre pour enfant de Kay Thompson où Uma jouera la gouvernantede la très turbulente Eloise. Il semble donc que pour la comédienne confirmée,le temps soit à se faire plaisir, à elle bien sûr mais aussi au spectateur.

 

 

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