Guillermo del Toro explique pourquoi il n'a pas peur des IA (et pourquoi c'est "de la merde")
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10 septembre 2023
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10 septembre 2023
Tout le monde a peur de l'arrivée des IA à Hollywood, mais pas Guillermo del Toro. Pourquoi ? À cause de la stupidité humaine. Explications.
En plus du festival de Deauville et de la Mostra de Venise qui s'achèvent tous deux ce week-end, le festival de Toronto bat également son plein en ce moment. Bien que se déroulant au Canada, il s'agit de l'un des plus importants festivals de cinéma en Amérique (d'aucuns le considèrent comme une antichambre des Oscars), et à ce titre, l'un des nombreux thermomètres de l'ambiance du moment à Hollywood.
Forcé de composer sans les stars et avec un nombre de films américains réduits à cause de l'énorme grève des acteurs et scénaristes aux États-Unis, le festival fait donc la part belle aux réalisateurs pour remplir sa vitrine. Et qui de mieux pour remplir une salle de chaleur humaine que Guillermo del Toro ?
Asseyez-vous à ma table, je vous en prie
IA contre humains : "all your bases are belong to us"
Jouissant d'une excellente réputation d'intégrité auprès du public et généralement très écouté au sein d'une industrie qui lui en a fait voir des vertes et des pas mûres, le cinéaste mexicain a profité de l'invitation tendue par le festival de Toronto pour s'exprimer sur la grande grève hollywoodienne. Et son analyse est légèrement surprenante : si Guillermo del Toro apporte son soutien au mouvement, pour lui, l'inquiétude envers l'intelligence artificielle est exagérée. Voici ses propos rapportés par le Hollywood Reporter :
"On me demande si j'ai peur de l'intelligence artificielle, je réponds que je m'inquiète de la stupidité naturelle. Ce n'est qu'un outil vous voyez ? Si quiconque veut avoir un film fait grâce aux IA, qu'on leur donne immédiatement. Je m'en fous des gens qui veulent être satisfaits et obtenir de la merde rapidement. Sinon, il suffit d'acheter une imprimante, d'imprimer La Joconde et de dire qu'on l'a faite."
Le meilleur moyen de se faire des films reste encore sa tête
Une position qui ne manquera pas de faire réagir ses comparses, puisque les dérives associées aux intelligences artificielles sont au cœur de la lutte actuellement menée par les grévistes. Bien que les IA ne soient pas encore capables d'écrire de scénarios aboutis et sans erreurs de continuité, rien ne dit qu'elles n'en seront pas capables dans un futur proche.
Les auteurs craignent qu'il ne soit en réalité déjà trop tard, et que leur travail dans le futur soit d'éditer des brouillons préétablis par l'IA. Par ailleurs, du côté des acteurs et des actrices, la crainte de se voir remplacer intégralement par des visages générés par ordinateur est bien réelle au vu de la puissance des animations augmentées par l'intelligence artificielle.
Guillermo del Toro marque cependant un point : se débarrasser des IA seulement ne résoudra pas le problème de fond, à savoir, les conditions de travail et les salaires, tout simplement. Les techniciens VFX du MCU, soumis à des délais impossibles qui les obligent à torcher les effets spéciaux qu'on leur confie, ainsi qu'Alex O'Keefe, scénariste sur The Bear qui vivait en dessous du seuil de pauvreté alors que la série gagnait un Emmy, peuvent vous en parler.
Tout savoir sur Guillermo del Toro
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11/09/2023 à 23:31
Del Toro a raison.
Les IA génératives ont probablement déjà atteint le plafond, et il n'y a pas grand chose à craindre à moyen ou long terme. La créativité humaine, que ce soit avec des prompts ou une caméra est la seule aux commande.
Mais plutôt que de tenir pour argent comptant un commentaire, je vous laisse encore vous faire un avis par vous même par un véritable expert du sujet, le co-créateur de Siri, Luc Julia, qui démontent ces "IA" à grand renfort d'explications techniques et mises en perspectives bienvenues :
https://www.youtube.com/watch?v=yuDBSbng_8o
11/09/2023 à 13:02
"De toute manière si les IA étaient intelligentes elles ne se laisseraient pas exploitées et feraient grèvent pour de meilleurs conditions de travail".
Argument irrecevable quand on voit ce que les humains subissent ou se font subir sur le marché du travail.
11/09/2023 à 10:29
@Sigi, je suis assez d'accord avec ce que tu dis, mais ça n'empêche pas d'être malgré tout inquiet pour l'avenir. Je vais prendre une comparaison qui pourra paraître hasardeuse, mais je pense qu'elle se tient.
Malgré l'arrivée de la cuisine industrielle (qu'on pourra en quelque sorte comparer à l'écriture d'un scénario par une IA), ça n'a pas empêché les grands chefs de continuer d'exister, de travailler et de bien vivre. Mais cela fonctionne car on ne paye pas le même prix pour manger de la nourriture industrielle que pour manger un plat de grand chef. Donc la nourriture de grand chef n'est pas abordable pour tout le monde. Si le prix était le même pour les deux, tout le monde mangerait de la nourriture de chef plutôt que de la bouffe industrielle
Or au cinéma, le prix est le même pour accéder au film généré par une IA (ou un humain ayant oeuvré un peu comme une IA) que pour accéder au film d'auteur. Dans pareille condition, difficile pour l'auteur qui aura impliqué bien plus d'heures de travail d'être aussi rentable que l'IA qui aura travaillé bien moins longtemps. Donc soit on distingue les deux types de films, en proposant des tarifs différents, ce qui rendra les films d'auteurs inaccessibles ,à une certaine partie de la population, soit on garde le même tarif pour tout le monde et évidemment les financiers préféreront le film généré par l'IA qui sera plus rentable.
Parce que bizarrement, quand il s'agit de cinéma, même quand on propose du cinéma d'auteur au même tarif que du cinéma industriel, les gens préfèrent en masse aller voir le cinéma industriel...
11/09/2023 à 10:19
Malheureusement, à force d'avoir fait faire pendant des années à des humains un travail sans aucune création comme le font aujourd'hui les IA, il n'y a rien de surprenant à ce qu'on en arrive là où on est aujourd'hui. Ca fait des années que les spectateurs se plaignent que les blockbuster ne sont que des resucées de ce qui existe déjà, des années que les scénaristes sur ces productions ne font que recycler ce qui a été écrit auparavant; On a habitué le public à ça, et donc il ne sera pas choqué le jour où il ira voir un film écrit par une IA.
Par contre les vrais créateurs n'ont pas ,à s'inquiéter des IA car ceux qui vont voir leurs films et les apprécient ne pourront pas apprécier les films écrits par des IA.
11/09/2023 à 09:46
Un autre problème m'inquiète, qui se produit en ce moment même, à une échelle jamais atteinte jusqu'alors, c'est la conception de scénarios artificiels par des intelligences organiques. Nous n'avons pas besoin d'en être pour fonctionner comme des robots et l'énergie créative n'est certainement pas la source de l'existence de la majorité des projets actuels.
10/09/2023 à 18:47
Hello,
c'est du simple bon sens. Il suffit de comprendre comment une IA fonctionne. Heureusement qu'il y a encore des personnes comme Guillermo del Toro qui font fonctionner leurs neurones indépendamment des racontars en vogue.
Ce qui est triste, c'est qu'il faut attendre qu'il le dise à voix haute pour que les gens s'en aperçoivent.
Après avoir lu le livre de Luc Julia, j'ai eu exactement la même réaction que Guillermo del Toro : ce qui est potentiellement problématique, c'est la manière dont des humains vont se comporter avec. Or, la connerie humaine est un problème de longue date.
Bien cordialement
10/09/2023 à 18:29
Citation de Desproges : Consultant: se dit de celui qui consulte ta montre, te dit l'heure, et te fait payer la prestation
Les IA c’est pareil. Un ensemble d’algorithmes qui tapent dans une base, en font la synthèse et te donne un résultat plus ou moins convaincant. Rien de transcendant pour le moment et je comprends pas qu’il y ait le mot intelligence dedans. Artificiel suffit. De toute manière si les IA étaient intelligentes elles ne se laisseraient pas exploitées et feraient grèvent pour de meilleurs conditions de travail.
Sinon l’article m’a apprit que Guillermo ne se fait pas de soucis pour son avenir. Il a du rembourser son prêt immo et s’être fait un pécule pour vivre de ses rentes. Il peut donc se consacrer à soutenir bénévolement la grève des petites mains qui se font du souci pour leur avenir.
10/09/2023 à 17:34
Bien dit, simple. Bueno Guillermo
10/09/2023 à 17:18
@Sigi : "les vrais artistes existent grâce à un baromètre artistique exclusivement humain. "
Je crois comprendre ce que tu dis mais je ne suis pas d'accord. Que ce soit pour avoir un comparateur ou parce que des gens tracent des chemins parfois repris par d'autres, je ne suis pas convaincu qu'il soit indispensable d'avoir un humain pour faire un boulot moyen qu'une IA pourrait faire aussi bien. Il y a toujours eu de grandes mutations dues aux avancées technologiques (électricité => charbon, voiture => pied/carosse, internet => minitel/téléphone, etc). Là le choc est plus violent car la masse de gens concernés est massive, ce ne sont "que" les scénaristes à Hollywood auj mais qu'on ne se trompe pas, c'est une question de temps avant que ça s'étende à plein d'autres métiers de toute sorte partout, en gros tous les métiers non manuels et où l'imprévu est faible).
Et du coup, oui il faut un dialogue, car au delà de l'aspect créatif sur lequel je me suis un peu focalisé (notamment à cause du ratio de bouses en hausse ces derniers mois dans les séries et films diffusés), d'autres questions viennent et là l'IA n'a pas sa place. Mais encore une fois, les débats publics sont très simplifiés, manichéens et corporatistes, la réflexion de fond est très peu mise en avant, d'un côté comme de l'autre. Et je le regrette car autant il y a un tas de nouveautés technologiques que je trouve effrayantes et pourtant très acceptées (le cloud, le tout digital, le qr code sur la table des restaurants... ) autant l'IA me semble être une avancée majeure qu'on méprise et sous estime pour (désolé) de petits aspects mesquins quand on voit ça l'échelle de ce que cela pourrait apporter.
10/09/2023 à 16:49
@Chris11 - Le problème de ton point de vue, que je comprends et dont certaines idées j'adhère, est les vrais artistes existent grâce à un baromètre artistique exclusivement humain. Paul Thomas Anderson est un génie parce que dans le même craft, usant des mêmes outils pour raconter une histoire, on voit Paul W. Anderson faire de la merde. On voit les limites du langage du cinéma chez Uwe Boll parce qu'on a vu l'étendu du possible de ce même langage chez Tarkovsky. Il en va de même pour les scénarii. Mais il faut un homme pour juger d'un autre homme.
Tous ces grands que tu viens de citer ne le seraient pas autant si une entité équivalente et non-humaine venait à créer dans (ce qui ressemble en tout cas) leur domaine, le Cinéma, et en faisant plus vite, plus effectivement et plus grand ce qu'ils mettent des années, en temps et en recherches, à atteindre. Toutes les discussions autour du remplacement des artistes par des IA existent sous le dôme des IA limitées que l'on a maintenant. Mais la médiocrité de leurs résultats sera bientôt de l'histoire ancienne, et c'est là qu'il faut installer le dialogue. Del Toro ne parle ni de singularité, ni de perfection du produit de la machine. Mais quand, et je dis bien quand, nous en serons là, il ne pourra plus avoir le même discours. Et, à mon plus grand regret, toi non plus.